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Pierre Vergès : « La Réunion doit exalter son identité territoriale »

Pierre Vergès, ancien président de l'IRT (Ile de la Réunion Tourisme) revient sur le bilan de la présidence de Jacqueline Farreyrol et dénonce le problème de libre-arbitre de la structure et son manque de cohérence.

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 16 mai 2014 à 06H55

Zinfos974: En tant qu’ancien président de L’IRT (Ile de la Réunion Tourisme) que pensez-vous du bilan de Jacqueline Farreyrol ?

Pierre Vergès: Tout d’abord, je ne souhaite en aucun cas l’attaquer… L’IRT est avant tout une structure incarnée et contrôlée directement par la Région, et donc Didier Robert. À titre plus personnel, je ferais simplement remarquer qu’elle n’était pas d’une efficacité redoutable en tant que sénatrice…

Mais que penser du travail de l’IRT depuis 2010 ?

Ils sont partis sur de mauvaises bases… Au niveau des locaux déjà. A l’époque nous avions envisagé la rénovation d’une vieille case créole dans le centre ville de Saint-Denis, après que la maison voisine soit elle aussi remise à neuve pour accueillir les bureaux de L’IRT.  Malheureusement, la Région en a décidé autrement et ce sont 900m2 qui ne servent à rien tandis que la Région dépense entre 9000 et 1 million d’euros dans des loyers à Saint-Paul sur quatre ans, soit 3,6 millions, largement le prix des rénovations d’un bien qu’elle possède déjà. Pour moi, ça illustre parfaitement l’incompétence de la Région, à moins que d’autres intentions ne soient inavouées…

Les deux structures manquent donc de cohérence à vos yeux ?

Oui, il y a une totale incohérence dans le statut touristique de l’île, au niveau de l’accessibilité pour un touriste étranger, plus particulièrement venant d’Afrique. La bataille principale de la Région doit être la simplification de la délivrance des visas. Il existe déjà des accords avec l’Australie, mais pas avec l’Afrique du Sud qui est bien plus proche, alors pourquoi ? J’étais à l’initiative d’une demande à l’Etat de l’instauration d’une charte de destination touristique à ce sujet. L’Etat devait s’engager à le signer mais il a passé ce point à la trappe. Nous avons donc refusé de signer la charte et on m’a fustigé d’irresponsable.

Qu’attendiez-vous de ce point ?

Régler le problème de délivrance trop compliquée des visas. J’avais refusé l’idée d’intégrer la Réunion dans l’espace Shengen car je pensais que c’était un avantage pour La Réunion de ne pas en faire partie. Mais l’État était en désaccord, prétendant que la simplification des visas pour les voyageurs venant d’Inde, d’Asie ou d’Afrique n’était pas une chance pour l’île et allait faciliter l’immigration clandestine, la Réunion étant une porte sur l’Europe. L’État a roulé les Réunionnais. Il existe des contrôles efficaces et nous n’avons pas demandé une délivrance sur tous les pays. Se résoudre à un tel discours, ce serait revenir à l’époque du marronnage où certains devaient vivre cachés. Un discours d’une stupidité sans nom, à la hauteur des bafouillements de la direction. C’est pourquoi il faut établir un front uni, pour enfin dire à l’Etat que c’est lui qui bloque et empêche le marché réunionnais de s’ouvrir, on perd du temps.

Comment promouvoir l’île de la Réunion ?

Récemment, L’IRT a opté pour une diminution du budget sur les FEDER (Fonds européen de développement économique et régional) consacrés à la promotion de l’île, sur les spots télévisuels et les chaines de radio nationales. C’est absurde, car on ne peut pas visiter l’île sans connaître sa population dans sa diversité, elle qui est en osmose avec l’espace. Il faut savoir positionner la Réunion en fonction de ses capacités, en axant sur l’intérieur de l’île, les ilets, les cirques, les remparts etc… La Réunion n’est pas compétitive sur ses plages, même si, ça ne veut pas dire qu’elle n’en a pas. Cependant, les intérieurs de l’île sont majestueux et sont même classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Alors pourquoi il n’y a aucun travail là-dessus quand on voit la proximité de certains de ces espaces ?

En quoi la valorisation du cœur de l’île est importante ?

Une multitude de chambres d’hôtes a vu le jour dans cette zone grâce à l’Europe. La question est, ces structures offrent-elles le confort nécessaire ? Le constat est pourtant clair, avant, beaucoup n’avaient ni l’accès à Internet, ni à la télévision, alors qu’aujourd’hui, ces chambres sont équipées et de qualité. De plus, les gens qui travaillent avec passion dans des petites structures apportent une approche familiale au tourisme, ils doivent être valorisés, ce sont eux qui donnent le cachet.

Ces acteurs sont un peu délaissés d’après vous ?

Heureusement, lors de la crise du Chikungunya, beaucoup de Réunionnais ont fréquenté ces structures en geste de solidarité, et on a même créé la fête du tourisme local. Ce que je ne comprends pas, c’est que ce ne soit pas du tout la priorité de l’IRT… C’est simple, sous ma présidence, chaque mois un bulletin de liaison publiait une lettre éditoriale de L’IRT et donnait la parole à tous. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. De même pour les comités d’orientation et les conférences qui permettaient d’exposer les points de vue et problématiques de chacun des acteurs importants du tourisme. Cette absence ne plaide pas en faveur d’un bilan positif…

Quelles perspectives pour L’IRT ?

Le CTR en remplacement a débuté en 2007 avec 286.000 touristes jusqu’en 2010 où le nombre de touristes s’élevait à 471.000. En 2011, au début du mandat de Jacqueline Fareyrrol, le chiffre a chuté de 55.000 pour atterrir à 416.000 touristes en 2013. J’espère avoir tort pour l’année 2014 qui devrait être pire encore. Il faut travailler concrètement et arrêter l’esbroufe. L’actuel IRT a toujours eu une politique de transfert de critiques faites auparavant mais qui les concernent eux maintenant. Il sabote le travail fait avant !  
 
Si vous étiez resté président de l’IRT, qu’auriez-vous mis en place et quelles auraient été vos priorités?

La Réunion doit exalter son identité territoriale. J’aurais aimé que fleurisse une signalétique adaptée aux espaces de l’île et à sa diversité. La Réunion n’est pas la même à L’Est qu’au Sud et c’est cette diversité qu’il faut valoriser. À travers des panneaux qui faciliteraient l’accès aux chambres d’hôtes et qui accompagneraient le voyageur tout au long du trajet, afin que l’impression d’errance donnée par les routes réunionnaises actuelles soit atténuée. À l’image par exemple, de la métropole qui dispose des indications à chaque lieu touristique, musée, sur les autoroutes, présentant les produits et spécificités de la zone en question. Aussi, j’aurais mené des formations linguistiques pour les acteurs du secteur, sans bénévolat à outrance bien entendu, afin que la Réunion puisse enfin porter dignement son nom, et que sa richesse soit d’être la Réunion de tous. J’aurais incité les étudiants à apprendre les langues, pourquoi pas à l’aide de pécules, pour obtenir une certaine coordination.

Quels enjeux Patrick Serveaux doit-il désormais affronter?

Concernant Patrick Serveaux, il faut que la Région prenne ses responsabilités et ne rejette pas tout sur lui. Ceci dit, il doit consolider son lien avec les agents privés et publics.

Un dernier mot ?

Sur la crise requin je souhaite déclarer que lorsqu’un sportif réunionnais à un niveau national ou international, n’a pas d’espace conditionné pour pratiquer son activité, on marche sur la tête… Je conclurais en dénonçant une attitude ‘je m’enfoutiste’ alors que derrière, des gens qui ont du courage, attendent qu’on leur tende la main.

 

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