Au cours d’un voyage présidentiel, ce sont les premières impressions qui comptent, celles qui vont donner sa tonalité à l’ensemble du déplacement.
En ce qui concerne le voyage d’Emmanuel Macron à La Réunion, le moins que l’on puisse dire est qu’il démarre sous de mauvais auspices. Que les images négatives s’accumulent.
Il y a d’abord eu ces deux heures de retard qui ont obligé tous les officiels à poireauter sur le tarmac à scruter en vain le ciel. Sans parler de ces Réunionnais qui avaient peut-être programmé leur journée pour pouvoir suivre l’arrivée du président de la République en direct à la télé et sur les différents médias. Je sais que ce n’est pas de sa faute, qu’il avait apparemment des sujets de la plus grande importance à traiter, il n’empêche que c’était un mauvais démarrage.
Puis, quelques minutes plus tard, il y eut l’usage de grenades lacrymogènes par les forces de l’ordre au rond-point de Gillot, contre une poignée de gilets jaunes. A peine quelques dizaines. Là aussi, on peut comprendre que des impératifs de sécurité les aient contraints à agir de la sorte mais avouez que le contraste est saisissant avec les précédentes visites où on voyait les présidents faire des bains de foule avec des milliers de Réunionnais heureux de se trouver là. Aujourd’hui, nous n’avons eu droit qu’à cette image d’un aéroport de Gillot désert, transformé en bunker par les forces de l’ordre. Sans compter ce cliché saisissant d’un convoi présidentiel fonçant à toute allure au milieu d’un nuage de gaz lacrymogènes, histoire de rester le moins longtemps possible dans cette zone « dangereuse »… Tout un symbole.
Mais ce n’était pas fini…
Dans le genre images qu’on retient, comment ne pas évoquer ce président tête nue sous la pluie au monument aux morts de l’avenue de la Victoire, à Saint-Denis, avec le visage ruisselant, son costume trempé… Par moments, je n’ai pu m’empêcher de penser à François Hollande que la pluie suivait à chacune de ses sorties…
Et comme il fallait un bain de foule pour que les images passent dans les JT de métropole, l’ami Gilbert Annette avait amené quelques militants socialistes et quelques employés communaux qu’on avait opportunément mis en congé l’après-midi. Aucun risque de voir un gilet jaune à l’horizon…
Pas de sa faute ?
Jusque là, j’étais tenté de me dire que ce n’était pas de sa faute. Pas de sa faute si ses obligations l’avaient retenu, pas de sa faute si les forces de l’ordre avaient fait leur boulot, à savoir rétablir l’ordre, pas de sa faute si la météo n’était pas avec lui.
En mon for intérieur, je me disais : « Ne le juge pas, attends son discours de la NORDEV. Il est obligé qu’il fasse des annonces importantes. Seulement à ce moment-là, tu pourras te faire une opinion« .
Un air de déjà entendu…
Le discours vient de s’achever. J’écris donc ce commentaire à chaud. Mais comment cacher mon énorme déception ?
Pendant une heure environ, le président de la République a parlé. Ah ça, pour parler, il parle bien… Mais honnêtement, à la fin de son discours, je suis dans l’incapacité de vous citer une seule mesure concrète.
J’ai retenu qu’il fallait que nous travaillions plus avec nos voisins de la zone océan Indien. Très bien, parfait.
Qu’il était important que la France coopère, y compris militairement avec ces pays, histoire de chasser les vilains « prédateurs » qui viennent piller nos ressources halieutiques. Très bien.
Qu’il fallait que la Réunion serve de base au rayonnement de la France dans tout l’océan Indien… Super.
Que nous devions avoir de l’ambition… Génial.
Pourquoi ai-je l’impression d’avoir déjà entendu ce discours cent fois ?
La seule légère audace que j’ai retenue, c’est quand il a affirmé qu’il ne fallait plus que ce soit des émissaires parisiens qui représentent la France lors des réunions avec d’autres pays de la zone, mais qu’il fallait que ce soit des Réunionnais. Ca aussi je l’ai déjà entendu mais laissons lui le bénéfice du doute. De toutes façons, on aura vite l’occasion de le vérifier…
La vie chère? La seule solution risque d’augmenter le chômage !
Concernant la vie chère, la seule solution qu’il ait trouvée à nous donner a été de nous inciter à produire plus localement… et à faciliter les importations depuis les pays voisins, histoire de faire baisser les prix. Oui sans doute. Mais Emmanuel Macron oublie de dire que si on ouvre largement nos portes aux produits importés, c’est le meilleur moyen de tuer le peu d’emplois que nous avons localement. Déjà que, mis à part Mayotte, nous détenons le record d’Europe du chômage, autant dire que là, on va directement à la catastrophe…
Comment voulez-vous que nos agriculteurs qui produisent sur de toutes petites surfaces, pour un marché minuscule de 850.000 habitants, et avec une main d’œuvre chère, puissent lutter avec les produits importés d’Afrique ou d’Inde ? Et ce qui est valable pour l’agriculture l’est tout autant pour tous les autres produits.
Aucune mesure concrète
Les Réunionnais attendaient de vous, M. Macron, des annonces fortes comme par exemple une baisse significative des charges sociales pour l’ensemble des secteurs d’activités, pour nous permettre de lutter à armes égales avec nos voisins. Ou une baisse de l’impôt sur les sociétés. Peut-être plus de décentralisation…
Au lieu de ça, vous nous avez juste annoncé que l’exonération de charges concernerait dorénavant les salariés touchant jusqu’à deux fois le SMIC, contre 1,7 auparavant, mais uniquement dans quelques secteurs limités.
A Zinfos, nous ne nous plaindrons pas puisque la presse fait apparemment partie des secteurs concernés. En espérant que, dans votre esprit, la presse ne se limite pas à la presse papier. Ca nous permettra d’embaucher 3 ou 4 journalistes supplémentaires et d’améliorer ainsi le produit que nous offrons aux Réunionnais.
Avouez que ça fait pitié comme unique mesure
A Mayotte, vous avez annoncé le prolongement de la piste de l’aéroport, l’agrandissement du port, la construction de 800 classes dans le secondaire, d’un hôpital, j’en passe et des meilleures.
Et tout ce que vous avez à nous proposer, c’est cette mesurette enrobée de belles paroles ?
J’espère sincèrement que vous allez vous rattraper demain et nous annoncer des mesures véritablement à même de résoudre les problèmes de La Réunion .