Les médias publient des statistiques au point qu’on serait tenté de penser qu’ils en sont les dépositaires privilégiés. Or la statistique demande attention, rigueur, et savoir-faire. Les statistiques des journaux sont à la science ce que les conseils minceur sont à la médecine. On ne peut traiter de la même façon les problèmes de santé publique et les vertus du jus de concombre sur la cellulite.
Les biais sont nombreux en statistiques. Sans connaissances précises des mécanismes articulant les faits étudiés, ils ont des répercussions sur tous ses aspects. Dans le monde réel, ces mêmes biais sont permanents. La figure 1 présente la mortalité en France de 2006 à 2019.
Les biais sont nombreux en statistiques. Sans connaissances précises des mécanismes articulant les faits étudiés, ils ont des répercussions sur tous ses aspects. Dans le monde réel, ces mêmes biais sont permanents. La figure 1 présente la mortalité en France de 2006 à 2019.
Catastrophe ! On meurt de plus en plus ! Observons maintenant cette mortalité sur deux classes d’âges différentes : < 60 ans ou moins (figure 2) et > 60 ans (figure 3). Dans les deux cas la mortalité chute significativement. La catastrophe cache une heureuse tendance : on meurt de moins en moins !
Nous comprenons ainsi aisément le rôle du vieillissement dans l’évolution de la mortalité. La statistique, malgré les apparences, est incapable de se substituer à la démarche hypothético-déductive qui forme la base de toute méthode scientifique.
En médecine, la primauté de la logique sur la statistique n’est plus considérée. La médecine basée sur les faits – les statistiques – a abandonné l’idée de comprendre les mécanismes biologiques avant d’interpréter les données. Ce faisant, elle affirme n’importe quoi. John Ioannidis, professeur de médecine à l’université Stanford, a jeté un pavé dans la mare en publiant en 2005 un article intitulé « Pourquoi la plupart des résultats de recherche scientifique publiés sont faux. » [1]. Depuis, la communauté des chercheurs avoue son impuissance : le prestigieux journal Nature a publié en 2016 un article signalant l’impossibilité de reproduire des recherches biomédicales majeures pourtant publiées dans les règles de l’art [2], citant par exemple un taux d’échec ahurissant de 89% en oncologie [3].
On n’insistera jamais assez sur l’importance des disciplines fondamentales. Accusées d’être inutiles, elles sont pourtant les garde-fous pour savoir de quoi on parle et comprendre ce que l’on fait : elles sont la conscience de la science. L’enseignement scientifique supérieur, quel que soit le pays, ne dispense plus de cours de philosophie ni d’épistémologie : ce qu’est la science, d’où elle vient ni sur quoi elle s’appuie. Ils sont par la force des choses devenus de simples techniciens ignorant les bases de leur discipline. On entend dire partout que la médecine est une science : il n’y a rien de plus faux. La médecine est un art, l’art de soigner dans le but de guérir. Elle s’appuie sur des sciences comme par exemples la biochimie ou la physique de particules ; mais on ne réduit pas l’humain qui vient consulter à un ensemble de paramètres physiques. Une thérapie qui soignera l’un tuera peut-être l’autre. Le savoir-faire, le talent et même l’instinct du médecin participent à la qualité des soins tout autant que son savoir technique. Il est une sorte d’ingénieur de la santé ; il n’est pas un scientifique.
Quand on considère l’espérance de vie en France depuis l’an 2000 jusqu’à fin 2020 (figure 4), on constate une amélioration significative. La baisse d’espérance de vie en 2020 a été de l’ordre de 5 à 6 mois alors qu’elle a été de 3 mois en 2015. L’être humain n’est pas éternel : plus il vieillit, plus le temps de vie supplémentaire est difficile à gagner et facile à perdre. Perdre quelques mois d’existence est dommage ; mais il conviendrait de savoir de quels mois on parle.
La figure 5 nous montre que l’espérance de vie des personnes mortes avant l’âge de 80 ans ne varie plus depuis 2014 et n’a pratiquement pas varié en 2020. En revanche, la figure 6 dévoile l’origine de cette perte d’espérance de vie : il s’agit de celles des gens de plus de 80 ans. Autrement dit, en 2020, la baisse d’espérance de vie n’a touché que les personnes de plus de 80 ans. La Covid-19 n’a tué que les personnes mourant de vieillesse.