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Procès filmés et budget de la Justice : Les avocats de La Réunion réagissent

Après à la présentation du budget "historique" de la Justice 2021 par le garde des Sceaux, les bâtonniers de La Réunion livrent leur sentiment. Si l’augmentation du budget est forcément bien accueillie, l’annonce concernant les procès filmés laisse les robes noires plus perplexes.

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 30 septembre 2020 à 16H47

« On ne va pas s’en plaindre », reconnaît le bâtonnier du tribunal de Saint-Pierre, Me Norman Omarjee. Et pour cause, Éric Dupond-Moretti a présenté lundi un budget de la justice « historique » avec une augmentation de 8% prévu pour son ministère. Une rallonge budgétaire qui doit servir notamment à embaucher plus de personnel. « C’est une bonne chose, la Justice manque de moyens humains. C’est une bonne nouvelle pour tous » souligne l’avocat.

Même son de cloche pour le bâtonnier du tribunal de Saint-Denis, Me Guillaume de Géry, qui estime que « c’est une bonne nouvelle, car la justice française n’est pas classée parmi les pays les mieux lotis ». Selon lui, à l’heure actuelle, la justice manque cruellement de greffiers comme le confirme son homologue du Sud. En tout, 2 450 recrutements vont être effectués dans les prochaines années.

Dans ce budget, 200 millions d’euros vont être consacrés à la « justice de proximité ». Un retour des juges de proximité qui avaient été supprimés le 1er juillet 2017. Mais l’un des autres chantiers qui devraient être améliorés selon les professionnels de la justice concerne le système de communication électronique des tribunaux qui est défaillant. « La Covid a révélé les limites de notre système de communication électronique. Nous ne pouvons pas transmettre les pièces d’un dossier par voie électronique, nous devons faire des photocopies avant de pouvoir les transférer. Cela nous prend énormément de temps et même les juges sont d’accord avec cela » indique le bâtonnier Guillaume de Géry.

Les avocats ne veulent toutefois pas célébrer cette hausse budgétaire trop tôt. « Nous avons également des réserves. Nous ne savons pas encore à quoi vont servir les fonds et puis un budget peut être annulé en cours d’année par le ministère des Finances. Pour le moment, ce sont des effets d’annonce qui doivent se prolonger de manière effective et ne pas être coupés par Bercy », prévient Me Guillaume de Géry.

Les procès filmés : plus de questions que de réponses

L’autre annonce forte du garde des Sceaux concerne la volonté de filmer les procès. À l’heure actuelle, cela est interdit sauf si celui-ci revêt un intérêt historique pour la Justice comme le procès de Maurice Papon ou celui des terroristes. Mais ces images sont conservées 50 ans avant d’être rendues publiques. Cette idée n’est pas nouvelle puisqu’en 2003, un rapport avait été demandé par le ministre de la Justice de l’époque, Dominique Perben, sur le sujet. Ce rapport ne s’opposait pas à la captation et la diffusion des images d’un procès tant que la publicité des débats n’allait pas à l’encontre de la sérénité du procès.

Concernant la volonté d’Eric Dupond-Moretti de filmer les procès, les robes noires se posent plusieurs questions. « Quelles audiences vont être filmées? Civiles? Pénales? Comment vont-ils être diffusés? Sur YouTube? » se demande le bâtonnier du tribunal de Saint-Denis. De son côté, le bâtonnier Norman Omarjee ne s’oppose pas à l’idée sur le principe, mais espère que cela « ne fasse pas tomber dans la télé-réalité » et ne concernera pas les affaires familiales ou privées.

Une crainte de la surenchère partagée par le bâtonnier Guillaume de Géry. « Cela peut porter atteinte à la sérénité des débats. Il ne faut pas confondre publicité des débats (rendre public un procès) et médiatisation des débats. Se sachant filmés, les avocats ou les juges vont peut-être vouloir prendre des postures. Nous, avocats, pouvons être également tentés de faire des effets de manche pour la télévision. Certains vont vouloir se faire de la publicité devant les caméras. De plus, le fait de filmer un procès peut influer sur les juges et le jury », prévient-il.

De plus, c’est la notion de présomption d’innocence et de droit à l’oubli qui vont être remis en cause selon le bâtonnier du tribunal de Saint-Denis. « Si l’on montre un prévenu lors d’un procès et qu’il est innocenté par la suite, son visage restera et l’impact pourrait être catastrophique pour lui. De même qu’une personne condamnée et qui a purgé sa peine à la société restera identifiable par la suite. Il faut mesurer l’ampleur de tout cela » averti Me de Géry qui se dit réticent à ce sujet.

Toutefois, le bâtonnier Norman Omarjee voit ici une tentative de rapprocher la justice des citoyens. « On se rend compte de la volonté de réparer le désamour des Français pour la Justice. Tout cela est fait dans une volonté de considérer que la Justice subit une forme d’incompréhension », conclut-il.

 

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