Le Pôle Océan, un trou noir, une verrue au centre-ville de Saint-Denis depuis 20 ans, devant lequel passent des dizaines de milliers d’automobilistes tous les jours.
A écouter Gilbert Annette, les premiers coups de pioche devraient intervenir très prochainement. Il est à craindre qu’il n’en soit rien. Outre des problèmes administratifs sur lesquels nous reviendrons très prochainement, le projet aujourd’hui rebaptisé « Espace Océan » fait l’objet de plusieurs procédures devant le tribunal administratif et le tribunal de Grande instance qui risquent de compromettre sa réalisation.
Le projet a été initié par Gilbert Annette, mais il n’aura pas le temps de le porter sur les fonts baptismaux. Du fait de son passage par la case prison, il a été contraint de passer la main à la tête de la municipalité dionysienne et c’est donc Michel Tamaya qui portera officiellement le projet en 1999. A l’époque, on parlait de Pôle Océan.
En 2001, René-Paul Victoria arrive et jette le projet de son prédécesseur à la poubelle. C’est à ce moment-là que sont réalisées les expropriations. 67 familles se voient privées de leurs biens, commerciaux comme habitations, et se voient proposer en échange une somme dérisoire. Le projet de RPV ne connaitra pas un meilleur sort que celui de son prédécesseur puisque, suite à des recours devant les juridictions administratives, il doit lui aussi être abandonné.
C’est alors qu’arrive Gilbert Annette en 2008. En 2009, il réalise un audit et abandonne définitivement le projet pour le remplacer par un autre, qui accorde plus de place aux logements sociaux et dénommé cette fois « Espace Océan ».
Dès sa naissance, ce nouveau projet doit faire face à un nombre important de critiques. D’abord de la part des commerçants qui lui reprochent de constituer un espace clos, un véritable « aspirateur à consommateurs », au détriment des autres commerces du centre-ville.
En effet, lorsque l’on circulera sur la quatre voies du boulevard Lancastel, l’automobiliste sera quasiment obligé de passer par l’Espace pour pénétrer dans le centre-ville. La tentation sera alors forte de s’y arrêter pour effectuer ses courses, avec comme conséquence la mort de tous les autres les autres commerces.
Plusieurs plaintes devant les tribunaux administratifs, mais aussi au pénal
Mais la principale menace qui pèse aujourd’hui sur l’Espace Océan vient probablement d’un simple particulier, M. Amine Mogalia, qui faisait partie de ces 67 familles expropriées. Il y habitait et y tenait un commerce de pièces automobiles.
Que reproche-t-il au projet de Gilbert Annette ? Dans ses nombreuses plaintes, Amine Mogalia n’hésite pas à évoquer des détournements de fonds publics et des prises illégales d’intérêt.
Sans l’implication financière de la mairie, le projet n’aurait pas été à l’équilibre
Nous reviendrons sur chacun de ces points pris individuellement. Sachez simplement que les principaux griefs relevés par M. Mogalia portent sur des manquements au code de l’urbanisme. Par exemple, les parkings et les entrepôts souterrains ont été payés par la mairie, et donc financés par les contribuables, alors qu’ils auraient l’être par les différentes sociétés crées pour porter l’opération. On parle quand même de près de 28 millions d’euros ! Problème : si la règlementation avait été respectée, le projet n’aurait pas pu être présenté à l’équilibre en CDAC et n’aurait donc pas vu le jour. Pas grave, pourquoi s’arrêter à un aussi petit détail. Les contribuables dionysiens sont là pour payer.
L’élu qui a signé les permis n’aurait pas dû le faire
Autre reproche de M. Mogalia : comme on l’a vu, devant l’explosion des coûts de l’opération, la commune de Saint-Denis a été contrainte de s’impliquer financièrement dans le projet pour tenter de donner l’illusion d’un équilibre financier global. En prenant à sa charge les parkings et les entrepôts, mais aussi en rachetant les terrains d’assiette de l’opération.
Ce qui n’a pas empêché Jean-Pierre Espéret, le délégué à l’urbanisme de la mairie de Saint-Denis, de signer les permis de construire, alors qu’il était lui-même élu à la CINOR, laquelle est actionnaire à hauteur de 28,5% de la SODIAC qui porte le projet pour la commune de Saint-Denis.
C’est l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme qui prohibe la signature par le maire des permis de construire (ou celui qui le représente NDLR) s’il est lui-même personnellement intéressé à ces actes ou s’il exerce par ailleurs des fonctions de mandataire à la direction du bénéficiaire des permis dont la délivrance est sollicitée.
Une fausse déclaration de Gilbert Annette ?
Ce qui amène M. Mogalia à évoquer un troisième point. Selon lui, Gilbert Annette aurait procédé à un faux en déposant en préfecture, lors de l’examen par la commission de la CDAC (Commission départementale d’aménagement commercial), une déclaration d’intérêt affirmant qu’il n’était pas intéressé à l’opération.
Premiers coups de pioche fictifs ?
Les élections approchant, il est important pour Gilbert Annette de donner l’illusion que le projet est sur le point de démarrer. On évoque même les premiers coups de pioche pour très bientôt.
Les plaintes de M. Mogalia sont depuis plusieurs années devant le tribunal administratif de Saint-Denis et la cour d’appel de Bordeaux pour la partie administrative, et bientôt devant le TGI de Saint-Denis pour la partie pénale.
L’Espace Océan risque fort, malheureusement, de connaitre le même sort que son prédécesseur, le défunt Pôle Océan…
A suivre…