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Pourquoi la ville devient insipide

La ville, la notion de ville est un terme a la fois obsolète, vivant mais aussi tourné vers l’avenir. Pourquoi diable la ville , contrairement a une ville comme New York, n’a telle jamais su se mettre en valeur, sur une île faite de montagne et d’eau ? Pourquoi la ville , un aimant , perd son […]

Ecrit par Bertrand Carpaye – le lundi 16 septembre 2019 à 12H13

La ville, la notion de ville est un terme a la fois obsolète, vivant mais aussi tourné vers l’avenir. Pourquoi diable la ville , contrairement a une ville comme New York, n’a telle jamais su se mettre en valeur, sur une île faite de montagne et d’eau ? Pourquoi la ville , un aimant , perd son âme ?

20 décembre, je suis plongé sur une vue a couper le souffle, celle a mi hauteur sur la montagne. Mais pas n’importe laquelle, celle ou trente arbres, les flamboyants, semblent monter a plusieurs et donnant ainsi l’allure d’un sapin noël gigantesque ( au niveau du Petit marché en direction de l’hôpital). Cette ville est comme cela, attachante. Mais la partie haute, la plus ancienne.

La partie basse est livrée aux boutiques, détruite et remplacé par des immeubles sans goût, façon low cost. Du côté de la ville haute se situe la mairie, l’évêché, les musées. On se demande encore comment ont fait les anciens pour se faire construire ce genre de façade. Sans doute l’esclave a-t-il servi au paiement grâce a l’enrichissement avec la canne. La ville inspire méfiance. Elle attire aussi. Elle inonde de sa vertu, elle concentre de plus en plus la masse de la population riche ou pauvre. Au fond on a peu entendu d’auteur célébrer la ville.

La plus belle vue de St Denis semble être celle du panorama d’Adolphe D’Hastrel de Rivedoux capitaine de marine en 1836. Il séjourne dans l’île et visite surtout St Paul. La pierre de possession de l’île « appartient » a un mur de la Préfecture. 1671 est sa date. Le nom de la ville vient du bateau de l’ami de Etienne Regnault. A l’heure ou certains veulent démolir la statue de Labourdonnais il est d’usage de rendre hommage a cette ville si souvent méprisée par ceux qui ne la fréquente pas. Avec la banqueroute de Law on fait l’inventaire du chef-lieu et on découvre que la ville est pauvre. En fait elle est entrepôt.

Crémont en 1772 crée la zone d’industrie du Bas de la Rivière. Dès le début la ville semble abandonnée. Les maisons hors de la ville datant de 1860 tombent en ruine , comme Château-Morange. Cette zone de rivière était idéale pour le paludisme. La source est un vaste marécage.

En 1794 en hommage aux francs-maçons on nomme l’île , l’île de la Réunion. On assiste a une prolifération de loges maçonniques. Le mot Réunion vient aussi du mot révolution. A cette époque, Saint Denis verra aussi une tentative d’indépendance de l’île qui échoue. La ville brûle par le feu du parti créole. Decaen arrivera en sauveur de la République. Il est tout de même extraordinaire de savoir que le premier conseil municipal de l’île date de 1790 et que le conseil municipal quitta la loge maçonnique pour l’église pour un Te Deum.

Pourtant les belles demeures des riches sont à St Denis, comme la villa De Heaulme lieu de naissance de Léon Dierx. Mais nous pleurons les choses du passé, cependant ces terrains empiétaient sur les rues, par des palissades , latrines. Les propriétaires se souciaient peu de l’hygiène.

Crémont impose de planter tamarinier, manguier. Avant le bardeau on avait de simples planches. Les arbres fournissaient de l’ombre au marcheur. Quel maire de nos jours se soucierait de ce simple détail ? Le bancassal lui est un hangar pour la marine.

Ce qui fascine en cette ville est son aspect de mystère. Parfois au détour d’un parking nouveau on peut apercevoir un trou dans le mur , des objets en bois d’un autre temps comme sur une autre dimension temporelle. Des maisons ont pris beaucoup de place, trop de place , sans aucune mesure, sans plan de restriction de la mairie. Appose-t-on des plaques de commémorations du passé ? Ou préfère-t-on rebaptiser, changer les noms en des termes de langue créole ?

L’église des premiers habitants est à coté de l’hôtel du gouvernement. « L’église Saint-Louis » jusqu’en 1746 derrière le cimetière. À la place se construira la maison de De Jouvancourt de Channes lieu de réunion des francs créoles. Le café restaurant face a la rade sera elle nommé « Hôtel de la République ». De nos jours c’est la résidence du secrétaire général. Les colonnes sont inspirés de Pondichéry, influence de la compagnie des Indes.

Depuis ces temps obscurs, une mer de béton est venu s’éventrer sur la ville, étouffant tout, même le Bas de la rivière. Autre maison vouée a la démolition avec la bénédiction des services de l’état: la villa Rontaunay. Un hôtel Hilton verra le jour a-t-on décidé dans les hautes sphères. Pourtant au Patrimoine Historique ; c’était l’ancien hôtel de Région de la Réunion. J Gaultier de Rontaunay est né a Maurice en 1793 et devient puissant dans le sucre. Il meurt en 1863.

L’ancien quartier du Ruisseau des Noirs avait en son sein le « camp malabar ». Le Grand marché ? Au départ était le bâtiment des étuves pour sécher du blé qui servait aux boulangeries du Bas de la rivière. Le quartier des esclaves ? Derrière la caserne Lambert.

Le plan Ribet rabotera lui l’inclinaison des rues pour que les eaux s’écoulent. Il y avait une vision à étage de la ville. Le haut quartier et l’embouchure de la rivière pour les pauvres. « Les rues de Saint Denis sont mal pavées, mal alignées et trop étroites en général pour des voitures, laide, les maisons en bois ont un aspect désagréable. Les bâtiments du gouvernement en pierre mal situés, ils ne servent pas à embellir la ville. » (Rose de Freycinet).

La grande partie entre le rempart et La Source, la base de La Montagne au Brûlé, appartient a la famille Ozoux. La rampe Ozoux permettait de relier le haut et le Bas de la Rivière. De nombreuses maisons du temps de Roussin existent encore appelées a la disparition du fait de vente. La maison Drouhet a disparu ainsi. Au niveau des rampes « de l’hôpital militaire » (ancien rectorat), une maison défraîchit lutte encore contre le temps, en la regardant ,coincé dans l’embouteillage, on se dit quel miracle de revoir cela. Au niveau de la mer des petits tsunami creusent des anses, celle du Barachois.

La prison aussi est en péril et un député tente contre la vindicte populaire de faire reconnaître son histoire. Dans le courrier des lecteurs certains affirme que « Ratenon racle les fonds de tiroir en défenseur de la patrie noire »  (Henri Dalbos). La thématique noire donne encore des crises d’urticaires encore plus sur le domaine artistique. L’affiche de Aurélia Mongin crée la polémique sur le black-face. L’histoire bafouille souvent. En 1839 l’introduction d’un ballet de noirs dansant le séga est considéré comme une insulte a l’art. Le dimanche pour les spectacles de la ville on voit deux assemblées séparées, deux mondes qui s’ignorent. Pour le Jardin de l’État s’établit le même type de code colonial. Qui connaît son véritable rôle ? Il forme un écran cachant aux habitants du centre le camp des noirs. Derrière la façade a touriste de la capitale se cache une histoire non voulue, non désirée et empreint de racisme. A-t-on le cran (sans jeu de mot) de signaler notre histoire sur les plaquettes distribuées par le pouvoir sur les monuments de la ville ?

La nuit dans la ville est le règne du vagabondage. Notre vision d’une belle ville avec plan en damier n’est pas la bonne. C’est l’histoire officiel qui cherche a la propager. On sait tous que l’état c’est l’ordre. L’ordre dans la vertu. A l’époque, la vision est inversée. « Les maîtres poussent leurs esclaves a se livrer au brigandage en 1739, uniquement préoccupés de leur intérêt personnels , négligent les denrées nécessaires aux esclaves » (Albert Jauze).

Il faut s’imaginer pléthore d’animaux. « Les habitants veulent être déchargés des palissades qu’ils sont obligés de construire pour protéger leurs habitations des incursions des cochons ». En 1770, on mentionne l’emploi de briques. « Peut se faire aisément a St Denis il y a de la terre pour cela aux environs du chef lieu et des ouvriers malabars qui savent la cuire ».

« On sait quel amas informe de maisons, de masures et de huttes disposés sans ordre dans le pèle mêle le plus confus offrent les périmètres des camps Giron et des lataniers ; quel inextricable réseau de sentiers de barrières, font de ces lieux mal famés des labyrinthes ».

Deux chinois tiennent hôtel dans la rue de la Digue. Au Jardin de l’État, les échoppes de marchands posent problème. Pour les riches tel Albert de Villèle la vie en ville est calme. Il y construit une villa qui servira a l’exil de la reine malgache. De la Rivière de Pluies jusqu’au Chaudron coule un aqueduc en 1859. Les vidanges de la ville crée une industrie d’engrais pour le sol a Patates à Durand. Souvent même ces matières se déversent en pleine rue. Alors ville coquette ou ville sale se posent comme question les auteurs de « Histoire des communes de la Réunion ».

La ville est un reflet. On se doit de refléter un art de vivre superficiel et exhalé de la tradition officielle, celle qui porte haut la voix de la France. Elle fut le point de départ de la notion même de société . « Les planteurs de canne bâtirent de grandes maisons sur leur plantations et créèrent une tradition de vie élégante, de littérature et de science, de richesse, d’hospitalité et cela avec ostentation » (Jean Benoist- Un développement ambigu -1985). Mais l’histoire a un revers. Cette vision idyllique s’estompera bientôt pour laisser place à des ruines. La classe dominante cesse après la départementalisation son rôle de pouvoir. La France entre en contact direct. « On assista a la naissance d’une faille dont la largeur est grande de nos jours entre les fonctionnaires métropolitains et les créoles qui les rejoignaient dans leur comportements et leurs modes de vie ». Dans le passé en 1742 les deux groupes qui s’affrontent sont les catholiques et les francs maçons.

La ville failli avoir un port mais faute de défenseur, le Barachois se meurt. Jules Hermann de St Pierre achèvera son sort. À la Providence, « privatisé » par la DAF, qui a pu admirer le vaste parc avant qu’il ne soit démoli un jour ? Au départ en 1862 fut un pénitencier. Les délits des enfants qui apprennent là un métier.

Sait on que la ville comporte une cathédrale dite « cassée » ? monseigneur Maupoint ne put la terminer faute de budget. Sait on que le plus vieux bâtiment de l’île est privatisé aussi au sein d’un espace militaire fermé ? La fameuse Redoute dominant la baie. Que la pierre de fondation de départ est privatisée aussi, enchâssée dans le mur de la préfecture ? Même le centre ville était privatisé. On ne pouvait s’y rendre si l’on avait pas son habitation. On était contrôlé comme sous une forme d’apartheid des tropiques.

Peut on alors au travers du prisme historique se rendre compte de la Réunion d’avant ? Pas tout a fait , le patrimoine historique se perd et les fonctionnaires chargés de sa valorisation inexistants. L’œuvre de Jean Bossu de la première sécurité sociale a été rasée cette semaine avec la bénédiction des services de l’État.

 

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