Oui, je m'empresse d'ajouter quelques mots aux oraisons funèbres que l'on débite ici et là à l'adresse de Sudel Fuma : effectivement, Sudel Fuma, d'un enthousiasme hors du commun, a été un professeur tout feu tout flamme qui a su pimenter ses recherches, comme on l'aime sous les cocotiers. Il était bien dans le sillage de la maison Vergès, amatrice de gros piments rouges.
Et je ne m'en tiendrai qu'au problème des enfants de La Creuse, les exilés, les déportés ! Ce pan de l'histoire est savamment pimenté, et ma fois, un peu de sel permet de faire savourer un récit trop insipide, trop tiède, et qui serait de nature à laisser s'échapper une éventuelle indemnisation des victimes. Professeur émérite, il avait le talent pour cela. C'était l'homme de la situation ! Rendons-lui hommage pour son grand dévouement débridé.
Mais dans son enthousiasme, trop pressé, il ne traite pas de la cause, de la racine de l'exil des enfants de La Creuse ! Il a oublié de dire ce qu'il en était à l'époque de Debré, à quelques années de la fin de la colonisation : les papas prenaient souvent la clé des champs après avoir semé où il convient quelques graines de leurs bourses, de leurs sacs de peau; ils ne récoltaient rien et s'en allaient vaillamment à la recherche d'une autre dame complaisante. Finalement des dames désargentées se trouvaient seules à la case à s'occuper d'une ribambelle d'enfants.
C'était le désarroi d'autant plus grand que les orphelinats manquaient à une époque où il fallait accorder la priorité aux établissements scolaires, aux centres de soin, aux routes, etc. A cette époque, tout était à faire ou à refaire. Pour parer au plus pressé, le nazillon Michel Debré envisage d'envoyer les orphelins en Creuse, chez des paysans, en exil. Il faut savoir qu'à cette époque, on plaçait volontiers les enfants abandonnés chez des paysans, et je crois savoir qu'on continue à le faire.
Un placement facile, rentable et pour l'hébergeur et pour les services de l'Etat : pas de fiches de paie à établir; les enfants ainsi placés devaient être traités comme les enfants naturels, être vêtus, nourris, soignés de la même façon. Les enfants exilés de La Creuse ont été éduqués comme les enfants abandonnés de l'hexagone. Pas mieux, pas moins !
Et Sudel Fuma nous a enfumés avec sa video ! Garder les vaches est, à ses yeux, un supplice, une exploitation de l'homme par l'homme ! Pas de rétribution pour services rendus, il est vrai ! Ma foi, comme mes camarades des prés voisins du mien, j'ai gardé les vaches avec plaisir et j'ai pu réviser le bac et la propédeutique; et je dois peut-être mon succès à mes braves vaches ! Pas de bruit dans le pré ! Toute mon attention était tournée à mes révisions ! Un plaisir ! Pas de souci pour la nourriture, les vêtements, etc. On veillait à tout pour moi. Et, bien entendu, aucune pièce de monnaie dans mes poches ! A quoi bon ! Avais-je besoin d'un peu d'eau dans mon pré ? Une gourde était à ma disposition; je n'ai jamais eu l'idée saugrenue d'aller boire ... à l'abreuvoir ! Bref ! j'étais aux anges comme l'a été Virgile, le chantre des Bucoliques !
Un autre détail a échappé à Sudel Fuma : la grange du paysan ! En général, la maison paysanne comportait une cuisine qui servait de salle à manger et une grande chambre où dormait toute la famille. Il y avait promiscuité, mais on s'en accommodait ! La grange a joué, à cette époque, un grand rôle pour l'accueil. Et c'est ainsi que la grange de mon père a accueilli des réfugiés du nord qui ont été victimes de l'occupation nazie ! Personne ne s'est plaint du mauvais accueil ! Et entre nous soit dit, ne le clamez pas sur tous les toits, le papa et la maman, la nuit, discrètement, à pas de velours, allaient s'égayer dans la grange ou tout simplement dans la nature si elle était clémente, car il faut savoir assurer convenablement la descendance !
Ah ! si la grange pouvait parler, elle qui a été si souvent l'alcôve des pauvres !
Gérard Jeanneau à Gières
Et je ne m'en tiendrai qu'au problème des enfants de La Creuse, les exilés, les déportés ! Ce pan de l'histoire est savamment pimenté, et ma fois, un peu de sel permet de faire savourer un récit trop insipide, trop tiède, et qui serait de nature à laisser s'échapper une éventuelle indemnisation des victimes. Professeur émérite, il avait le talent pour cela. C'était l'homme de la situation ! Rendons-lui hommage pour son grand dévouement débridé.
Mais dans son enthousiasme, trop pressé, il ne traite pas de la cause, de la racine de l'exil des enfants de La Creuse ! Il a oublié de dire ce qu'il en était à l'époque de Debré, à quelques années de la fin de la colonisation : les papas prenaient souvent la clé des champs après avoir semé où il convient quelques graines de leurs bourses, de leurs sacs de peau; ils ne récoltaient rien et s'en allaient vaillamment à la recherche d'une autre dame complaisante. Finalement des dames désargentées se trouvaient seules à la case à s'occuper d'une ribambelle d'enfants.
C'était le désarroi d'autant plus grand que les orphelinats manquaient à une époque où il fallait accorder la priorité aux établissements scolaires, aux centres de soin, aux routes, etc. A cette époque, tout était à faire ou à refaire. Pour parer au plus pressé, le nazillon Michel Debré envisage d'envoyer les orphelins en Creuse, chez des paysans, en exil. Il faut savoir qu'à cette époque, on plaçait volontiers les enfants abandonnés chez des paysans, et je crois savoir qu'on continue à le faire.
Un placement facile, rentable et pour l'hébergeur et pour les services de l'Etat : pas de fiches de paie à établir; les enfants ainsi placés devaient être traités comme les enfants naturels, être vêtus, nourris, soignés de la même façon. Les enfants exilés de La Creuse ont été éduqués comme les enfants abandonnés de l'hexagone. Pas mieux, pas moins !
Et Sudel Fuma nous a enfumés avec sa video ! Garder les vaches est, à ses yeux, un supplice, une exploitation de l'homme par l'homme ! Pas de rétribution pour services rendus, il est vrai ! Ma foi, comme mes camarades des prés voisins du mien, j'ai gardé les vaches avec plaisir et j'ai pu réviser le bac et la propédeutique; et je dois peut-être mon succès à mes braves vaches ! Pas de bruit dans le pré ! Toute mon attention était tournée à mes révisions ! Un plaisir ! Pas de souci pour la nourriture, les vêtements, etc. On veillait à tout pour moi. Et, bien entendu, aucune pièce de monnaie dans mes poches ! A quoi bon ! Avais-je besoin d'un peu d'eau dans mon pré ? Une gourde était à ma disposition; je n'ai jamais eu l'idée saugrenue d'aller boire ... à l'abreuvoir ! Bref ! j'étais aux anges comme l'a été Virgile, le chantre des Bucoliques !
Un autre détail a échappé à Sudel Fuma : la grange du paysan ! En général, la maison paysanne comportait une cuisine qui servait de salle à manger et une grande chambre où dormait toute la famille. Il y avait promiscuité, mais on s'en accommodait ! La grange a joué, à cette époque, un grand rôle pour l'accueil. Et c'est ainsi que la grange de mon père a accueilli des réfugiés du nord qui ont été victimes de l'occupation nazie ! Personne ne s'est plaint du mauvais accueil ! Et entre nous soit dit, ne le clamez pas sur tous les toits, le papa et la maman, la nuit, discrètement, à pas de velours, allaient s'égayer dans la grange ou tout simplement dans la nature si elle était clémente, car il faut savoir assurer convenablement la descendance !
Ah ! si la grange pouvait parler, elle qui a été si souvent l'alcôve des pauvres !
Gérard Jeanneau à Gières