Zinfos : À quel moment le service de médecine légale du CHU est-il sollicité ? Lorsque le médecin venu dresser le certificat de décès n’arrive pas lui-même à conclure à l’origine de la mort ?
Dr Jean Marie Berthezene : Exactement, nous intervenons après le médecin traitant ou le Smur. Ces derniers constatent le décès. Si les circonstances du décès leur paraissent suspectes ou inexpliquées, à ce moment-là ils ont la possibilité de cocher sur le certificat une case "obstacle médico-légal". Cela va générer une enquête policière ou de gendarmerie qui va, en quelques minutes, en rendre compte au parquet. Le magistrat de garde décide alors de l’intervention du médecin légiste.
Si vous voulez, les causes du décès ne sont pas forcément toujours recherchées. Il y a deux choses qu’il faut que les gens différencient.
Je vais prendre l’asphyxie comme exemple. L’asphyxie est une cause de décès. Ensuite on peut être asphyxié à cause de plusieurs choses. Une asphyxie mécanique c’est lorsqu’il y a un obstacle dans les voies aériennes. Cet obstacle il peut être accidentel. Ensuite il peut y avoir une asphyxie mécanique criminelle avec quelqu’un qui étrangle une autre personne. Enfin, il peut y avoir une asphyxie mécanique suicidaire, quelqu’un qui se pend. Si vous voulez, pour un même diagnostic de cause, il peut y avoir plusieurs situations différentes, c’est ce qui intéresse le magistrat. Donc on se rend sur place et on essaye d’élucider les circonstances du décès : donner une cause du décès et une circonstance du décès. Notre venue sur une découverte de cadavre, c’est pour identifier formellement la victime, essayer de donner une datation approximative du décès, de donner les causes du décès et les circonstances du décès. Ce sont les quatre questions auxquelles on doit répondre lorsque l’on est interpellé par la justice.
Si vous voulez, les causes du décès ne sont pas forcément toujours recherchées. Il y a deux choses qu’il faut que les gens différencient.
Je vais prendre l’asphyxie comme exemple. L’asphyxie est une cause de décès. Ensuite on peut être asphyxié à cause de plusieurs choses. Une asphyxie mécanique c’est lorsqu’il y a un obstacle dans les voies aériennes. Cet obstacle il peut être accidentel. Ensuite il peut y avoir une asphyxie mécanique criminelle avec quelqu’un qui étrangle une autre personne. Enfin, il peut y avoir une asphyxie mécanique suicidaire, quelqu’un qui se pend. Si vous voulez, pour un même diagnostic de cause, il peut y avoir plusieurs situations différentes, c’est ce qui intéresse le magistrat. Donc on se rend sur place et on essaye d’élucider les circonstances du décès : donner une cause du décès et une circonstance du décès. Notre venue sur une découverte de cadavre, c’est pour identifier formellement la victime, essayer de donner une datation approximative du décès, de donner les causes du décès et les circonstances du décès. Ce sont les quatre questions auxquelles on doit répondre lorsque l’on est interpellé par la justice.
Comment s’est déroulée votre activité ces deux derniers mois ?
Eh bien à La Réunion, il n’y a pas eu plus d’activité qu’en temps normal. Nous sommes appelés dans les mêmes circonstances de découverte d’un cadavre pour une mort suspecte ou dont les causes ne sont pas forcément claires. Au début de l’épidémie de Covid-19, on a contacté le conseil de l’ordre des médecins et le Samu pour leur dire que nous pouvions intervenir dans ce cadre-là. C’est-à-dire lorsque les circonstances paraissent douteuses. Parce que nous sommes contraints, de par notre statut, de n’intervenir que dans un cadre médico-légal. On ne se substitue pas aux enquêteurs de l’ARS qui sont là au service de la santé publique. Il y a deux rôles complètement distincts : le médecin légiste est là au service de la justice.
Concernant le Covid, lorsque la mort semblait en rapport avec une détresse respiratoire, on avait décidé, en accord avec l’ARS, le conseil de l’ordre des médecins et le Samu, de déclencher un protocole de prélèvement post-mortem sur le défunt. Çà nous est arrivé 4 fois et à chaque fois le test s’est révélé négatif. Mais voilà, on n’a jamais été confronté à plus de décès de circonstances naturelles avec des causes liées à une détresse respiratoire sur ces deux mois de confinement. De mémoire, j’en ai fait un et mes collègues en ont fait trois. J’avoue que les autres décès auxquels on a été confrontés, il n’y a eu aucun élément qui permettait d’évoquer un syndrome de détresse respiratoire aigüe.
Voilà, on a apporté notre concours à l’ARS car ça nous paraissait tout à fait normal qu’on sorte de notre cercle purement médico-légal pour aider la santé publique. Chaque fois que ç’a été utile, on a déclenché un prélèvement mais comme je vous le dis, il y en a eu quatre tout au plus sur cette période.
Il a évidemment été beaucoup question ces dernières semaines de mise en doute de la parole publique sur l’éventualité de décès dus au Coronavirus…
Je comprends que les gens se posent beaucoup de questions, c’est légitime. Après je ne peux répondre qu’aux cas auxquels j’ai été confronté. Je ne sais pas du tout si les médecins généralistes ont été confrontés à des situations particulières. J’ai été en contact avec plusieurs médecins généralistes et à leurs représentants et je leur ai dit : si jamais vous avez un doute, vous appelez le Samu et Il y avait une équipe qui était positionnée au Samu pour aller prélever les défunts. Donc tout cela était organisé par le Samu en accord avec l’ARS.
Concernant le Covid, lorsque la mort semblait en rapport avec une détresse respiratoire, on avait décidé, en accord avec l’ARS, le conseil de l’ordre des médecins et le Samu, de déclencher un protocole de prélèvement post-mortem sur le défunt. Çà nous est arrivé 4 fois et à chaque fois le test s’est révélé négatif. Mais voilà, on n’a jamais été confronté à plus de décès de circonstances naturelles avec des causes liées à une détresse respiratoire sur ces deux mois de confinement. De mémoire, j’en ai fait un et mes collègues en ont fait trois. J’avoue que les autres décès auxquels on a été confrontés, il n’y a eu aucun élément qui permettait d’évoquer un syndrome de détresse respiratoire aigüe.
Voilà, on a apporté notre concours à l’ARS car ça nous paraissait tout à fait normal qu’on sorte de notre cercle purement médico-légal pour aider la santé publique. Chaque fois que ç’a été utile, on a déclenché un prélèvement mais comme je vous le dis, il y en a eu quatre tout au plus sur cette période.
Il a évidemment été beaucoup question ces dernières semaines de mise en doute de la parole publique sur l’éventualité de décès dus au Coronavirus…
Je comprends que les gens se posent beaucoup de questions, c’est légitime. Après je ne peux répondre qu’aux cas auxquels j’ai été confronté. Je ne sais pas du tout si les médecins généralistes ont été confrontés à des situations particulières. J’ai été en contact avec plusieurs médecins généralistes et à leurs représentants et je leur ai dit : si jamais vous avez un doute, vous appelez le Samu et Il y avait une équipe qui était positionnée au Samu pour aller prélever les défunts. Donc tout cela était organisé par le Samu en accord avec l’ARS.
Prenons un exemple quelconque : peut-on dire qu’on ne saura jamais si le décès est dû au Covid si, dans le cas d’un monsieur de 80 ans qui meurt seul chez lui, le médecin généraliste considère que c’est d’abord la vieillesse qui l’a emporté ?
C’est difficile s’il n’y a eu aucun témoin pour dire que cette personne avait été en détresse respiratoire ou pas. Et puis la détresse respiratoire aujourd’hui on pourrait peut-être l’attribuer au Covid mais on pourrait aussi l’attribuer à une insuffisance cardiaque, un infarctus, un oedème aigu du poumon, à plein de choses, c’est très difficile. Il n’y a que le test qui pourrait valider le fait. Et encore, vous pouvez avoir une personne Covid+ et qui est décédée d’un infarctus du myocarde, avec la symptomatologie de détresse respiratoire sans que cette détresse respiratoire soit réellement liée au Covid. C’est très complexe, très difficile. Je pense que ce qu’il faudra attendre, pour La Réunion, c’est de pouvoir comparer la mortalité des trois années précédentes aux mois de mars-avril 2020. S’il y a eu une augmentation de la mortalité, c’est que ça pourrait être attribué au Covid ou, attention,…à la dengue aussi qui nous préoccupe plus ici à La Réunion.
Pour compléter votre question, il nous est arrivé de faire des autopsies scientifiques bien sûr, à la demande souvent des services pédiatriques ou des médecins, dès lors qu’ils ne savent pas, et que la question se pose réellement pour tous les adultes jeunes ou les enfants qui décèdent dans des conditions inexpliquées. Si les circonstances ne sont pas en faveur d’une action criminelle, nous on peut prendre le relais en réalisant une autopsie scientifique. Il faut que ça soit demandé par deux médecins, généralement lorsque le décès a lieu en hôpital, et en accord avec la famille. À ce moment-là on pratique une autopsie dite "scientifique", c’est-à-dire que l’on fait des prélèvements qui sont étudiés en anatomopathologie, en microbiologie, etc… c’est comme cela qu’on a pu avoir des cas de décès dus à la dengue. On a diagnostiqué des dengue grâce à des prélèvements myocardiques qui nous ont confirmé qu’il s’agissait bien de la dengue.
Pour compléter votre question, il nous est arrivé de faire des autopsies scientifiques bien sûr, à la demande souvent des services pédiatriques ou des médecins, dès lors qu’ils ne savent pas, et que la question se pose réellement pour tous les adultes jeunes ou les enfants qui décèdent dans des conditions inexpliquées. Si les circonstances ne sont pas en faveur d’une action criminelle, nous on peut prendre le relais en réalisant une autopsie scientifique. Il faut que ça soit demandé par deux médecins, généralement lorsque le décès a lieu en hôpital, et en accord avec la famille. À ce moment-là on pratique une autopsie dite "scientifique", c’est-à-dire que l’on fait des prélèvements qui sont étudiés en anatomopathologie, en microbiologie, etc… c’est comme cela qu’on a pu avoir des cas de décès dus à la dengue. On a diagnostiqué des dengue grâce à des prélèvements myocardiques qui nous ont confirmé qu’il s’agissait bien de la dengue.
Au final, une personne peut-elle être inhumée sans que la cause de son décès ne soit clairement établie ?
Sur les circonstances, il faut que soit éliminée toute suspicion criminelle pour qu’il y ait inhumation. Ça c’est le versant médico-légal. Après, sur le versant purement médical, la cause précise on ne l’a pas toujours. Mais ça c’est tout le temps ! Actuellement, franchement je crois que les gens doivent être convaincus que les médecins généralistes sont très au fait que pour toute personne présentant une détresse respiratoire survenant aujourd’hui et qui décède, il y aura un appel au Samu qui interviendra pour un prélèvement. Comme je vous l’ai dit, nous on a déclenché le prélèvement Samu trois fois, plus une fois en salle d’autopsie (sur la période de confinement, ndlr), parce qu’on avait cette notion.
Après, il y a eu des médecins généralistes qui ont peut-être fait appel au Samu pour un prélèvement sur les défunts parce que les circonstances étaient particulières. Mais oui, aujourd’hui il y a des gens qui sont enterrés sans que l’on connaisse de façon très exacte la cause. Mais je crois qu’aujourd’hui si un médecin a un décès et qu’on lui décrit un patient avec détresse respiratoire, de la fièvre et qui vomit depuis 48h, il va déclencher le prélèvement et c’est normal car nous avons tous le souci de savoir s’il n’y a pas des morts Covid-19 dissimulés parmi nos défunts. Pour l’instant, on ne comptabilise aucun décès à La Réunion.
Après, il y a eu des médecins généralistes qui ont peut-être fait appel au Samu pour un prélèvement sur les défunts parce que les circonstances étaient particulières. Mais oui, aujourd’hui il y a des gens qui sont enterrés sans que l’on connaisse de façon très exacte la cause. Mais je crois qu’aujourd’hui si un médecin a un décès et qu’on lui décrit un patient avec détresse respiratoire, de la fièvre et qui vomit depuis 48h, il va déclencher le prélèvement et c’est normal car nous avons tous le souci de savoir s’il n’y a pas des morts Covid-19 dissimulés parmi nos défunts. Pour l’instant, on ne comptabilise aucun décès à La Réunion.