Quand un dossier est compliqué, mieux vaut le reprendre depuis le début en expliquant chaque point calmement.
En 2014, la Région Réunion signe un marché de 298 millions d’euros avec un groupement constitué de la SBTPC et de la GTOI, deux filiales de multinationales, pour la réalisation d’un tronçon de 2,7 km sous forme de digue.
Pourquoi une digue plutôt que de tout faire sous forme de viaduc? Simplement pour donner du travail aux Réunionnais. La partie digue, qui coûtait 120 millions de plus, avait en outre l’inconvénient de réclamer une très haute technicité et d’employer moins de main d’oeuvre locale. C’est donc tout naturellement pour ne pas se voir accusé de ne pas faire travailler les Réunionnais que la solution digue a été choisie.
Le coût, on l’a dit, était de 298 millions.
Qui a fixé ce prix? Pas la Région mais les membres du Groupement. C’est le montant qu’ils ont avancé dans leur appel d’offres et qui leur a permis d’emporter le marché face à leurs concurrents.
Comme l’a expliqué hier Dominique Fournel, personne ne les a forcés à signer.
Que se passe-t-il aujourd’hui?
Les membres du même Groupement reviennent voir la Région en affirmant qu’ils ne peuvent effectuer les travaux à ce prix là, notamment à cause des difficultés d’approvisionnement en roches qui surenchérissent selon eux le montant du chantier. Du coup, ils demandent à la Région de payer entre 150 et 300 millions de plus, ce qui reviendrait à presque doubler cette partie du chantier.
A qui revient la responsabilité de l’approvisionnement en roches?
Au Groupement, selon les termes de leur offre.
Donc, pour résumer, les membres du Groupement s’étaient engagés en 2014 à trouver les roches pour réaliser le chantier pour 298 millions. Ils rencontrent des difficultés d’approvisionnement et demandent à la Région, donc aux contribuables, de passer à la caisse.
A ce stade de la discussion, la Région fait remarquer qu’elle est tenue par le code des Marchés publics et qu’elle ne peut donc légalement signer d’avenant au marché pour un montant qui excèderait 15% de sa valeur. C’est dans ce cadre qu’elle propose donc une rallonge d’environ 50 millions.
Autre solution : la nomination d’un médiateur qui ferait une proposition après avoir écouté les deux parties, cette proposition devant ensuite être validée par le tribunal administratif.
Le Groupement SBTPC/GTOI refuse ces deux propositions.
Et c’est dans ce contexte que les transporteurs débarquent devant la Région et décident de tout bloquer. De façon tout à fait illégale, notons le au passage.
Pourquoi venir bloquer la Région, avec laquelle ils n’ont aucune relation contractuelle?
Loin de nous l’idée de pousser les transporteurs à faire quelque chose d’illégal mais puisqu’ils ont choisi de se placer dans l’illégalité, pourquoi ne pas être allé bloquer plutôt les chantiers de la SBTPC et de la GTOI, qui sont leurs donneurs d’ordres et les seuls avec qui ils ont un contrat?
Mystère.
Faut-il y voir une manipulation politique? Ou du Groupement?
Bonnes questions…
Ils bloquent, soit. Mais que proposent-ils?
De céder aux demandes de la SBTPC et de la GTOI. C’est à dire de payer jusqu’à 200 millions d’euros de plus qu’initialement prévu.
Et quand on leur fait remarquer que c’est illégal et que ça reviendrait à faire payer par les Réunionnais la faute de deux filiales de multinationales qui ont fait l’erreur de signer un marché sans avoir pris soin de s’assurer de la possibilité de s’approvisionner en roches massives, ils répondent qu’ils n’en ont rien à faire.
Tout ce qu’ils veulent, c’est que leurs camions tournent et qu’ils puissent continuer à s’enrichir.
On n’est pas sorti de l’auberge avec des interlocuteurs pareils.
En attendant, ils empêchent les employés de la Région d’accéder à leurs bureaux et de travailler au service des Réunionnais, surtout en cette période de crise du coronavirus.
Tandis que les patrons de la SBTPC et de la GTOI vaquent tranquillement à leurs occupations…