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Pourquoi je soutiens la « réforme » du collège

Laurent Bigorgne est directeur de l'Institut Montaigne

Ecrit par DOM – le mardi 19 mai 2015 à 09H52

Diplômé de Sciences po et agrégé d’histoire, républicain dans l’âme, je regarde avec fascination la bulle médiatique qui se forme autour de la  » réforme  » du collège. Notons qu’il ne s’agit pas d’une  » réforme  » à proprement parler, mais de premiers pas plutôt utiles pour permettre aux collèges de mieux travailler avec les publics si différents qu’ils ont la mission d’accueillir.

Tous ceux qui montent vaillamment au feu pour défendre la pratique de l’allemand et du latin dans nos collèges feront preuve, je n’en doute pas, de la même énergie lorsque interviendra la prochaine publication des résultats de Pisa en décembre 2016. Car, à n’en pas douter, cette nouvelle bordée d’évaluations réalisée par l’OCDE viendra souligner qu’une trop forte proportion – de l’ordre de 20 % – des élèves français âgés de quinze ans est dans l’impossibilité de maîtriser certaines compétences de base, à commencer par la lecture et le calcul. Et que ces élèves appartiennent aux familles françaises les plus pauvres.

Porter remède à cette situation est le seul objectif qui vaille vraiment qu’on se rassemble en république, où on a trop souvent voulu que la politique éducative porte des  » marqueurs  » de droite ou de gauche, alors qu’on aurait dû s’atteler à rendre cette politique publique performante – ce qu’elle n’est que très insuffisamment – et équitable – les dernières données de l’OCDE montrent que notre système est devenu le plus inéquitable socialement de tous les pays évalués.

Il faut que le gouvernement tienne bon sur le principe, qu’il a souhaité mettre en avant, de permettre aux établissements de disposer d’un volume équivalent à 20 % des enseignements pour accompagner les élèves les plus en difficulté en petits groupes ou de bâtir des enseignements pluridisciplinaires. Ce n’est certes pas la fin du collège unique, mais c’est un coin solide enfoncé dans un dispositif beaucoup trop monolithique. C’est le coeur des annonces qui ont été faites par la ministre… et elles devraient réjouir tous les militants de l’autonomie des établissements d’enseignement secondaire. C’est à ce titre qu’elles effraient les bastions syndicaux les plus conservateurs.

Elles devraient réjouir également tous ceux qui pensent que le système des disciplines tel qu’il existe au collège est figé. Il perd et il déboussole les plus petits qui arrivent en sixième, ainsi que leurs parents. Il rigidifie complètement la gestion des enseignants… qui continuent de nous expliquer qu’un enseignant de physique-chimie ne saurait se pencher sur les mathématiques ou un enseignant d’histoire sur le français. Enfin, il ne permet pas d’éclairer de façon satisfaisante la compréhension des élèves face à des objets complexes qui parfois requièrent plus d’une discipline. Tous les partisans de changements profonds au collège devraient se réjouir qu’on développe un nouvel instrument au service du travail en équipe au bénéfice d’enseignants qui peinent à le faire naturellement.

Personne n’est contre une école de l’excellence. Il faut se réjouir au contraire que tous les collégiens puissent demain commencer plus tôt l’apprentissage d’une deuxième langue vivante, dès la classe de cinquième. Et ceux qui souhaitent faire du latin pourront continuer à le faire jusqu’au baccalauréat, puis à l’université ou en classe préparatoire aux grandes écoles.

Quiconque a enseigné sait que l’excellence ne vient pas des programmes scolaires, car elle ne se décrète malheureusement pas… Elle vient d’abord et avant tout de ce que les scientifiques appellent  » l’effet maître « , c’est-à-dire la qualité des enseignants ! Nous ferions mieux de nous soucier collectivement de la robustesse de leur formation initiale et du suivi de leur formation continue, véritable point faible de notre système éducatif, que de pratiquer l’exégèse de programmes scolaires, dont les élèves qui quitteront le système à 16 ans sans aucun diplôme n’ont que faire.

La coalition d’un certain nombre de personnalités de gauche et de droite a donc tort de jeter le bébé avec l’eau du bain. Son ardeur printanière trouverait utilement à se mobiliser en faveur d’une politique de la petite enfance, pour une amélioration des performances de l’école primaire ou encore une réforme en profondeur de l’enseignement professionnel. Chiche ?

 

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