« Créole », un mot souvent convoqué mais c’est quand il s’agit de l’expliquer que le bât blesse. Etre né à la Réunion, apprécier un bon cari tang’ en savates deux doigts, savoir cuisiner un plat typique dann feuille banane, ou rouler un maloya au son des kayambs, est-ce un peu tout cela qui fait que l’on est créole?
Avant de se pencher sur la question, Alexis Miranville, en sa qualité d’historien, rappelle l’origine du terme, au temps de l’esclavage. « A l’époque, toute personne qui naissait à la Réunion, qu’elle soit d’origine africaine ou bien malgache, entrait dans une autre catégorie, elle devenait créole ». D’où, selon lui, et alors même que les choses ont « évolué », une condition nécessaire pour être appelé créole: être né sur l’île.
« Aujourd’hui, il y a également l’idée de métissage », complète-il. Mais Alexis Miranville, se gardera bien d’établir une liste de « critères » culturels. Car si la culture constitue un élément important de l’identité réunionnaise, elle « n’est pas éternelle », se « mélange » dans la confrontation à d’autres cultures.
Une vision du monde
De son côté, le sociologue Raoul Lucas, refuse de délaisser l’aspect culturel de la créolité. Pour lui, être créole, c’est « une façon de penser, de voir, de vivre ». Le fait d’être créole est donc intimement lié à la culture. « Dans la culture, on retrouve la cuisine, le culte des morts, la religion. Cela ne veut pas dire que l’on doit être détenteur de toutes les pratiques culturelles mais on ne va pas non plus être étonné de passer d’une procession tamoule à un office catholique, car c’est quelque chose que l’on comprend, auquel on n’est pas étranger. Etre créole, c’est partager une certaine compréhension du monde », conclut-il.
Le terme « créole », au-delà de définir l’appartenance d’une personne, désigne une langue et c’est bien souvent elle qui fait que l’on identifie une personne comme créole. Et si Raoul Lucas, estime que l’on peut-être créole, en ne la parlant pas, cet avis est loin d’être partagé par tous.
Le créole, langue régionale la plus utilisée
Ancien professeur de langue et traducteur de plusieurs ouvrages en créole, Robert Gauvin, en fait au contraire un élément essentiel de l’être créole, en plus du partage d’une histoire et d’une vision commune. « L’âme, l’histoire et la vie sont contenus dans la langue qui fait le créole », soutient-il.
Et il faut dire qu’il est difficile à la Réunion de faire l’impasse sur le créole tant il est parlé. Selon les données communiqués par l’Insee, « plus de la moitié des Réunionnais parlent aujourd’hui encore uniquement le créole, ce qui en fait de loin la langue régionale la plus utilisée dans les départements d’outre-mer ».
S’il est en tout cas une conclusion qui se dégage systématiquement des témoignages recueillis, c’est qu’il est extrêmement compliqué, voire impossible de définir ce qui fait de quelqu’un un Créole. Certains convoqueront la géographie, d’autres l’ascendance, la langue, la culture, ou le sentiment d’appartenance, mais finalement chacun fait sa tambouille pour une jolie Réunion de saveur…