Philippe P. est jugé depuis ce jeudi 21 avril devant la cour criminelle. Il encourt 15 ans de réclusion pour avoir tiré sur un mineur avec son lanceur de balles de défense lors d'un épisode de violences urbaines qui a secoué la ville du Port en février 2014.
L'équipage des quatre agents de la brigade anti-criminalité qui avait pour mission de disperser les émeutiers et de ramener le calme a dissimulé les faits à sa hiérarchie.
Mais la presse avait eu vent de l'affaire, ce qui avait déclenché une enquête interne puis la venue de deux enquêteurs de l'IGPN, l'Inspection générale de la Police nationale, une dizaine de jours après l'éborgnage.
"Je voulais être un héros"
"C'est quand j'ai vu les photos des lieux dans la presse que tout s'est écroulé autour de moi", a déclaré Philippe P. des sanglots dans la voix. "Je voulais être un héros, être reconnu par le public et par ma famille".
Pourtant, l'officier de la BAC du Port depuis 2007, qui avait volontairement omis de déclarer ce tir à sa hiérarchie, était resté sur sa ligne pendant presque toute sa garde à vue. Ce n'est qu'au moment des confrontations avec ses collègues qu'il avait admis qu'il y avait vraisemblablement un lien entre l'utilisation de son LBD, au coin des rues Berlioz et Ajaccio, et l'éborgnage de Steeve, un lycéen de 16 ans.
L'équipage des quatre agents de la brigade anti-criminalité qui avait pour mission de disperser les émeutiers et de ramener le calme a dissimulé les faits à sa hiérarchie.
Mais la presse avait eu vent de l'affaire, ce qui avait déclenché une enquête interne puis la venue de deux enquêteurs de l'IGPN, l'Inspection générale de la Police nationale, une dizaine de jours après l'éborgnage.
"Je voulais être un héros"
"C'est quand j'ai vu les photos des lieux dans la presse que tout s'est écroulé autour de moi", a déclaré Philippe P. des sanglots dans la voix. "Je voulais être un héros, être reconnu par le public et par ma famille".
Pourtant, l'officier de la BAC du Port depuis 2007, qui avait volontairement omis de déclarer ce tir à sa hiérarchie, était resté sur sa ligne pendant presque toute sa garde à vue. Ce n'est qu'au moment des confrontations avec ses collègues qu'il avait admis qu'il y avait vraisemblablement un lien entre l'utilisation de son LBD, au coin des rues Berlioz et Ajaccio, et l'éborgnage de Steeve, un lycéen de 16 ans.
Il lève les bras et dit "lé bon, lé bon" : il n'a rien
Soutenu par de nombreux policiers présents dans la salle et par le syndicat Unité SGP FO Police, Philippe P. a raconté sa version des faits. Après avoir rappelé le contexte, à savoir la troisième nuit d'émeute et l'obligation pour son équipage, censé travailler de jour, de s'engager dans les opérations de nuit, le policier a expliqué avoir tiré une première fois dans la rue Rico Carpaye où se concentraient les principaux attroupements.
Des émeutiers étaient partis en courant, tout comme des jeunes venus en spectateurs des affrontements. La 308 de la BAC avait suivi le groupe afin de le disperser dans les rues adjacentes. Alors qu'elle s'était arrêtée à l'angle de la rue Hector Berlioz, Philippe P. raconte avoir vu surgir des buissons une silhouette athlétique sur sa gauche. Au même moment, un de ses collègues lui signalait la même chose. "J'ai eu peur, je me suis senti menacé. Il pouvait être dangereux. Je lui ai fait face et j'ai tiré sans viser car l'individu était en mouvement", détaille l'accusé.
Le chauffeur de la 308 serait alors sorti du véhicule pour mettre au sol et interpeller le jeune. À ce moment-là, les deux autres policiers partis remonter la rue en courant reviennent. Philipe P. reste assis sur son siège arrière gauche, scotché par les fautes réglementaires qu'il vient de commettre. "Je sais que je n'ai pas le droit de tirer d'une voiture et encore moins à cette courte distance".
Une version apprise par cœur ?
L'équipage reçoit l'ordre de se replier vers la rue Carpaye pour porter assistance à un collègue. Le jeune au sol ne présentant aucune blessure, ils abandonnent l'opération et quittent les lieux en marche arrière. Quelques minutes plus tard, Philippe P. informe ses co-équipiers qu'il a tiré. Ils reviennent et croisent le même jeune qui se trouvait au sol quelques instants plus tôt. Celui-ci lève les bras, "Lé bon, lé bon". Les policiers sont rassurés, fin de la scène.
Soutenu par de nombreux policiers présents dans la salle et par le syndicat Unité SGP FO Police, Philippe P. a raconté sa version des faits. Après avoir rappelé le contexte, à savoir la troisième nuit d'émeute et l'obligation pour son équipage, censé travailler de jour, de s'engager dans les opérations de nuit, le policier a expliqué avoir tiré une première fois dans la rue Rico Carpaye où se concentraient les principaux attroupements.
Des émeutiers étaient partis en courant, tout comme des jeunes venus en spectateurs des affrontements. La 308 de la BAC avait suivi le groupe afin de le disperser dans les rues adjacentes. Alors qu'elle s'était arrêtée à l'angle de la rue Hector Berlioz, Philippe P. raconte avoir vu surgir des buissons une silhouette athlétique sur sa gauche. Au même moment, un de ses collègues lui signalait la même chose. "J'ai eu peur, je me suis senti menacé. Il pouvait être dangereux. Je lui ai fait face et j'ai tiré sans viser car l'individu était en mouvement", détaille l'accusé.
Le chauffeur de la 308 serait alors sorti du véhicule pour mettre au sol et interpeller le jeune. À ce moment-là, les deux autres policiers partis remonter la rue en courant reviennent. Philipe P. reste assis sur son siège arrière gauche, scotché par les fautes réglementaires qu'il vient de commettre. "Je sais que je n'ai pas le droit de tirer d'une voiture et encore moins à cette courte distance".
Une version apprise par cœur ?
L'équipage reçoit l'ordre de se replier vers la rue Carpaye pour porter assistance à un collègue. Le jeune au sol ne présentant aucune blessure, ils abandonnent l'opération et quittent les lieux en marche arrière. Quelques minutes plus tard, Philippe P. informe ses co-équipiers qu'il a tiré. Ils reviennent et croisent le même jeune qui se trouvait au sol quelques instants plus tôt. Celui-ci lève les bras, "Lé bon, lé bon". Les policiers sont rassurés, fin de la scène.

Après un long passage dans un comité de quartier, Philippe P. est désormais affecté à la Police aux frontières.
Une forteresse de mensonges
La veille, à la barre de la cour, les trois fonctionnaires de la BAC ont livré une version tellement similaire qu'elle semble apprise par cœur. Une question subsiste : pourquoi sont-ils revenus à l'angle de la rue pour fouiller sous le lampadaire, là où la vie de Steeve a basculé ? Peut-être pour effacer les traces laissées par le tir. "Vous vous êtes enfermés dans une forteresse de mensonges", a fustigé l'avocate générale.
Car pour Steeve, un jeune adulte bien sous tous rapports, les choses ne se sont pas déroulées de cette façon. Les émeutes ayant gagné en intensité vers 2 heures du matin, il avait fui en courant. Une 308 roulait sur ses talons.
Une semelle s'écrase sur mon visage, on me traite de "fils de pute"
À l'angle des rues Berlioz et Ajaccio, il avait perdu une savate et trébuché sous un lampadaire. La voiture s'était arrêtée, les officiers étaient descendus de voiture. "J'ai tout de suite montré mes mains car je savais qu'ils allaient m'appréhender. Au même moment, un policier est sorti de l'arrière gauche du véhicule à un mètre. Il tire. Je sens l'odeur de la poudre. J'ai une douleur intense à l'œil. Je reçois des coups de pied dans les côtes et une semelle s'écrase sur ma figure. J'entends : 'Fils de pute, t'as compris là?' Puis, un homme resté dans l'auto : 'Ça va, il a compris, arrête'. Ils partent en marche arrière. Avant de redémarrer, il me regarde en rigolant."
Steeve a-t-il été frappé par un tir de surprise puis laissé au sol malgré ses blessures ? Ou bien a-t-il surgi et effrayé un policier déjà chauffé à blanc par les projectiles lancés aux forces de l'ordre dans la soirée ? Philippe P. a-t-il commis des violences volontaires qu'il a ensuite tenté de dissimuler avec la complicité de ses équipiers ? Sera-t-il déclaré coupable ou acquitté ?
Des questions qui trottent certainement dans la tête des cinq magistrats professionnels qui devront trancher lundi après les plaidoiries de Me Jacques Hoarau pour la partie civile et de Me Laurent Franck Lienard en défense ainsi que les réquisitions de la procureure générale, Fabienne Atzori.
La veille, à la barre de la cour, les trois fonctionnaires de la BAC ont livré une version tellement similaire qu'elle semble apprise par cœur. Une question subsiste : pourquoi sont-ils revenus à l'angle de la rue pour fouiller sous le lampadaire, là où la vie de Steeve a basculé ? Peut-être pour effacer les traces laissées par le tir. "Vous vous êtes enfermés dans une forteresse de mensonges", a fustigé l'avocate générale.
Car pour Steeve, un jeune adulte bien sous tous rapports, les choses ne se sont pas déroulées de cette façon. Les émeutes ayant gagné en intensité vers 2 heures du matin, il avait fui en courant. Une 308 roulait sur ses talons.
Une semelle s'écrase sur mon visage, on me traite de "fils de pute"
À l'angle des rues Berlioz et Ajaccio, il avait perdu une savate et trébuché sous un lampadaire. La voiture s'était arrêtée, les officiers étaient descendus de voiture. "J'ai tout de suite montré mes mains car je savais qu'ils allaient m'appréhender. Au même moment, un policier est sorti de l'arrière gauche du véhicule à un mètre. Il tire. Je sens l'odeur de la poudre. J'ai une douleur intense à l'œil. Je reçois des coups de pied dans les côtes et une semelle s'écrase sur ma figure. J'entends : 'Fils de pute, t'as compris là?' Puis, un homme resté dans l'auto : 'Ça va, il a compris, arrête'. Ils partent en marche arrière. Avant de redémarrer, il me regarde en rigolant."
Steeve a-t-il été frappé par un tir de surprise puis laissé au sol malgré ses blessures ? Ou bien a-t-il surgi et effrayé un policier déjà chauffé à blanc par les projectiles lancés aux forces de l'ordre dans la soirée ? Philippe P. a-t-il commis des violences volontaires qu'il a ensuite tenté de dissimuler avec la complicité de ses équipiers ? Sera-t-il déclaré coupable ou acquitté ?
Des questions qui trottent certainement dans la tête des cinq magistrats professionnels qui devront trancher lundi après les plaidoiries de Me Jacques Hoarau pour la partie civile et de Me Laurent Franck Lienard en défense ainsi que les réquisitions de la procureure générale, Fabienne Atzori.