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(Pierrot Dupuy) Emmanuel Macron fait du saupoudrage, mais pas d’électrochoc

Les Français avaient placé tous leurs espoirs dans le discours du président de la République, espérant entendre un certain nombre de mesures fortes, à même de mettre fin à une crise inédite par son ampleur et sa durée, qui dure depuis plusieurs semaines. Force est de reconnaître qu’à son issue, la plupart d’entre eux sont […]

Ecrit par zinfos974 – le mardi 11 décembre 2018 à 00H57

Les Français avaient placé tous leurs espoirs dans le discours du président de la République, espérant entendre un certain nombre de mesures fortes, à même de mettre fin à une crise inédite par son ampleur et sa durée, qui dure depuis plusieurs semaines.

Force est de reconnaître qu’à son issue, la plupart d’entre eux sont déçus.

Certes, le président de la République a décrété « l’état d’urgence économique et social ». Certes, il a annoncé une augmentation du SMIC, sans surcoût pour l’employeur, l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000€ par mois, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires et une prime exceptionnelle pour les salariés des entreprises qui peuvent la verser.

Au total, on parle d’une dépense supplémentaire de 8 à 10 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.

Et pourtant, les réactions sont globalement négatives de la part des Gilets jaunes interrogés sur les barrages par les chaines de télévision et les radios. La raison : Emmanuel Macron est tombé dans le piège de vouloir satisfaire -partiellement- la plupart des revendications des Gilets jaunes (nous y reviendrons), mais il lui a manqué une mesure phare, une mesure électrochoc susceptible de marquer les esprits.

Les cinq principales annonces du chef de l’Etat.

  •    Le revenu d’un travailleur au SMIC augmenté de 100 euros par mois

Le chef de l’Etat a demandé au gouvernement de travailler sur une hausse du salaire minimum mensuel de 100 euros « pour tous les travailleurs », et ce « sans qu’il en coûte rien à leur employeur ». Il n’a pas précisé les modalités pratiques de cette hausse qui pourrait passer par une hausse de la prime d’activité.

Cette hausse correspond à environ 6% d’augmentation du SMIC. C’est beaucoup, mais pas suffisant pour calmer les Gilets jaunes qui bravent le froid et la fatigue depuis plus de trois semaines maintenant. Il aurait fallu un peu plus…

Et surtout, elle ne concerne –a priori- que les SMICards, et laisse donc sur la touche tous les autres salariés. Occasionnant au passage un resserrement de l’éventail des salaires.
 
•    La hausse de la CSG annulée pour les retraités touchant moins de 2 000 euros par mois

L’augmentation de la contribution sociale généralisée (cotisation sur tous les revenus finançant la Sécurité sociale) « subie cette année » (en 2018) va être annulée pour les retraités touchant moins de 2 000 euros par mois. Jusqu’ici, le seuil de hausse de CSG pour les retraités était de 1.280 euros (ou 1.394 euros pour les moins de 65 ans).

Là aussi, Emmanuel Macron a probablement eu le sentiment de donner satisfaction aux Gilets jaunes. Mais il passe complètement à côté de deux problématiques : il oublie les « petits retraités », ceux qui touchent 400 ou 500 euros par mois, pour qui cette annulation de la CSG ne résoudra pas leur problème : comment peut-on vivre avec des revenus aussi faibles ?

Et il ne répond pas à la revendication –légitime- des retraités de voir leurs revenus indexés sur l’inflation.
 
•    Une prime de fin d’année demandée aux employeurs « qui le peuvent »

Le gouvernement va également « demander à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d’année à leurs employés », là encore défiscalisée.

Problème : seules les très grosses entreprises vont pouvoir verser cette prime. Comment vont faire les PME/TPE, qui subissent déjà de plein fouet la baisse d’activités en cette période cruciale des achats de fin d’année, pour verser une prime, alors qu’ils se battent plutôt pour leur survie ?
 
•    Les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées

Les heures supplémentaires seront « versées sans impôts ni charges dès 2019 » alors qu’elles devaient initialement être « désocialisées » (pas de cotisations) en septembre 2019.

Très bonne initiative, qui reprend et élargit une mesure instaurée à l’époque par Nicolas Sarkozy, et supprimée à son arrivée par François Hollande. Mais là encore, tous les salariés ne font pas des heures supplémentaires. Seules les grosses entreprises les comptabilisent, mais tous ceux qui travaillent dans des PME/TPE risquent de passer à travers.

Et dernier argument, les heures supplémentaires ne rentrent pas –pour le moment- dans le système de calcul des retraites.
 
•    Pas de retour sur la suppression de l’ISF

Par contre, le chef de l’Etat a écarté tout retour de l’impôt sur la fortune (ISF), supprimé au début du quinquennat au profit de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Son argumentation se tient. Si l’on taxe trop les « riches », il leur suffit de passer la frontière et d’aller en Belgique où on les imposera beaucoup moins. Et au final, c’est la France qui y perd car au lieu de payer un peu, ils ne paieront plus rien. Et à la clé, ce sont plusieurs milliers d’emplois qui peuvent disparaître.

Mais malheureusement, ce discours technocratique n’a aucune chance d’être entendu par la foule des Gilets jaunes qui ne cesse de dénoncer le fait que 10% des plus riches détiennent 50% de la richesse de la France. Face à un tel constat, les arguments du président de la République tombent à plat.

•    La reconnaissance du vote blanc

Le président a annoncé qu’il poursuivra la réforme de l’État, de l’assurance chômage et des retraites. Des réformes prévues avant la crise des Gilets jaunes. Mais il a également annoncé qu’une réflexion sur une “loi électorale plus juste”, ainsi que sur la “reconnaissance du vote blanc” serait menée.

Le chef de l’État a aussi évoqué la nécessité d’améliorer la représentation des forces politiques dans le pays.

Dans le cadre du débat national qu’il souhaite lancer, le Président a également promis de partir à la rencontre des maires, “région par région”.

•    Un débat sur l’immigration

Emmanuel Macron a annoncé, sans plus de précision, qu’un débat serait mené sur l’immigration.

Qu’est ce qu’Emmanuel Macron aurait pu annoncer et qu’il n’a pas fait ?

Peut-être aurait-il fallu annoncer :

     – l’instauration d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu, de façon à taxer plus les riches. Même si une telle mesure aurait eu un certain nombre d’inconvénients, et notamment à une fuite des gros patrimoines déjà évoquée plus haut. Mais au moins aurait-il cassé son image de « Président des riches »…

     – une indexation des retraites

     – une refonte de la fiscalité des ménages pour faire en sorte que les plus riches paient un peu plus de façon à alléger la facture des classes moyennes

     – une refonte de la fiscalité des entreprises car il est scandaleux que les entreprises du CAC 40 paient beaucoup moins d’impôts sur les bénéfices que les TPE/PME qui sont pourtant celles qui créent de l’emploi

     – une réduction des charges sociales

     – une véritable politique de réduction des dépenses de l’Etat, seule façon de diminuer la pression fiscale sur les Français. Diminution promise par le candidat Emmanuel Macron, mais pas réalisée puisque les dépenses de l’Etat vont encore augmenter de 50 milliards sur deux ans. Et cela, c’était avant l’annonce des mesures de ce soir par le chef de l’Etat !

     – la mise en place de référendums d’initiative citoyenne, de façon à donner la parole à cette partie de la population qui n’a plus confiance en ses élus et qui aspirait à un autre moyen d’expression démocratique

     – le report du prélèvement à la source

     – La suppression de la limitation à 80km/h sur les routes nationales et départementales

Et la liste pourrait être encore longue.

Quel avenir pour le mouvement des Gilets jaunes ?

Malgré tout cela, il est probable que le mouvement des Gilets jaunes va s’étioler avec le temps.

Les plus irréductibles continueront à tenir leurs barrages sur les ronds-points, pendant quelque jours. Et puis, tout doucement, certains commenceront à se dire que c’est toujours ça de gagné, que les fêtes arrivent et qu’il est peut-être temps de passer à autre chose.

Emmanuel Macron pourra alors se dire qu’il aura gagné. Ce serait une dramatique erreur car il n’aura fait que calmer temporairement le feu qui continuera à couver. Et qui ne demandera qu’à s’exprimer à nouveau. Probablement pas de la même façon dans la rue mais les prochains scrutins risquent d’être très difficiles pour les candidats de la République en Marche.

Pour résumer, Emmanuel Macron a donné trop peu, trop tard…

 

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