Le Docteur Christian Kichenin a réalisé une très belle opération financière grâce à la « bienveillance » du Conseil général et de ses services. Ce cardiologue dionysien avait une maison vide depuis plusieurs années, rue Labourdonnais, à Saint-Denis. De son côté, l’association Frédéric Levavasseur (AFL) cherchait en « urgence » un lieu pour implanter sa pouponnière sociale – fermée depuis 2011 en raison d’une résiliation de bail à la Providence – et accueillir 30 enfants placés.
Il faudra attendre plus de deux ans pour que les travaux de la pouponnière soient achevés. Quant à sa réouverture, elle n’est pas prévue avant le mois de février 2014. En attendant, le Docteur Kichenin a empoché 200.000 euros de loyer pour une maison qui est restée inoccupée et il a vu sa maison refaite à neuf, pour près de 700.000 euros, grâce à l’argent du Département et à l’intervention personnelle de la présidente, Nassimah Dindar.
Fin 2011, la pouponnière sociale de la Providence, gérée par l’association Frédéric Levavasseur, est mise à la porte de son local suite à une résiliation de bail. Une situation dont le Conseil général avait été mis au courant dès la mi-2010 puisque le service de la Direction des Bâtiments et des Espaces publics du Département est mandaté à cette date pour trouver un local adapté à ce type de structure. Pour l’association, il s’agit de faire vite et de trouver, avec l’aide du Département, un relogement temporaire, le temps d’attendre la construction d’une structure pérenne (cf. documents).
Des loyers versés dans le vide pendant près de deux ans
Plusieurs locaux sont visités sur l’île mais le Conseil général, sous l’impulsion personnelle de Nassimah Dindar, arrête sa décision sur une villa de la rue Labourdonnais, celle du Docteur Kichenin. Un choix assez étrange compte tenu de l’état de la maison et d’autant que ce type de structure doit respecter des normes plus « draconiennes » que celles exigées pour un hôpital (cf. documents). Une villa qui entraîne également une diminution du nombre de place d’accueil (15 enfants contre plus de 30 à la Providence, ce qui a une lourde incidence financière, ndlr), d’où l’obligation pour l’AFL de continuer à placer des enfants dans des familles d’accueil (dispositif DAFA).
Des obstacles qui n’empêchent pas l’association Frédéric Levavasseur de signer un premier bail le 1er novembre 2011 (effet au 1er janvier 2012), pour six ans et un loyer mensuel de près de 9.000 euros par mois, et incluant le remboursement de travaux avancés par le propriétaire. Une jolie opération pour le Docteur Kichenin qui va empocher pendant deux ans un total de près de 200.000 euros de loyer pour une maison jugée « non réglementaire même pour un usage domestique« , selon certains documents que nous nous sommes procurés.
Un second bail signé en fin d’année 2013
Etrange choix. Ce montage financier a fait tiquer certains services au Palais de la Source. Au début du mois de décembre 2013, un autre bail, professionnel, est signé, pour une durée de 12 ans, et le loyer baisse de près de 1.500 euros (le remboursement des travaux continue jusqu’en décembre 2014). Autre chose étonnante sur ce bail, il fait état du remboursement de travaux non effectués par le bailleur (Dr Kichenin), un ascenseur pour personnes handicapées, pour près de 30.000 euros et réaffectés vers d’autres types de travaux dont la nature n’est pas précisée.
Mais trop tard, le mal est fait. Entre les loyers et les travaux, le coût de l’opération se monte à plus de 900.000 d’euros pour l’AFL, ou plutôt pour le Conseil général qui a intégralement subventionné l’opération… Car l’association bénéficie d’une subvention du Département de près de 2,2 millions d’euros (inscrite au BP 2013 selon nos documents) et s’est servie des excédents inscrits au compte administratif 2011 et 2012 – près de 1 million d’euros – pour réaliser une partie des travaux.
Quant au Docteur Kichenin, grand gagnant dans cette affaire, il récupérera dans 12 ans une maison flambant neuve, tout en ayant touché 8.000 euros de loyer tous les mois ! Belle plus-value immobilière en perspective.
Pourtant, dans une note de service, le service de Direction des Bâtiments et des Espaces Publics indique que le coût mensuel de cette structure (plus de 14.000 euros/mois, travaux compris, soit 34 euros du m2) se révèle moins intéressante financièrement que la location de structures neuves dont le coût se situe aux alentours de 27 à 28 euros/m2. Mais que l’on se rassure, le Département a tout prévu et pourra toujours bénéficier d’une cession, en cas de départ de l’association de la maison, comme écrit noir sur blanc sur le dernier bail.
Kichenin proche de Virapoullé
Sollicité par nos soins, le Conseil général nous a répondu à sa manière. « Vos questions étant à charge et très orientées en termes accusatoires, et compte tenu de vos articles habituellement insultants voire diffamatoires, nous ne répondrons pas à vos questions sinon pour vous dire que ce dossier est tout à fait normal et que nous vous laissons en tirer l’un de vos pétards mouillés habituels« , souligne la personne inconnue et signataire de cette réponse.
Nous avons en revanche pu joindre la responsable de la pouponnière sociale, Nathalie Pierrejean, par téléphone. Sur la question de l’urgence à trouver une « solution provisoire« , la responsable nous explique que les délais ont été allongés, prés de deux ans, en raison « d’expertises multiples« , sur la maison. Résultat, l’appel d’offres n’a été lancé qu’au mois de mars 2013 et les travaux ont débuté en septembre dernier.
L’urgence s’est transformée en chemin de croix. Sur la question du choix de la maison, la réponse a été pour le moins étonnante. « On a visité plusieurs maisons, la maison de la rue Labourdonnais semblait « être la plus adaptée » (avec un petit rire gêné, NDLR) pour la pouponnière« , nous précise-t-elle. Sur la question du loyer, rien de choquant pour la directrice. « Sur l’ancien site, nous avions un loyer de près de 14.000 euros », précise-t-elle. Nous avons posé d’autres questions plus techniques par mail à la directrice de la pouponnière, un mail qui est resté sans réponse pour le moment.
Joint au téléphone, le Dr. Christian Kichenin livre sa version. « J’avais pour projet de faire un centre médical à une époque (abandonné pour des raisons personnelles ndlr). Une agence basée à Saint-Gilles est venue me voir et m’a proposé de s’occuper de mon bien. J’ai accepté », explique-t-il. Selon lui, il n’est pas intervenu dans le choix du Département de faire louer sa maison par l’association Frédéric Levavasseur. Pourtant, à la lecture des différents baux signés, pas de traces d’une quelconque agence immobilière.
Quel a été l’intérêt du Conseil général à proposer une telle maison à l’AFL pour y installer une pouponnière sociale ? Faut-il y voir un échange de bon procédé entre politiques de même bord ? Le Docteur Kichenin est en effet un membre de la famille proche de Jean-Paul Virapoullé, l’ancien sénateur-maire de Saint-André et il a été présent sur sa liste lors des régionales de 2010 (voir [ici]url:http://www.zinfos974.com/La-liste-de-Jean-Paul-Virapoulle_a14827.html ).
Une affirmation rejetée en bloc par Christian Kichenin. « Il n’y a aucun lien politique. J’ai été sur une liste, celle d’Alain Bénard, mais pas celle de Jean-Paul Virapoullé », affirme-t-il.
Du provisoire avant la construction d’une pouponnière neuve
Quant à la pouponnière sociale, elle ne sera livrée que dans le courant du mois de février 2014. Alors même que son installation rue Labourdonnais ne se justifiait que par l’urgence de trouver une solution avant le 31 décembre 2013, au risque de perdre son agrément. Argument aujourd’hui réfuté par la directrice de la pouponnière, malgré de nombreux documents en notre possession disant le contraire (cf.document).
Cerise sur le gâteau, tout cet argent n’aura été dépensé que pour une solution provisoire. La SPLAR (Société publique local Avenir Réunion) dont le Département est le principal actionnaire doit construire dans un futur proche une pouponnière sociale toute neuve…