C’est bien gentil de donner des leçons de morale à la planète. Mais somanqué, au lieu engarde la poussière dans le zyeu out’ voisin, tir’ mallol dans la vôt’ po commencer !
Nombreux sont nos compatriotes créoles assez naïfs pour croire que notre île n’est pas polluée. Non seulement elle l’est, mais généreux comme nous sommes, nous en faisons profiter les autres, à commencer par ceux qui s’en passeraient volontiers : on a expédié à Mada, au Pakistan, en Inde, des années durant, des containers entiers de batteries hors d’usage et non dépolluées comme l’exige la loi.
Mafia… ou clampins ?
Comme toute monstruosité, cette affaire est simple mais il a fallu attendre 4 années avant qu’elle ne trouve son aboutissement logique à la barre du tribunal. Quatre années d’une instruction approximative, bâclée même, si l’on tient compte des nombreux errements, des amalgames entre commandeurs et lampistes, des approximations des dossiers d’enquête. Les vrais, les grands responsables, eux, n’étaient pas là et pour cause : on n’a pas cherché à savoir qui sont ces empoisonneurs de l’ombre ; dont certains, selon Me Bruno Raffi, toujours très bien informé, se planqueraient « en Suisse et dont le nom commence par un « S » et se termine par un « T »… comme Schmidt », selon notre rugissant ténor sudiste.
Ils étaient 12 à la barre, impliqués à divers titres dans ce qui n’est pas « une mafia du crime », mais plutôt des gens cherchant à se faire de l’argent, beaucoup pour certains, quelques centaines d’euros pour d’autres.
Un jour de décembre 2012, les services des douanes opèrent un contrôle de routine dans un container. Derrière les matelas usagés, les vêtements déchirés, les godasses éculées, le tout destiné aux pauvres de Madagascar, ils découvrent le pot-aux-roses, des milliers de batteries usagées, objets éminemment dangereux car non dépollués, à savoir contenant encore leurs acides-poisons.
Les mains dans la gadoue
La loi française est très stricte ; si l’exportation des ces saloperies est autorisée (autant polluer les autres !), elle est soumise à des restrictions draconiennes pour la forme : les batteries doivent être vidées de tout liquide (dans des conditions sévères) et leurs éléments lavés. L’exportateur doit effectuer une double déclaration, aux services français et à ceux du pays récepteur. La logique et le simple respect humain le commandent : ces produits, non assainis, attaquent les populations, surtout les enfants, avec des maladies comme la plombémie et le saturnisme, dont on sait le caractère létal. Là, on en a découvert des non-vertes et des pourries.
Aucune de ces obligations légales n’a été observée. Et d’une ! Les acheteurs de batteries ont laissé leurs « collecteurs » travailler sans le minimum de protection physique. Pour clore le tout, toutes, absolument toutes les transactions se faisaient en liquide. Quand on sait que les achats de plus de 1.000 euros doivent se régler par chèque ou virement bancaire. Là, passez muscade, c’est le cas de le dire.
Deux transactionnaires, l’un installé ici, l’autre à Maurice, lançaient des appels d’offres en missouk ; d’autres, petites mains, enrôlaient des pauvres gars sans boulot pour récolter le maximum de batteries usagées partout dans l’île. Ils en trouvaient à profusion… domoune lé si tant tellement cochon !
Les listes d’objets des containers étaient établies sans que jamais y fût fait mention des batteries : « Vêtements à but humanitaire », qu’ils disaient.
Capitalisme sauvage, empoisonnement des pauvres
Enquêtes douanières, perquisitions, filatures, recoupements, Eliott Ness n’est qu’un enfant de choeur. Tout ça pour enchrister douze gars qui n’ont même pas été fichus, à la barre, d’expliquer le minimum du pourquoi du comment. L’un d’eux, natif de la Grande-Île, ne comprenait même pas les questions du Président Molié, lequel fut pourtant d’une infinie patience. On aurait eut-être pu fournir à cet homme un traducteur assermenté, non ? Quand je vous parlais d’insuffisances…
Généralement, les containers de poisons partaient vers Madagascar où, rachetés par des Karanas, ils reprenaient l’océan, direction les Indes, le Pakistan, la Chine. À savoir des pays qui comptent déjà parmi les plus pollués du monde.
Il faut préciser que si les douanes n’ont mis la main que sur quelques containers, il ne fait de doute pour quiconque que des centaines (ou plus ?) ont déjà effectué des croisières océaniques depuis des années.
L’engouement pour les batteries usagées a une explication simple : le plomb, qui ne valait pas grand-chose voici une dizaine d’années, a vu sa valeur grimper dans des proportions himalayennes. Ce plomb « sale » est traité, dans ces pays accueillants, par des populations ne regardant jamais au côté sanitaire du travail, pourvu qu’il rapporte quelques maigres subsides à ces gens crevant de faim. Maladies nombreuses, graves, décès fréquents, ça tracasse qui ? Tant que le capitalisme sauvage y trouve son compte…
La seule valeur brute du plomb de récupération surpasse, et de loin, tous les frais supposés : collecte des batteries usagées, stockage, transfert, transport, manipulation, traitement « à-peu-près », décès éventuels… Les acheteurs se battent à coups de cotation en bourse. Sa valeur ajoutée atteint des sommets.
« La patrie en danger »
Difficile de dire que la presse en a eu pour son argent ce jour d’hui : ils sont tous innocents ! « Intel la dit à mwin ramasse batteries… In’ aut’ la dit à mwin écrire pas batteries sur les déclarations po la douane… Mwin té conné pas rien… Té po fé viv ma famille à Madagascar… »
La procureur se débattait au milieu de ses dossiers, mutins comme poule voyant s’envoler les plumes de ses poussins. Pour finir par réclamer des peines échelonnées selon les divers degrés de culpabilité, de 2 ans fermes à 3 mois avec sursis.
Les avocats, on s’en doute, se sont rués dans cette brèche d’à-peu-près avec une jouissive férocité. Morceaux choisis :
Me Lebras : « En lisant ce semblant de dossier, je pensais la patrie en danger. Mon client a travaillé 2 semaines à collecter quelques batteries, pour 250 euros qu’il n’a jamais touchés. Pour un jeune au chômage, être accusé de trafic international… »
Bruno Raffi, maître ès-décibels et moucatage : « Je ne vois pas en quoi mon client serait responsable de toutes les maladies infantiles de la planète. Notre France, elle, ne se gêne pas pour souscrire des contrats mirobolants pour envoyer ses produits polluants empoisonner les pays pauvres. Madagascar par exemple ». Comme à son habitude, Me Raffi nous a administré un bref mais cinglant cours de géo-écolo-prospective : « Attendons que l’on ait maîtrisé le thermonucléaire : avec 2 gr d’uranium, nous aurons autant d’énergie qu’avec 600 kilos de pétrole ! » D’accord, l’ami… mais où est le rapport ?
Me Vincent Hoareau : « Mon client n’a fait que rendre service aux personnes de sa famille habitant à Madagascar ». Là-bas, il est vrai, avec la débrouillardise bien connue des Malgaches, on fait une batterie neuve avec quatre vieilles. Mais est-ce une raison suffisante pour les empoisonner ?
Justice à deux vitesses ?
Enfin, Ali Ahmed, le doux Me Ahmed, qui parle toujours en-dessous du nombre de décibels convenu, qui a aujourd’hui littéralement pété les plombs et comme on le comprend :
« On accuse ces gens d’exportation illégale. Mais pour ça, il faut exporter. Or, les marchandises saisies n’ont jamais quitté La Réunion. Elles n’ont donc pas été exportées. On s’insurge aussi contre les différences de traitements opérées par les douanes. Généralement, celles-ci proposent une transaction aux contrevenants. Là, rien ! On les envoie à la barre. De là à ce que le public pense que la Justice a plusieurs vitesses de rechange… »
N.D.A.
Là, je vais donner mon opinion très personnelle, que personne n’est obligé de partager.
Hulot a eu raison de tirer ses billes, s’étant (enfin !) rendu compte que développement et libéralisme d’un côté, écologie de l’autre, ne font JAMAIS bon ménage. Il a eu le mérite d’essayer. Don Quichotte aussi.
Seconde réflexion : Macron a passé des accords secrets (pourquoi secrets ?) avec la Chine : on leur expédie toutes nos saloperies et eux les dispatchent vers des pays « riches », comme le Pakistan, l’Inde, Madagascar, qui ont besoin de subsides. Autrement dit, « On vous refile nos merdes, vous en faites ce que vous voulez, par ici la bonne soupe ! »
Il est vrai que l’air est toujours plus respirable chez soi quand on expédie ses poisons ailleurs.