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Ouvrier gravement blessé sur un chantier: « C’est de sa faute, madame la Présidente! »

Ils y ont mis le temps mais cette sordide affaire est quand même passée devant les juges de la correctionnelle. On se demande bien pourquoi, d’ailleurs! Elle avait en effet commencé en 2010… pour finir en eau-de-boudin. La vie des ouvriers ? On va pas chinoiser pour si peu ! André C. dirigeait une petite […]

Ecrit par Jules Bénard – le samedi 19 octobre 2019 à 09H51

Ils y ont mis le temps mais cette sordide affaire est quand même passée devant les juges de la correctionnelle. On se demande bien pourquoi, d’ailleurs! Elle avait en effet commencé en 2010… pour finir en eau-de-boudin.

La vie des ouvriers ? On va pas chinoiser pour si peu !

André C. dirigeait une petite entreprise de réaménagement et de remise en état des maisons et autres bicoques. Le 4 octobre 2010, il a envoyé ses ouvriers tout en haut d’une maison à étage à Saint-Denis, histoire de refaire entièrement le toit de tôle qui présentait de fortes traces de rouille et les trous peu imperméables de circonstance.

Travailler sur un toit, à plus de 7 mètres du sol, cela implique le port d’un harnais de sécurité. Ce à quoi s’astreignent tous les ouvriers sauf un. Selon les dires du gérant, l’homme aurait refusé de mettre le sien sous prétexte qu’ayant joué au rugby la veille, il aurait eu trop mal au dos pour enfiler le sien. Alors, question que personne n’a posée: que faisait-il là-haut? Et pourquoi André n’a-t-il pas vérifié le non-port du harnais? La réponse est d’une banalité foudroyante: « Il avait sa propre entreprise avant ; j’ai donc supposé qu’il connaissait les risques et s’était protégé en conséquence ». Fort bien.

Pour descendre les tôles jusqu’au sol, on utilise un treuil: c’est la loi qui le veut et ça se comprend un peu: une tôle chutant d’un toit, ça peut être létal. Or, l’entreprise d’André n’a jamais acheté de treuil: « Parce que c’est trop cher, 3.000 euros, pensez donc. »  La vie des ouvriers ? Il l’a évoquée… pour mémoire.
 
In mirac’ si lu lé toujours en vie !

Le hasard faisant décidément très mal les choses, ce jour-là, c’est l’ouvrier sans harnais qui est chargé de cette dangereuse opération. Et ce qui devait arriver arriva.

Sans treuil, on se contente de percer un trou dans la tôle archi-rouillée, on y arrime une simple corde (in gature ficelle si ou préfère) qui sera chargée de supporter la tôle et ses arêtes coupantes comme autant de rasoirs.

L’échafaudage étant ridicule (un point de plus contre le gérant), l’homme prend appui sur un garage en contrebas, même pas mitoyen du bâtiment principal, et commence à tirer sur la corde. La tôle se fout de travers, se coince contre le toit du garage. L’ouvrier tente de prendre appui à la fois sur le garage et sur la tôle, pèse sur le tout et voilà que la tôle s’en va et chute, entrainant l’ouvrier avec elle.

L’homme sera très grièvement blessé. Encore in mirac’ si lu lé toujours en vie ! Nombreux points de suture pour des plaies longues, larges et profondes ; plus de trois mois d’ITT.

On apprend encore, le mieux n’étant pas l’ennemi du bien, qu’aucun des ouvriers n’a subi de formation sur la nature des risque encourus quand on travaille sur un toit. Ni de formation non plus à l’utilisation des matériels de sécurité. Pourquoi? Ben voyons…

« Parce qu’il y avait trop longtemps à attendre dans les organismes spécialisés dans ces formations, tiens! Les listes sont trop longues et j’avais mon chantier à avancer ».

« Que faisait ce simple manoeuvre sur le toit ? »

La société d’André a été liquidée depuis des années ; il en a monté une autre spécialisée en aménagements de magasins. Fais gaffe, mec : attention aux encaustiques industrielles, ça glisse!

André n’est titulaire d’aucun casier judiciaire. Cependant, au cours de l’enquête, on découvre que voici quelques années, il avait été compromis dans une affaire similaire de manquements graves aux obligations de sécurité. Une affaire qui avait été classée sans suite. L’a encore de la veine…

« C’est de sa faute! S’il avait mis son harnais… «  Et s’il avait disposé d’un treuil au lieu de jouer avec sa vie. Et si mon oncle en avait, on l’appellerait ma tante en fourrant Paris dans une boutanche!

Pour bien prouver à cet ouvrier, qui a bien failli se retrouver à Lancastel, qu’il avait tort de causer des soucis à son patron… il a été licencié, na ! Le médecin du travail a aussi été sanctionné par son Ordre pour la simple raison qu’il n’avait pas pris la bonne décision quant à l’état du malade.

« L’ouvrier blessé était manoeuvre, pas couvreur, fait remarquer la présidente à André. Que faisait-il donc si haut? »
Difficile de vous donner la réponse: André fait semblant de ne pas entendre et, quand il répond, c’est un murmure à peine audible. On sait qu’il dit quelque chose parce que ses lèvres s’agitent mais c’est tout.

Bref, c’est tout juste si cette tôle de 4 mètres X 1m20 a blessé quelqu’un. Entre enquêtes de l’Inspection du Travail, de la médecine du travail, recours et contre-recours sinon appels, l’affaire a mis près de 10 ans avant d’être jugée. Ce fut, hier, l’occasion d’assister à une sévère prise de gueule entre l’avocat de la partie civile, le bâtonnier Georges-André Hoareau, et celui de la défense, Me Rémy Boniface. Sur un simple point de procédure, soit, mais on n’est pas ténors pour des prunes! Un régal!

« Merci patron! »

Le bâtonnier a plaidé la mauvaise foi de l’entrepreneur et réclamé 3.000 euros de dommage moral, les frais médicaux ayant déjà été remboursés. La procureure Prud’homme, en contestant par avance l’argumentaire de la défense, on se demande bien pourquoi, a juste réclamé une dispense de peine. Sous le fabuleux prétexte que l’accusé a déjà effectué toutes les démarches légales qui, si elles avaient été faites « avant », auraient permis d’éviter le drame. C’est une accusation, ça? J’ai des doutes, dirait Devos.

C’était un flacon d’eau bénite pour la défense, qui est allée jusqu’à réclamer la relaxe. Le tribunal a prononcé une dispense de peine à l’encontre d’André. Moralité, votre boss peut vous obliger à faire tout ce que bon lui semble, si vous faites une connerie sans le savoir, c’est vous qui serez coupable de toute façon. Et licencié… si vous êtes toujours de ce monde. Ça me rappelle fâcheusement une chanson des Charlots, « Merci patron! »

 

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