Durant deux mois, ils ont échangé via Messenger avec ce qu’ils pensaient être une jeune fille de 12 ans nommée Alicia. Derrière ce profil, se cachait en réalité un traqueur de pédophiles, Steven Moore. L’homme a été contacté par la mère d’une jeune fille qui avait constaté un comportement déplacé de Jimmy N. lors d’un voyage à Maurice. De là, le piège s’est formé autour du quadragénaire et autour de Georges C., 85 ans, lui aussi membre de l’association.
De mars à mai 2019, les deux hommes ont échangé des messages et des photos à caractère sexuel alors qu’ils savaient que la jeune Alicia n’était âgée que de 12 ans. « Je n’ai pas beaucoup d’amis et ça a malheureusement dérapé. Sur le coup, je ne savais pas », s’est justifié Jimmy N., atteint du syndrome de Larsen Bourbon, seul sur le banc des accusés, l’état de santé de Georges C. ne lui permettant pas d’assister à son procès. Le premier a finalement stoppé tout contact avec la jeune fille après avoir pris conscience qu’il faisait « quelque chose de mal ». L’octogénaire a lui poursuivi le dialogue, envoyé également des photos de son sexe et a même donné un rendez-vous. Mais le 19 mai 2019, ce n’est évidemment pas Alicia qui l’attendait, mais Steven Moore et sa team. Les deux mis en cause ont finalement été interpellés et placés en garde à vue quelques jours plus tard.
Des sites pornographiques aux titres répugnants consultés
Ce jeudi, le tribunal s’est également attaché à vérifier que le profil des deux prévenus correspondait à celui de prédateurs sexuels particulièrement attirés par les très jeunes filles. Le contenu du matériel informatique saisi a démontré que Georges C., père de famille, échangeait virtuellement avec des jeunes femmes étrangères. Jimmy N. a lui consulté des sites « aux titres pornographiques à vomir : ‘grand-père peut encore se faire sa petite fille’ « , a relevé le vice-procureur Benoît Bernard. « Les enfants n’ont pas à être les victimes collatérales des frustrations sexuelles des adultes quel que soit l’âge ou le handicap », a également lancé le ministère public qui a tenu à rappeler le cadre légal de la traque aux pédophiles sur internet. « Le travail de Steven Moore n’est pas illégal en France mais encore faut-il qu’il n’entrave pas l’action de la justice« . En effet, le traqueur n’a pas fourni l’ensemble des pièces nécessaires au bon déroulement de enquête. « Monsieur Moore aurait aussi pu aller voir un député pour dénoncer l’absence d’entraide pénale internationale avec l’île Maurice, ce qui fait que nous n’avons pas pu enquêter sur l’affaire N. à Maurice ». Un an de prison avec sursis, l’interdiction d’exercer une activité impliquant un contact avec des mineurs, et une interdiction de sortie du territoire durant 5 ans « Madagascar se trouvant à proximité », ont été requis par le représentant de la société.
Pour leur défense, Me Farid Issé a attaqué sur la qualification de l’infraction, Alicia étant « un avatar ». Ses clients ont été hameçonnés, » il y a eu provocation au délit », a fait valoir la robe noire. En envoyant des photos de nu et des clichés d’une personne qui existe bien quelque part, Steven Moore et son équipe se sont rendus coupables d’un délit. « C’est pour cela que ce type d’opérations revient à des policiers formés », a-t-il rappelé. « La team Moore n’a aucune légitimité sauf à faire le buzz médiatique et mes clients n’ont pas le profil », a plaidé Me Issé.
Le tribunal rendra son jugement jeudi 9 juillet prochain.