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Présomption de « saucissonage » de marché public pour la médiathèque de St-Leu

Scinder un marché public en plusieurs lots est monnaie courante lorsqu’il s’agit de prestations radicalement différentes. Mais la procédure respectée par la mairie de Saint-Leu dans l’acquisition du fonds de sa médiathèque de Chaloupe Saint-Leu laisse perplexe des juristes en devenir. L’exercice d’étudiants de Master II « juriste des collectivités territoriales » d’une université métropolitaine consistait à […]

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 27 décembre 2013 à 19H02

Scinder un marché public en plusieurs lots est monnaie courante lorsqu’il s’agit de prestations radicalement différentes. Mais la procédure respectée par la mairie de Saint-Leu dans l’acquisition du fonds de sa médiathèque de Chaloupe Saint-Leu laisse perplexe des juristes en devenir.

L’exercice d’étudiants de Master II « juriste des collectivités territoriales » d’une université métropolitaine consistait à se mettre à la place du service juridique d’une collectivité. De cette étude de cas choisie « de manière aléatoire » sur le site BOAMP (Bulletin officiel des annonces des marchés publics), tiennent-ils à préciser, il ressort ce qui « ressemble fort à un saucissonnage de marché public », expliquent-ils.

Le « saucissonnage de marché public » permet d' »échapper à la procédure formalisée du code des marchés publics ». Il permet de rester dans le cadre d’un marché à procédure adaptée, où la négociation et le libre choix sont alors privilégiés. À l’inverse, si les appels d’offres dépassent un certain montant, ils doivent obligatoirement se soumettre au code des marchés publics, beaucoup plus contraignants.

Ayant donné lieu à de nombreuses affaires politico-judiciaires, le saucissonnage est une technique qui permet à des élus corrompus de favoriser certains entrepreneurs complices, et qui, en conséquence, divisent les marchés à réaliser de telle sorte que la facture soit artificiellement inférieure au seuil du montant prévu par le code des marchés publics.

Le marché ainsi ouvert par la mairie de Saint-Leu concerne l’acquisition d’ouvrages de fictions et documentaires pour l’ouverture de la médiathèque de la Chaloupe et est constitué de quatre lots d’une valeur maximum pour l’ensemble des lots de 100.000 euros.

Pour cette procédure, la mairie a recouru au marché à procédure adaptée (MAPA), procédure totalement légitime lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux seuils de 200.000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales. Au regard de la forme du marché à bons de commande valable pour des lots d’au maximum 100.000 euros, « le choix de la procédure adaptée ne semble donc pas poser de problème », expliquent ces étudiants juristes.

Existence d’un marché connexe

Toutefois, ils remarquent la présence d’un autre marché quasi-simultané d’achat de CD et DVD pour la même ouverture de médiathèque. Cette coïncidence questionne. Ce marché à bons de commande comporte deux lots au maximum de 23.200 euros et 84.600 euros sur deux ans.

En étudiant ce marché public connexe à celui ouvert pour l’achat de livres, nos juristes estiment – au regard de l’article 27 du code des marchés publics – que le pouvoir adjudicateur (c’est-à-dire la mairie) aurait dû passer un marché global pour l’ensemble des lots destinés à cette même médiathèque.

En effet, ce type d’achat « fournitures et services » ne devrait pas être scindé puisqu’ils peuvent être considérés comme homogènes, soit en raison de leurs caractéristiques propres, soit parce qu’ils constituent une unité fonctionnelle, terme juridique désignant la destination de la fourniture achetée.

En clair, la mairie aurait dû procéder à une estimation de la valeur totale des fournitures et non pas morceler ce marché public. La circulaire du 14 février 2012 relative au « Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics » donne la direction. Elle indique que lorsqu’il s’agit de satisfaire un besoin concourant à la réalisation d’un même projet, l’acheteur peut prendre comme référence l’unité fonctionnelle. Si le montant total de cette évaluation est supérieur aux seuils de procédures formalisées, l’acheteur devra s’y conformer. Toute autre considération aurait pour effet de soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables.
 
Ainsi, dans l’hypothèse d’une addition des différents lots des deux avis d’appel public à la concurrence dans le cas de cette médiathèque, la somme obtenue atteint un maximum de 207.800 euros. Un montant qui ferait tomber automatiquement ce marché public sous le coup d’une procédure formalisée, beaucoup plus contraignante en obligeant de passer par un appel d’offres.

Pour ces juristes, la commune « pourrait être accusée de saucissonnage ». « Tenant compte des délais d’exécution différents, il appartiendra donc à la commune de démontrer le caractère non homogène des livres d’une part et des CD et DVD d’autre part en raison de leurs caractéristiques propres ou de leur destination à devenir des unités fonctionnelles indépendantes ».

Avant la publication de cet article, nous avons bien évidemment demandé à la mairie et son service des marchés publics des explications. Thierry Robert y répond à sa manière : « Vive l’impartialité de Zinfos 974! Nous sommes très surpris de la teneur de cette demande dont vous n’assumez même pas la paternité (ce n’était pas utile d’utiliser l’alibi des étudiants). Avec la préparation de ce nouvel article à charge, votre positionnement politique s’affirme de plus en plus et ne fait plus de doute pour personne. Après mon positionnement concernant la route du littoral, vous n’avez donc pas perdu de temps pour exécuter les ordres qui vous ont été transmis. Il me semble qu’une réglementation existe dans ce pays donc si en qualité d’organe de presse, vous constatez une passation de marchés publics frauduleux exécutée par la Commune de Saint-Leu, je vous prie de ne pas perdre une seule seconde et de porter plainte afin d’obtenir ma condamnation. Vive l’impartialité de zinfos974! », répète le maire de Saint-Leu.

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Plus de détails juridiques dans cette étude de cas parvenue à notre rédaction fin novembre. Nous avons naturellement anonymisé leurs auteurs :

 

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