Le recteur Vêlayoudom Marimoutou l’a annoncé : la rentrée se déroulera le 18 mai à La Réunion. Soit dans trois semaines. Autant dire demain…
On devrait plutôt dire : devrait se dérouler. Car, à la date d’aujourd’hui, c’est le flou le plus total qui règne. Pour ne pas dire la plus profonde cacophonie : d’ailleurs les quelques mesures que le ministre a d’ores et déjà annoncées pourraient fort bien être amendées demain par le Premier ministre, lors de son allocution devant les députés.
Premier point : La rentrée, le jeudi 14 mai, ne concernera à La Réunion que les personnels éducatifs. Les élèves seront appelés à reprendre les cours uniquement à partir du lundi 18 mai.
Sous quelle forme? Lors de sa dernière conférence de presse, le recteur s’est contenté de dire qu’elle devrait se faire par groupes de 12 à 15 élèves par salle de classe. Et s’il arrivait que les conditions d’hygiène et de sécurité sanitaire n’étaient pas remplies, les écoles et établissements resteraient fermés et l’enseignement en distanciel serait alors poursuivi pour tous les élèves.
Quoi d’autre? Pas grand chose, si ce n’est que « l’organisation et le déroulement de la reprise arrêtés au niveau académique seront précisés pour chaque école et chaque établissement »…
Difficile de faire plus flou !
Les élus très inquiets
Pas de quoi rassurer les maires qui mettent à disposition les écoles, le président du Département les collèges et le président de Région les lycées.
D’ailleurs, Joseph Sinimalé a officiellement [pris la parole le 24 avril dernier]urlblank:https://www.zinfos974.com/Rentree-scolaire-le-18-mai-a-La-Reunion-Joseph-Sinimale-attend-des-reponses-de-l-Etat_a153480.html pour exprimer toute son inquiétude :
« Je suis quotidiennement interpellé par des parents inquiets pour la préservation de la santé de leurs enfants face à la menace du virus, par des enseignants et aussi nos agents municipaux affectés dans les écoles tout aussi anxieux. Je les comprends et j’ai ce matin même fait remonter ces inquiétudes au sous-préfet de Saint-Paul, aux représentants du rectorat lors d’une visioconférence.
Comment en effet garantir aux parents que les gestes barrières seront appliquées même si nous en mettons les moyens ? comment assurer la distanciation sociale entre des enfants qui se retrouvent et jouent entre petits camarades après deux mois de séparation ? Comment faire croire aux personnels pédagogiques qui seront en permanence avec les enfants, et vice versa, qu’ils seront tous à l’abri d’une transmission du virus ? Comment enfin rassurer les agents communaux dans de telles conditions de travail ? »
Et le maire de Saint-Paul laisse planer la menace de ne pas ouvrir les écoles de sa commune :
« Pour le moment, toutes ces interrogations restent sans réponses faute d’un véritable plan de retour à l’école que devra nous proposer le gouvernement. Comme l’ensemble des maires, je suis en attente d’un protocole d’accueil sanitaire et de voir toutes les conditions mises en place par l’État pour un accueil sécurisé des enfants mais également des enseignants, du personnel. On verra dès lors si nous sommes prêts pour un retour en classe de nos enfants ».
Les parents inquiets
La rentrée a d’autant moins de chance de se faire le 18 mai comme le souhaiterait le rectorat que le ministre a bien précisé qu’elle s’effectuerait sur la base du volontariat.
Or, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info, 64% des parents d’élèves, au niveau national, affirment ainsi qu’ils n’enverront pas au moins un enfant en classe à l’issue de la période de confinement.
Un conseil scientifique qui pose ses conditions
Et ce n’est pas la publication, tard samedi, de deux avis du conseil scientifique sur les modalités de la réouverture des classes à partir du 11 mai, qui va rassurer les parents.
Dans le premier, on découvre que les experts penchaient, d’un point de vue strictement sanitaire, pour une rentrée reportée à septembre.
Dans le second, prenant acte du choix « politique » du gouvernement, le conseil scientifique dresse une liste de mesures drastiques pour que la rentrée ne s’accompagne pas d’une recrudescence incontrôlée de l’épidémie.
Parmi celles-ci, les parents devront prendre la température de l’enfant avant de partir à l’école, les personnels et les enfants devront être formés aux mesures barrière, aux règles de distanciation sociale et au port du masque et les masques seront obligatoires pour les personnels et pour les enfants à partir du collège. Les tables devront respecter une distance de 1m, les salles aérées et subir un bionettoyage plusieurs fois par jour, et les responsables d’établissements devront mettre en place une organisation pour que les élèves ne croisent pas ceux d’une autre classe. Avec des horaires échelonnés à l’arrivée et à la sortie afin d’éviter tout rassemblement…
Comme si ce n’était pas assez compliqué, il faudra en outre un aménagement du rythme des enfants (un jour sur deux, matin/après-midi) pour respecter la distanciation sociale.
Ajoutez à ça le fait qu’il n’y aura pas de cantine le midi et que donc les enfants devront manger sur place, mais toujours en respectant les règles de distanciation physique…
Et enfin, tout enfant présentant un symptôme pouvant laisser penser à une infection au Covid-19 devra être renvoyé chez lui.
Autant dire que c’est quasiment impossible.
C’est d’ailleurs ce que ne cessent de claironner l’ensemble des syndicats.
Le risque pour le ministre, le Premier ministre et le président de la République d’être désavoués
Le Premier ministre, demain, ne sera pas obligé de reprendre toutes ces préconisations du conseil scientifique.
Le président Macron d’ailleurs n’a pas hésité à passer outre l’avis du conseil lui recommandant de repousser la rentrée à septembre.
Mais maintenant que l’avis a été rendu public, Edouard Philippe se retrouve quelque peu coincé et on voit mal comment il pourrait cette fois passer outre.
D’autant que la sanction pourrait vite tomber : comme la rentrée s’effectuera sur la base du volontariat, il suffira que les parents n’envoient pas leurs enfants pour qu’il soit désavoué. Ou que les maires n’ouvrent pas leurs écoles, s’ils estiment que les conditions de sécurité ne sont pas réunies.
Comme on le voit, ce ne sont pas les obstacles qui manquent sur le chemin de la prochaine rentrée.