Appelons-la Anne. Ce n’est bien évidemment pas son vrai prénom, mais celui que nous avons choisi pour parler d’elle afin de préserver le peu d’intimité qui lui reste.
Anne est donc une très jolie jeune femme. Un passé douloureux a fait qu’elle a longtemps douté d’elle, douté de ses capacités à réussir, douté de sa beauté.
Elle a fini par choisir le mannequinat comme d’autres entrent en thérapie. De poser pour des photos ou de défiler l’ont aidée à se reconstruire, même si les blessures sont encore à fleur de peau.
Elle est souvent critiquée sur les réseaux sociaux pour ses photos suggestives. Sauf que ceux qui la moucatent, lâchement retranchés derrière leur anonymat de pacotille, ne connaissent rien de son parcours.
Pourquoi je vous parle d’Anne? Parce qu’il lui est arrivé une mésaventure qui est symbolique de ce que vivent beaucoup de femmes aujourd’hui. Et que ce qui lui est arrivé prend encore plus de relief après les belles paroles de Marlène Schiappa lors de son récent séjour sur l’ile.
Téléphone piraté
Anne s’est fait pirater son téléphone. Par qui? Elle ne le sait pas, mais elle a une petite idée.
Toujours est-il qu’on lui a dérobé des photos et des vidéos intimes où on la voyait faire l’amour avec son petit ami.
Ce pirate est probablement quelqu’un de La Réunion puisque les photos et vidéos se sont retrouvées sur les réseaux sociaux locaux et qu’elles tournent parait-il en boucle depuis quelques jours.
Outre ce que l’on peut considérer comme un véritable viol numérique, ce qui fait le plus mal à Anne ce sont les commentaires sous les photos. Parfois de personnes qu’elle croyait être ses ami(e)s.
Mardi, Anne est allée au commissariat de police de Saint-Pierre dans l’intention de porter plainte.
Elle a été reçue par un policier, un homme. Je vous laisse imaginer la gêne qu’elle a ressentie d’avoir à déballer tout ça devant un homme.
D’autant qu’il n’a fait preuve d’aucune empathie. Arguant qu’elle avait déjà par le passé porté plainte pour des affaires liées aux réseaux sociaux, il a refusé d’enregistrer sa plainte, lui conseillant juste, avec un air condescendant, de mieux veiller à l’avenir à ses fréquentations.
C’est sûr qu’en agissant de la sorte, les statistiques de la délinquance ne risquent pas d’augmenter !
Comme si une jeune femme n’a pas le droit de faire des photos sexy sans pour autant avoir envie de retrouver ses photos intimes étalées sur la place publique…
Un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende
Publier contre son consentement les photos et vidéos intimes d’une personne représente un délit et tout le monde a le droit de déposer une plainte pour que la police retrouve l’auteur de cette ignominie, qu’elle fasse cesser l’infraction et que les responsables et les complices qui les partagent sur les réseaux sociaux soient poursuivis et condamnés.
Cette infraction est prévue et réprimée par l’article 226-1 du Code pénal qui dispose que :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
L’auteur d’un tel acte peut donc être cité devant un tribunal correctionnel et encourir une peine de prison.
Certaines se sont suicidées pour moins que ça
Aujourd’hui, Anne est détruite. Elle a posté un commentaire sur Facebook, à destination de ceux qui partagent ses photos et vidéos et qui les commentent.
C’est en tombant sur ce post que j’ai contacté Anne pour qu’elle me raconte son histoire en me disant que peut-être qu’un de ses harceleurs lira cet article et prendra conscience du mal qu’il fait. Des jeunes femmes se sont suicidées pour moins que ça.
Et peut-être que Mme la procureure de la République de Saint-Pierre lira également ces lignes et fera ce qu’il faut pour sensibiliser un peu plus les policiers -et les gendarmes- afin qu’ils montrent un peu plus d’empathie lorsqu’ils reçoivent de telles jeunes femmes en détresse.