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[Pierrot Dupuy] Le groupe Bernard Hayot, une pieuvre qui a fait main basse sur La Réunion

Le 22 juillet dernier, le groupe Bernard Hayot (GBH), qui possédait déjà entre autres Carrefour, annonçait officiellement le rachat des magasins Jumbo de Vindémia à La Réunion, mais aussi à Mayotte, Madagascar et Maurice. Pour ne pas être taxé d’abus de position dominante, le groupe antillais a prévu de rétrocéder 4 hypermarchés (Sainte-Marie, Saint-André, Chaudron […]

Ecrit par zinfos974 – le lundi 10 février 2020 à 18H00

Le 22 juillet dernier, le groupe Bernard Hayot (GBH), qui possédait déjà entre autres Carrefour, annonçait officiellement le rachat des magasins Jumbo de Vindémia à La Réunion, mais aussi à Mayotte, Madagascar et Maurice.

Pour ne pas être taxé d’abus de position dominante, le groupe antillais a prévu de rétrocéder 4 hypermarchés (Sainte-Marie, Saint-André, Chaudron et Savannah) à la société Make Distribution, un nouvel acteur sur le marché réunionnais de la grande distribution.

À écouter les explications de GBH, si jamais l’opération était autorisée par la Haute Autorité de la Concurrence, sa part de marché, calculée en m2 de surfaces commerciales, ne représenterait que 27% et serait donc inférieure à celle de Vindémia précédemment.

Quel critère retenir pour savoir ce que « pèse » GBH ?

Une première polémique est née. Faut-il comptabiliser le poids de GBH dans la grande distribution en tenant compte de son nombre de m2 ou de son chiffre d’affaires ? Si l’on devait retenir ce dernier critère, la donne serait radicalement changée puisque la part de GBH passerait de 360 à 750 millions d’euros.

En faveur de GBH, le fait que c’est généralement ce critère qui est pris en compte par l’Autorité de la Concurrence pour mesurer le poids d’un groupe.

Contre lui, le bon sens. Quand un groupe négocie avec des fournisseurs, il ne met pas en avant son nombre de m2, mais le chiffre d’affaires qu’il est susceptible de lui apporter.

Une nébuleuse de sociétés

Mais là ne repose sans doute pas le principal problème posé par ce rachat. Les opposants à cette reprise mettent surtout en exergue le risque qu’il ferait peser sur l’ensemble de l’économie réunionnaise.

Le Groupe Bernard Hayot, ce n’est en effet pas seulement les magasins Carrefour, mais une multitude d’autres marques. Certaines connues, comme Renault ou Mr Bricolage, mais beaucoup d’autres, bien plus discrètes.

Et force est de reconnaître que le plus grand flou régnait jusqu’à maintenant sur le poids réel du groupe Hayot à La Réunion.

Si on écoute Bernard Hayot, il ne serait pas si important que ça.

Si on écoute ses détracteurs, quand un Réunionnais dépense 100€, 40€ iraient grossir le chiffre d’affaires de GBH.

Où se situe la vérité ?

Pour la découvrir, Zinfos s’est rapproché de plusieurs professionnels du secteur, a recoupé les chiffres et est aujourd’hui en mesure de vous offrir plusieurs infographies représentant la plus grande partie des marques possédées ou représentées par le groupe Hayot à La Réunion et le chiffre d’affaires des différents secteurs sur lesquels GBH a jeté son dévolu.

Premier constat : le chiffre d’affaires total du groupe Hayot à La Réunion après la potentielle reprise des activités de Vindémia représenterait l’an prochain un chiffre d’affaires de 1 milliard 310 millions d’euros, pour un bénéfice estimé à environ 70 millions d’euros.

Dans la première infographie qui est une projection de la situation en 2021, dans l’hypothèse où GBH aurait racheté Vindémia, on trouve plusieurs pôles.

La grande distribution : plus de chiffre d’affaires et moins de bénéfices

Celui de la grande distribution d’abord avec Carrefour bien évidemment. Ce pôle, avant le rachat, représente 17% de parts de marché, 360 millions d’euros de chiffre d’affaires et un bénéfice estimé de 14,4 millions d’euros.

Après le rachat, la part de marché passerait à 40,2%, le chiffre d’affaires à 750 millions d’euros et le bénéfice à 34 millions d’euros.

C’est le pôle le plus important du groupe GBH, devant l’automobile et le bricolage en termes de chiffre d’affaires. Mais seulement le deuxième si l’on prend en compte les bénéfices, la branche automobile étant la plus rentable avec un bénéfice d’environ 40 millions pour « seulement » 34 millions (après rachat de Vindemia) pour la grande distribution.

50% de parts de marché dans l’automobile, 80% dans les poids lourds

Le pôle automobile est beaucoup plus étoffé et se décompose en plusieurs secteurs. La vente avec les marques Renault, Dacia, Volskwagen, Audi, Mercedes, Hyundai, Skoda, Jeep, Smart, Mitsubishi et Suzuki. Cette activité que nous avons dénommée « Vente » dans les différentes infographies, « pèse » 50% de parts de marché, 460 millions d’euros de chiffres d’affaires et génère un bénéfice estimé à 28,75 millions d’euros.

On y trouve aussi la location automobile avec Hertz, System Lease, Jumbo, Car et Clovis Location, etc pour un chiffre d’affaires de 20 millions et 1,25 million de bénéfices.

Autre secteur dans le giron de GBH, la vente de pneumatiques et les centres autos, avec REP, Speedy et Norauto. Chiffre d’affaires de 50 millions et bénéfices de 2,5 millions.

Les poids lourds et les travaux publics sont représentés par les marques Mercedes, Renault Truck, Iveco, DAF, Komatsu et Hyundai. Le tout représente un chiffre d’affaires de 100 millions pour 5 millions de bénéfices. Mais beaucoup plus préoccupant, le groupe Hayot pèse plus de 80% de ce secteur !

Enfin les pièces détachées avec Bourbon Pièces Auto (BPA), Ferebam, etc pour un chiffre d’affaires de 50 millions et un bénéfice de 2,5 millions.

Si on fait un total de la branche automobile, on arrive à un total de chiffre d’affaires d’environ 100 millions pour 40 millions de bénéfices.

40% de parts de marché dans la production laitière

La production laitière comprend ce que l’on appelle de l’ultra-frais sous licence Danone. Chiffre d’affaires de 20 millions d’euros, pour un bénéfice de 2 millions d’euros et une part de marché de 40%.

10 millions d’euros d’euros de chiffre d’affaires pour les magasins Yves Rocher

GBH est présent dans le secteur de la beauté et les soins au travers des magasins Yves Rocher, pour un chiffre d’affaires d’environ 10 millions d’euros.

GBH s’étend dans la restauration rapide

Le pôle Restauration rapide comprend deux chaînes de magasins : La Brioche Dorée et La Croissanterie, qui vient d’être rachetée. Chiffre d’affaires d’environ 20 millions d’euros pour un bénéfice de 2 millions.

La FNAC, gros chiffre d’affaires pour petit bénéfice

Le rachat de Vindémia permettra à GBH de mettre la main sur les magasins FNAC, ce qui lui permettra de mettre un pied dans le secteur culturel. Une présence conséquente puisque le chiffre d’affaires de ce secteur est estimé à 50 millions d’euros pour 1,5 million de bénéfices. C’est connu que la culture, ça ne rapporte pas beaucoup…

50% de parts de marché dans le bricolage

Une seule chaîne également dans le pôle Bricolage avec les magasins Mr Bricolage. Chiffre d’affaires estimé de 90 millions d’euros, pour un bénéfice de 12 millions et 50% de parts de marché.

50% de parts de marché également dans les magasins dédiés au sport

Dernier secteur stratégique, le Sport avec la chaîne Decathlon avec un chiffre d’affaires prévisionnel, après l’ouverture d’un nouveau magasin à Sainte-Clotilde, de 75 millions d’euros, pour 9 millions de bénéfices et 50% de parts de marché.

Et une multitude de marques représentées en exclusivité

Enfin, il faut ajouter à tout cela une grosse activité d’importation comme grossiste. Le groupe Bernard Hayot possède un portefeuille de marques exclusives conséquent que nous avons détaillé dans la première infographie.

On y trouve des marques très connues comme DesTop, Calgon, Woolite, Le Chat, Mir, Catch, Lay’s, Brossard ou encore BN…

Vittel, les fromages et beurres Président sont des marques de Vindémia dans la fromagerie et le frais qui pourraient demain leur appartenir si le rachat est validé par l’Autorité de la Concurrence. Et au passage capter des marques à la forte notoriété pour agrandir leur empire.

Un animal tentaculaire où chaque branche pèse 40 à 50% du secteur

Comme on peut le constater, la stratégie du Groupe Bernard Hayot est simple : il cible un secteur d’activité qui l’intéresse (automobile, grande distribution, bricolage…) et il investit massivement jusqu’à occuper 40 à 50% de parts de marché. Le reste du marché étant éclaté entre une multitude de petits acteurs.

Dès lors, du haut de sa position qu’il faut bien qualifier de dominante, puisque les autres acteurs du marché sont éclatés et ne pèsent chacun que quelques pour cent, il est en situation de négocier en position de force avec ses fournisseurs et de leur imposer ses conditions.

De nombreux fournisseurs en métropole, et notamment des agriculteurs, ont témoigné qu’ils étaient parfois obligés de vendre à perte à certaines grosses centrales d’achats de la grande distribution, car sinon, ils étaient déréférencés et couraient alors le risque de rester avec leurs marchandises sur les bras. Et de perdre encore plus.

Des bénéfices qui disparaissent de La Réunion

Dernier point, et ce n’est pas le moindre : comme dans les autres grands groupes installés à La Réunion, les bénéfices, en l’occurrence ici environ 70 millions d’euros, ne restent que très peu à La Réunion et remontent dans la holding de tête, ici installée aux Antilles.

 

 

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