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Payer ses impôts dans les bureaux de tabac, la réforme qui fait tousser les syndicats

À une semaine du début de la réforme obligeant les contribuables à payer les impôts et amendes de moins de 300 euros chez les buralistes, les professionnels des Finances publiques sont remontés. Une réforme que dénonce le syndicat Solidaires Finances publiques qui estime que cette mesure n’est pas adaptée pour La Réunion, mais surtout ils pensent que cette réforme vise simplement à poursuivre la casse du service public.

Ecrit par zinfos974 – le mardi 21 juillet 2020 à 16H41

« Le gouvernement affirme que c’est une question de respect, la réalité c’est qu’ils mettent ça en place pour supprimer des emplois » affirme Pascal Valiamin, délégué régional de l’union syndicale Solidaires-Finances Publiques. Pour son syndicat, la mise en place de la mesure obligeant les contribuables à payer leurs impôts et amendes de moins de 300 euros chez les buralistes est une aberration ou, au mieux, une incohérence.

Des tests à la va-vite

Le premier élément qui a fait bondir le syndicat concerne les tests d’expérimentation. Décidé en début d’année, la phase d’expérimentation dans quelques départements a démarré à partir de mi-février pour s’achever fin mai et une application au 28 juillet. C’est donc en plein confinement qu’a été testée l’expérience, puis validé, sans report de la date de mise en application. « Techniquement, ça fonctionne, l’argent arrive bien dans les caisses de l’État, donc ça leur suffit », indique Pascal Vialamin. « On n’a pas été associé à ce qui se passe », regrette-t-il.

Une « proximité » plus que douteuse…

L’argument principal de cette réforme appelé « paiement de proximité » est qu’elle est censée permettre aux contribuables de trouver des points de paiements partout sur le territoire national. Problème : le gouvernement tablait sur 4 500 buralistes, mais seulement moins de 3 000 se sont engagés dans cette aventure. À La Réunion, la « proximité » se voit encore réduite puisque de 23 points d’accueil actuellement, l’île va passer à 21 pour plus de 800 000 habitants. 

« Il y a tromperie. On a dit que ce sera plus simple, mais en réalité ce sera plus compliqué. Il y a 3 buralistes concernés à Saint-Denis, tous dans le centre-ville, et deux à Saint-Pierre. Quelles différences pour les gens qui vivent dans les écarts? Pire, les buralistes ne pouvant pas répondre aux questions, les contribuables devront donc continuer à se rendre aux centres des Finances publiques pour avoir les réponses » souligne Jocelyn Cavillot, l’administrateur régional de Solidaires Finances publiques. De plus, les buralistes ne pourront pas encaisser tous les impôts, certains devront être finalement payés uniquement par internet puisque les centres n’accepteront plus le numéraire.

…pour éloigner les usagers du service public

Pour le bureau du syndicat, cette mesure n’a qu’un réel objectif : jeter le public hors de l’administration. « On se déleste de tout ce qui dérangeait » regrette Magali Billard, Secrétaire Départementale Solidaires Finances publiques Réunion. « Le confinement a fait que nous n’avons plus accueilli le public, ils ont donc estimé que ça pouvait fonctionner ainsi », peste la syndicaliste. « Ce n’est que du bricolage fait au milieu de la crise sanitaire et des vacances. Pendant le confinement, on a entendu qu’il fallait un retour du service public. Finalement, c’est bien le retour du monde d’avant qui a profité du confinement pour supprimer le service public », avance-t-elle. 

Les centres des impôts ne pourront plus encaisser d’espèces, mais ils devront toujours répondre aux questions des contribuables. La liste de ces impôts n’a toujours pas été communiquée par l’administration. Pour les syndicalistes, cette démarche va déshumaniser encore plus le contribuable. « On se débarrasse de notre mission », déplore Pascal Valiamin.

Un cadeau empoisonné pour les buralistes

Selon Solidaires-Finances Publiques, cette réforme est une bombe à retardement pour les buralistes. En plus de l’augmentation des risques de braquages pour lesquelles leurs établissements, à la différence d’un centre des impôts classiques, ne sont pas protégés, c’est surtout pour leurs chiffres d’affaires que le syndicat a peur. « C’est très simple, quand leurs clients habituels vont venir pour acheter leurs tabacs ou jouer à des jeux d’argents et qu’ils verront une longue file d’attente de gens venus pour les impôts, ils iront dans le commerce d’à côté. Ça ne m’étonnerait pas qu’à la fin de la première année, de nombreux buralistes demandent à se faire déréférencé des listes officielles » explique Jocelyn Cavillot.

« Les commerçants ne pourront pas répondre aux différentes questions des contribuables. C’est un métier pour lequel on a été formé et pour lequel on est utile » rappel Magali Billard. Jocelyn Cavillot estime que « c’est à la fois tromper les usagés et les entreprises qui ont signés ».

Une contrainte pour les contribuables

Si l’objectif affiché de cette mesure est « la proximité de paiement » pour le contribuable, Solidaires Finances-Publiques pense le contraire. Avec le peu de communication autour de ce changement, les professionnels craignent qu’un nombre important de personnes viennent inutilement au centre des impôts avant d’être éconduites. « Ce sont les publics les plus fragiles qui viennent aux impôts, les autres font déjà tout par téléservice », précise Magali Billard. Pour les usagers, il faut se déplacer dans un bureau de tabac pour le paiement, puis se rendre au centre des Finances publiques pour avoir des informations. « Cette décision n’est pas admissible, nous faisons partie du lien social », estime Pascal Valiamin.

Un service non adapté à La Réunion

Enfin, ce qui irrite le plus les représentants locaux du syndicat, c’est que cette mesure n’est pas adaptée à La Réunion. « Historiquement, l’accueil physique est très important à La Réunion. On fait partie de ces services publics. Il y a un nombre important de gens qui n’ont pas de compte bancaire » rappel Pascal Vialamin. Un avis plus que partager par Jocelyn Cavillot pour qui « La Réunion manque de service public. Nous sommes en retard à ce niveau ». Comme évoqué plus haut, l’île va perdre deux points de paiements, mais surtout, ce sont les conseils des professionnels qui vont disparaître pour un public en difficulté qui a souvent besoin d’accompagnement. 

« Ils font ça alors qu’on prédit que le monde va rentrer dans la pire crise économique du siècle. Ça va être la galère et nous on ferme nos accueils », conclut Magali Billard.

 

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