On aura du mal, avec le temps, à trier ce que l’on retiendra de lui. Son talent de guitariste ? Sa gentillesse ? Sa créativité ? Son désir de transmettre ?… Un peu de tout cela certainement.
Quand s’éclipse un ami, il me revient en tête l’hommage de Bécaud à son ami disparu : « Au revoir… », que j’écoute en boucle à cet instant précis.
Au revoir donc, Eric. Tu fais partie de ces gens sans lesquels l’univers souffrirait d’un manque terrible, qui conjugue amitié et tendresse, talent fou et modestie, renommée et affabilité native.
Que peut-on te reprocher ? Certainement de nous avoir laissés si vite orphelins de la chaleur de ta tendresse. Cette même tendresse que tu avais au creux de la main tendue à l’ami ; et que tu savais mieux que personne restituer dans la subtilité du jeu de ta six-cordes.
Comme tous les grands virtuoses, tu étais si fort que tu n’éprouvais pas le besoin de le montrer. Tu étais, dans un style différent, comme Hank Marvin, ou le grand Paco qui t’a précédé de quelques jours dans le paradis des musiciens : si pleinement maître de ton art que tu en tirais « la substantifique moelle », comme dit le poète ; en remisant soigneusement figures de style et appogiatures superflues.
S’il fallait citer un de tes titres de gloire, un seul, je dirais « Séga 2000 », qui fut un des temps forts de notre musique réunionnaise. Une opération lourde mais que tu as menée à bien, jusqu’à mettre sur scène un orchestre symphonique au grand complet. Quel régal ce fut !
Mais te résumer à « Séga 2000 » serait injuste… et faux. Car si le spectacle est partie intégrante de l’univers musical, l’apprentissage va plus loin, qui transmet une richesse, un patrimoine, un savoir-faire ancestral. Tes élèves du Conservatoire le diront mieux que moi, je le sais.
Tes plus proches savaient que la faucheuse cognait à ta porte. Tu as traîné, durant des années, sans gémir, comme le grand homme que tu étais, ce terrible fléau qui a eu raison de toi.
De ton corps il a eu raison, oui… Mais je le mets au défi d’avoir raison de ton âme et de ton héritage, l’ami ! Un toucher de cordes inimitable (que perpétue si bien ton frère de Célimène), ce sourire amène qui te caractérisait, cette science innée de la pédagogie. Ca, Eric, ça ne peut mourir.
Dis-moi, l’ami, vous devez faire un sacré bœuf, là-haut ! Loulou, Luc, Jules (Joron et Arlanda), Maxime, Madoré, Gobetti, avec Vinh San père au violon, Renaud à la trompette, Benoîte po mette l’ambiance… Ah ! ça doit y aller, l’ami.
Que la vieille Euterpe et ses copines continuent de border ton chemin d’arpèges, de roses et d’asphodèles. Et assèchent les pleurs de ta famille et de tes très nombreux amis.
Tes frangins Harry Pitou, Dédé Maurice, Christian Baptisto, Jean-Pierre Santot, Jean-Pierre Boyer et bien d’autres me tiennent la main pour écrire ces quelques mots ; parce je rate (« nous ratons ») des touches : malgré le grand soleil, il pleut sur nos prunelles, mec !
Nos pensées les plus chaleureuses vont aux tiens, à la douce Marie, au talentueux Patrick, et à toute ta famille, à laquelle nous présentons notre sympathie la plus sincère.
« Adieu l’ami ! » Ou bien : à in d’ces quat’ ?