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Prison Juliette-Dodu: « Un décalage manifeste entre les textes et les déclarations d’intention de M. le Maire de Saint-Denis »

A L’occasion de la semaine de commémoration de l’abolition de l’esclavage, l’association Kartyé Lib – Mémoire & Patrimoine Océan Indien a organisé un point presse cette semaine pour commenter les récentes décisions autour de l’ancienne prison Juliette-Dodu, inscrite partiellement à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. L’association déplore les derniers obstacles encore présents entre les différents […]

Ecrit par Nicolas Payet – le vendredi 20 décembre 2019 à 11H03

A L’occasion de la semaine de commémoration de l’abolition de l’esclavage, l’association Kartyé Lib – Mémoire & Patrimoine Océan Indien a organisé un point presse cette semaine pour commenter les récentes décisions autour de l’ancienne prison Juliette-Dodu, inscrite partiellement à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. L’association déplore les derniers obstacles encore présents entre les différents partenaires mais aussi, et surtout, « le décalage » entre les promesses et leurs réalisations, notamment de la part de la mairie de Saint-Denis ([« Prison Juliette-Dodu: Gilbert Annette fait stopper le projet »]urlblank:https://www.zinfos974.com/Prison-Juliette-Dodu-Gilbert-Annette-fait-stopper-le-projet-de-la-SHLMR_a144294.html ).
 

Au cours de cette semaine de commémoration de l’abolition de l’esclavage, nous avons souhaité organiser cette conférence de presse pour faire le bilan de l’année écoulée, riches en rebondissements et en promesses électorales et évoquer comment nous souhaitons poursuivre notre engagement dans les mois à venir. Il y a eu des avancées en 2018. Pourtant… presque tout reste encore à faire !
Je vais entrer dans le vif du sujet.

En novembre 2017, nous avons demandé que le site soit inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH).

En 2018, nous avons mené une campagne de sensibilisation à travers toute l’île pour que la population prenne conscience de l’importance qu’il y a, à sauvegarder ce lieu unique de notre histoire. Cet espace carcéral a conservé l’empreinte de faits inscrits dans la mémoire sociale de La Réunion. La prison Juliette-Dodu a constitué une structure presque organique : ses murs n’ont cessé d’évoluer, au gré des abattages ou des élévations de cloisons, pour répondre aux lois pénitentiaires et au volume croissant de la population incarcérée.

Depuis deux ans, lors des journées du patrimoine, nous nous installons devant l’entrée principale de l’ancienne prison. Nous y rencontrons un public curieux, avec lequel Kartyé Lib noue des échanges fructueux et positifs. La population nous manifeste un soutien massif. Cette année, dans le cadre de la journée du patrimoine à la chapelle Saint-Thomas des Indiens qui est visée elle aussi, par un programme d’aménagement immobilier, nous avons présenté une exposition de la cartographie de l’ancienne prison Juliette Dodu en partenariat avec ODI-Réunion, Radio Arc-En-Ciel et les amis de la chapelle Saint-Thomas des Indiens. Nous constatons que le public s’informe de plus en plus de notre combat. L’engouement de la population pour la sauvegarde des patrimoines nous réjouit et nous encourage à poursuivre.

2019 a été une année riche en événements. Kartyé Lib participe à la constitution d’un réseau mémoriel international. Nous y travaillons depuis fin 2016 avec le prince Serge Guezo du Bénin. Nos efforts ont abouti en juin dernier, à La Réunion, à la tenue d’un colloque international qui a réuni des chercheurs de l’océan Indien, du Bénin, d’Haïti et du Brésil. Un buste de Toussaint Louverture, figure de la Révolution française et de l’indépendance d’Haïti, a été inauguré dans le Jardin de la Mémoire de la ville de Saint-André.

De fait, nous contribuons à tisser des liens entre historiens de La Réunion et historiens africains. Nous venons de collaborer au 25ème anniversaire du projet « Route de l’Esclave » : Résistance, liberté, héritage, lancé en 1994 à Ouidah au Bénin. Kartyé Lib MPOI a participé aux colloques qui se sont tenus à Cotonou au Bénin et à la cérémonie organisée à la « Porte de non-retour », à Ouidah. Nous avons pu constater – et -regretter- le manque de visibilité de La Réunion et la faible représentation de notre histoire et de notre géographie de l’esclavage lors de ce genre de rencontres internationales. Nos amis antillais savent bien mieux médiatiser et communiquer sur la traite et l’esclavage transatlantiques. A tel point que, même au sein des projets de programmes scolaires nationaux, l’océan Indien finit par être oublié. Dès lors, on comprend mieux notre difficulté à exister sur la scène internationale ! Nous nous battons aussi pour que cela change !

En septembre-octobre 2019, l’Université de La Réunion nous a ouvert le théâtre Vladimir Canter, dans le cadre de sa programmation d’action culturelle. Nous remercions les Services Art & Culture de l’Université, avec lequel nous y avons organisé une série de conférences sur le thème « Regards croisés sur l’Histoire et l’Architecture carcérale de l’ancienne Geôle de Saint-Denis ». Les étudiants et le grand public ont répondu présents. Les gens commencent à s’approprier cet aspect encore obscur de notre histoire. Lors des échanges, encore une fois, nous constatons que tout le monde s’accorde sur la nécessité impérative de mettre en valeur cet espace-témoin unique. Ce lieu de mémoire doit contribuer à une meilleure compréhension de l’histoire de l’esclavage et de l’engagisme dans l’océan Indien. Un consensus se dessine autour de l’idée qu’il devient plus urgent que jamais de le préserver et de consolider la réflexion scientifique et patrimoniale à laquelle nous nous sommes attelés.

Kartyé Lib MPOI a fait la demande d’inscription à l’ISMH, dès 2017. La directrice de la DAC-Réunion, a réuni le 19 septembre 2019, la CRPA, présidée par Mme Aline MURIN-HOARAU, à cette occasion, nous avons regretté que Mme MURIN ait, en fait, tenté de s’approprier notre projet à des fins électorales. Elle a même mené une campagne active autour du projet dont nous regrettons le manque de discernement et le fait qu’elle n’apporte pas d’arguments suffisants sur l’aspect historique et mémoriel du site. Notons qu’elle n’est pas allée au bout de la démarche d’inscription de l’ensemble du site. Finalement, cette démarche approximative a abouti à ce que M. le Préfet émette un arrêté visant l’inscription – partielle – du site et non un arrêté de protection totale ce qui nous apparaitrait comme une mesure de bon sens.

A contrario, depuis 2015 nous bénéficions du soutien indéfectible de Didier Robert, Président de la Région, avec qui nous traitons directement sur le sujet.

En parallèle, nous saluons le travail considérable de l’expert qui n’a pas ménagé ses efforts. Durant trois jours, nous l’avons accompagné, avec les parties adverses. Nous n’étions pas toujours d’accord. Mais Kartyé lib a pu exposer ses dires. Au final, nous sommes heureux que ces échanges fructueux et transparents aient porté leurs fruits.

Quelques semaines avant la tenue de la CRPA, le Maire de la commune de Saint-Denis a changé sa position vis-à-vis du projet de la SHLMR. Il a publiquement pris position contre le projet d’aménagement de la SHLMR et s’est prononcé en faveur de la création d’un lieu mémoriel. Avant de faire sa déclaration publique, le Maire a rencontré les membres du conseil d’administration de l’association Kartyé Lib MPOI et une partie de son comité scientifique.

Toutefois, il faut bien lire les conclusions de l’expertise transmise au Tribunal Administratif, et bien lire également l’arrêté du 23 octobre 2019. Car il subsiste un décalage manifeste entre ces textes et les déclarations d’intention de M. le Maire de Saint-Denis. Nous invitons donc la Commune de Saint-Denis à étudier PLUS attentivement les éléments du pré-rapport de l’expert avant toute modification de son document d’urbanisme concernant son centre-ville.

Il serait aussi souhaitable que la DAC-Réunion prenne en considération ces éléments nouveaux, apportés par l’expert et qu’elle revoie le niveau de protection de certains bâtis. Très concrètement, nous portons un projet pour faire de cette ancienne prison un lieu mémoriel et un centre de recherches.

Dans ce cadre, nous avons adressé une convention de partenariat aux institutions : la Mairie de Saint-Denis, la Région Réunion, le Département de La Réunion et la Préfecture de La Réunion. Nous souhaitons que chacun s’engage officiellement à faire acter, selon ses instances de délibération, les conditions et les modalités de sa collaboration avec les autres parties. La Région nous a déjà fait un retour.

En novembre 2019, Kartyé Lib s’est impliquée dans la Semaine de l’histoire de l’Indianocéanie 2019, auprès de l’Association Historique Internationale de l’océan Indien (AHIOI), présidée par le Professeur Prosper EVE. Pour une première fois, à La Réunion, nous avons reçu le représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme : M. Mactar NDOYE. Il admet avec modestie sa méconnaissance de l’esclavage et de l’engagisme dans cette zone « un peu oubliée ». Mais il a clairement exprimé son sentiment selon lequel le monument historique ancienne prison Juliette Dodu devrait être inscrit, à l’instar du Mont-Brabant à Maurice où d’autres monuments et sites de valeur patrimoniale similaire, au patrimoine mondiale de l’UNESCO, cela en droite ligne de l’esprit et de la lettre du programme d’activités de la Décennie internationale des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine (2015-2024).

Il a été accueilli à l’aéroport par la députée, Nathalie Bassire et Kartyé lib MPOI. Le président de la Région et du service protocole Région lui ont aussi réservé un accueil chaleureux, qu’ils en soient remerciés.

De retour à Genève, M. Mactar NDOYE a rendu compte de la situation au groupe de travail d’experts des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine sur la nécessité de porter un regard nouveau sur la question de l’afro-descendance dans la région Indianocéanie et l’urgence de la part de tous les acteurs concernés, y compris les Nations Unies, de militer en faveur de la protection de la totalité du site de mémoire, y compris l’ancienne prison Juliette Dodu.

Le groupe de travail d’experts des Nations Unies a retenu avec attention les informations communiquées, réagira et s’adressera en temps opportun aux autorités compétentes, afin que la question de l’afro descendance dans la région Indianocéanie et à l’île de la réunion en particulier, soit abordée de manière concrète et positive, en tenant compte des points de vue et des préoccupations des populations concernées, étant entendu que la préservation de la mémoire historique à travers le classement de la prison Juliette Dodu et d’autres sites à valeur mémorielle sont au cœur de leurs préoccupations.

Notre équipe s’est beaucoup mobilisée depuis 5 ans. Les choses s’accélèrent depuis 2018. Le travail à venir est riche de promesses. Mais le contexte électoral nous impose aussi de rester extrêmement vigilants et réactifs.

BUREAU KARTYÉ LIB-MPOI

 

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