L’affaire « Odette Adam » est un véritable sac de noeud tant la multitude de témoignages contradictoires s’est accumulée pendant cinq ans de procédure. Tout commence en 2007, lorsque Odette Adam, de Madagascar, veut faire ses papiers pour demander la nationalité française, qu’elle peut obtenir du côté de son père. Elle apprend alors qu’une autre Odette Adam existe à la Réunion, où elle habite depuis le début des années 2000, elle aussi originaire de Madagascar. Devant cette situation, la Odette Adam malgache ne peut pas demander de papier et décide de porter plainte auprès du consulat français de Madagascar pour « usurpation d’identité ». La plainte est transmise au procureur de la République de Saint-Denis et une procédure est ouverte. Dans un premier temps, la Odette Adam réunionnaise est renvoyée devant le tribunal correctionnel. Une expertise ADN est demandée par la justice qui révèle qu’elle est bien la fille du père français Adam. Elle se trouve donc être techniquement la demi-soeur de la Odette Adam malgache. En première instance, la Odette réunionnaise est relaxée mais la partie civile fait appel. Tout ce petit monde se retrouve devant la cour d’appel de Saint-Denis.
La cour d’appel a reconnu coupable la Odette réunionnaise et l’a condamné avec son mari pour déclaration mensongère à une administration publique en vue d’obtenir un avantage indu. Une condamnation à 18 mois de prison dont 12 avec sursis a été prononcée à leur encontre, ainsi que 10.000 euros d’amende.. « La pression a été énorme sur les prévenus en appel« , explique Me Satish Rambhoujun, avocat de Odette Adam et de son époux. « Ma cliente a de grosses difficultés à se souvenir des dates et événements, un point faible sur lequel le procureur a appuyé. Le procès a flanché à partir de là« , ajoute-t-il.
Pour deux enfants du couple condamné, la décision de la cour d’appel est incompréhensible. « On nous accuse d’avoir volé un certificat de naissance pour faire des papiers d’identité. En cour d’appel, le procureur a exploité l’illettrisme de ma mère. Je dois vous rappeler que chez les musulmans on ne fête pas les anniversaires ou Noël. On ne retient pas les dates d’anniversaire (…). Pour nous c’est un conflit familial qui est allé trop loin« , explique un des frères souhaitant rester anonyme pour le moment.
La Odette réunionnaise est apatride
Pourtant, l’expertise ADN a bien montré que la Odette réunionnaise était française de part son père. Alors pourquoi ne pas avoir ordonné un test ADN à la Odette malgache ? « Ce n’est pas à nous de demander cela. La partie civile peut refuser, mais le parquet aurait dû demander ce test« , explique Me Satish Rambhoujun.
« On vient de déposer un pourvoi en cassation pour casser et annuler le délibéré de la Cour d’appel. On espère un supplément d’information et notamment demander un test ADN pour la Odette de Madagascar. On a bon espoir car cela a eu lieu dans d’autres affaires (…). On souhaite que la vérité éclate et qu’elle prolonge le jugement du tribunal correctionnel« , ajoute-t-il.
En attendant, la Odette réunionnaise se retrouve privée de papiers d’identité. « Elle est apatride, elle ne peut pas avoir la nationalité française et ne peut pas prétendre à la nationalité malgache (ndlr: pays où elle est née et a vécu avant de venir à la Réunion), car il faut qu’un des parents soient malgache, ce qui n’est pas le cas« , souligne l’avocat.
« Mais les affaires de nationalités ont de graves répercussions sur une ou deux générations. Je suis toujours surpris de voir que la Cour d’appel est allée aussi loin dans son délibéré« , conclut-il.
La cour de cassation statut en moyenne deux ans après sa saisine par une des parties. En attendant, la Odette réunionnaise se retrouve sans papier et sans ressource…