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Nul n’est censé ignorer la loi ? Tu parles, Charles !

Le jeune accusé a 28 ans mais en paraît à peine 18. Employé en restauration, il est au chômage depuis beaucoup (trop) de temps. Quand il travaillait, à force d’économies et de privations, il a réussi à se payer l’objet de ses rêves, un drone. Si un rêve n’a pas de prix, le sien en […]

Ecrit par Jules Bénard – le mercredi 12 septembre 2018 à 11H38

Le jeune accusé a 28 ans mais en paraît à peine 18. Employé en restauration, il est au chômage depuis beaucoup (trop) de temps. Quand il travaillait, à force d’économies et de privations, il a réussi à se payer l’objet de ses rêves, un drone. Si un rêve n’a pas de prix, le sien en a un : 1.500 euros. Quand on aime, on ne compte pas. Ainsi donc, un matin de juillet 2017, il s’en alla le montrer à ses potes à Trou-d’Eau.

Ce faisant, il ne savait pas qu’il allait se mettre à dos un grossier personnage fort mal embouché ; et la réserve marine. Oui madame, oui monsieur, la sacro-sainte réserve marine, comprenne qui pourra !
 

Un noceur mal embouché
 

Sans penser à mal, il embraye l’engin volant sur lequel il a greffé un système vidéo, et l’OVPI (objet volant parfaitement identifié) s’élève gracieusement dans l’air chaud. Superbement maîtrisé par son pilote, le drone effectue quelques gracieusetés au-dessus du sable, tourne, virevolte, un petit looping ici, une ressource là, sous l’oeil admiratif des amateurs de plage.

Jusque là, tout baigne, c’est le cas de le dire. Puis, pour son malheur, l’aéronef survole un groupe faisant la fête, semble-t-il, les membres d’un club de location d’engins de plage, surfs, moreys, paddles, and so on.

L’un de ces noceurs se prend d’une rage folle contre l’indiscret (ils n’étaient pourtant pas à loilpé, comme dirait Béru). Apercevant le propriétaire du drone, il l’entreprend avec une rare grossièreté :

« Fous le camp de MA plage avec ton drone de merde ! » (sic !)

Et d’une, il n’a été écrit nulle part que la plage lui appartient. Et de deux, on ne savait pas que les drones transportaient des matières fécales.

Ensuite de quoi, bandé comme en 40, l’odieux mec excite ses deux chiens contre le jeune homme :

« Souk ! Souk ! »
 

Un acte d’accusation abscons 
 

Et, s’emparant d’une rame de paddle, il la lance contre Spoutnik-14 (ou 41, j’ai perdu le compte) mais le rate. Son propriétaire, lui, a juste eu le temps de saisir l’attaque du missile sur son écran vidéo et, aussi sec, fait prendre à son engin un peu d’air, histoire de le mettre à l’abri des humeurs intempestives de l’hurluberlu.

C’est là que ce jeune homme bien sous tous rapports va commettre une erreur, sa seule erreur mais qu’il admet volontiers à la barre. Enragé par l’attitude de l’autre ahuri, il va mettre sur Facebook la vidéo montrant le coup de rame, rame derrière laquelle on aperçoit vaguement quelques silhouettes.

Il n’en faut pas plus pour que le ronchon ne porte plainte sous prétexte qu’on reconnaît les visages de ses co-fêtards.  En jurant dur comme fer qu’il avait dit au pilote de ne pas publier ses films. Chose qu’il n’a jamais faite au demeurant mais il n’était même pas là à l’audience pour confirmer ses soi-disantes récriminations.

Les gendarmes confisquent le drone terroriste aussi sec et son propriétaire se retrouve, excusez du peu, accusé de conduite d’un aéronef non conforme aux conditions de sécurité ; mise en danger d’autrui (risque immédiat de mort ou d’infirmité) ; atteinte à l’intimité de la vie privée par enregistrement ou transmission de l’image d’une personne ; et clou du clou : survol interdit d’une réserve naturelle. 

Bigre de fichtre, de foutre, de diantre et palsambleu !
 

Le ridicule ne tue pas !
 

Parce qu’il a de quoi se demander si le monde n’est pas carrément dégrainé pou tou’d’bon, comme disait gramoune !

Car l’aéronef, acheté dans un magasin spécialisé, est parfaitement conforme, ala po in’. La « mise en danger de la vie d’autrui, le risque immédiat de mort ou d’infirmité », ainsi que le dit poétiquement l’ordonnance de renvoi, on les cherche encore : le drone ne s’est jamais approché de qui que ce fût ! L’atteinte à l’intimité ? Je vous paie un merle blanc su vous reconnaissez le visage de n’importe qui sur ce truc !

Mais l’amazing joke, c’est le « survol interdit d’une réserve naturelle ». La réserve marine.

Qu’on m’explique en quoi le passage d’un drone est dérangeant pour la fumeuse réserve ! À moins… à moins que cela ne trouble le sommeil des oursins, des zourites, des cordons-de-moresse, des crabes-la-taille, des crapauds-de-mer et autres bibites-kaf, bestioles d’une hypersensibilité au sommeil léger comme chacun sait… 

Le ridicule ne tuant pas, la procureur s’est lancé dans une oraison moralisatrice débutant par « Nul n’est censé ignorer la loi ! »

J’ai failli m’écrouler de rire. Comment peut-on encore balancer de telles navrances dans le pays le plus légiféré du monde, la patrie des droits de l’homme et des quelques milliers de textes de lois ? Même les plus pointus des juges avouent leur confusion ; alors, quel citoyen prétendu normal pourrait connaître ne serait-ce que le dixième de la moitié du quart du millième de ces textes ? Entre Code civil, Code pénal, Code de procédure pénale, Code du travail, Code de la nationalité, Code des impôts, Code de la santé, Code-cot-codak, une mère abeille n’y retrouverait pas ses soumacs !

Et de réclamer peines, amendes, confiscations et re-amendes contre le jeune homme qui se demandait s’il ne jouait pas par inadvertance dans une pièce de Jary.
 

« Un réquisitoire au-delà du raisonnable »
 

Le bâtonnier Payen eut du mal à camoufler sa jubilation d’avoir à démolir une telle muraille d’incongruités, « ce réquisitoire au-delà du raisonnable ».

Le défenseur de l’accusé a obtenu gain de cause en grande partie, l’accusé ayant été relaxé pour la mise en danger d’autrui. Pour le reste, il prend une amende de 1.000 euros avec sursis mais, hélas, n’échappe pas à la confiscation de son drone.

Quand on s’est saigné aux quatre veines, qu’on n’a qu’un RSA pour becter, c’est un peu cher payé pour les mauvaises humeurs des mal embouchés. Mais cela n’engage que moi.

 

 

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