Voici quelques années, dans l’intention (soi-disant) de revaloriser le métier d’enseignant, on décida d’appeler ces titulaires du CAP « professeurs des écoles ». Comme si le noble nom d’instituteur était entaché de je ne sais quelle ignominie !
J’ai été instituteur durant près de dix ans et n’ai jamais eu honte de le dire. Mon grand-père était instituteur de la Colonie, un de ces fiers « hussards noirs de la République » chers à Jules Ferry. J’ai eu l’honneur et le plaisir de le mettre en photo dans Le Mémorial. Redoutable pédagogue, il aurait été capable d’apprendre à lire à une vache si on l’avait exigé de lui. Je rends volontiers le même hommage à mes vieux instituteurs de Saint-Joseph et La Rivière, les Ah-Sing, Félicien ti-zoreilles, Pierrot Malet, « mâââme » Fritz, madame « Ti-Souris », Emmanuel Técher, Théodore et Ludo Hoareau, Emile Fontaine… Aucun n’a jamais caché son état, chacun en était fier.
La situation des enseignants s’étant dégradée, on a changé leur appellation. Il eût été préférable de leur donner du pognon mais, surtout, de restaurer à leur profit le pouvoir disciplinaire. Hypocrites !
On constate la même perversité sémantique avec des mesures absconses destinées soi-disant à lutter contre des fléaux. Interdiction aux stations-service de vendre du tabac ou de l’alcool.
Soit le tabac et l’alcool sont des fléaux et on les interdit. Soit ils n’en sont pas. L’obligation consistant à dire et à écrire à tout propos que « l’abus d’alcool est dangereux » ou « à consommer avec modération » ne changera rien aux habitudes des picratophiles de tout bord.
Mais pauvre malheureux idéaliste, songez aux fabuleuses taxes que l’Etat perçoit sur le paquet de Gauloises ou le litre de charrette ! J’entends bien, acquittant moi-même ces taxes quotidiennement avec une régularité de métronome. Mais persiste et signe : les « mesurettes » d’interdictions légales apparentes ne changeront rien aux mesurettes de mandoze que les amateurs ingurgitent chaque jour que Dieu fait.
Si un soiffard ne peut s’approvisionner en 49° chez Agip, il ira à la boutique du coin. Hypocrites !
Les partis politiques ne parlent pas autrement. Lorsqu’un journaliste s’offusquait auprès du pâle Jean-François Copé de l’absence de l’Outre-Mer dans ses programmes, comme les singes qui se cassent la gu…, il s’est rattrapé aux branches : « Cela va venir. Vous en aurez plus que prévu ». Hypocrite !
Il va de soi que j’assume seul l’entière responsabilité de ma rage. A la bonne vôtre !
Jules Bénard