A-DO-RÉ, j’ai adoré ce roman très enlevé, vif, martial, joyeux, paillard ; dans lequel est rendu l’hommage qu’il mérite au plus discret et oublié des initiateurs du peuplement définitif de l’île Bourbon, Louis Payen.
On sait très peu de choses à son propos. Il est né dans les parages de Vitry-le-François, s’est retrouvé à Fort-Dauphin et c’est à lui qu’a été confiée la mission de conduire ici les colons qui, définitivement, créeront une descendance à Bourbon en 1663. Deux ans plus tard, il a quitté l’île par le même navire ayant conduit ici Etienne Regnault, premier gouverneur officiel de l’île, a été capturé par l’Anglais, a goûté des geôles de Sa très gracieuse Majesté très britannique et, un an plus tard, s’en est retourné chez lui, à Vitry-le-François, où il a fini sa vie en ermite.
Ceci posé, et malgré le peu que l’on sait de lui, le roman d’Yvan Lacanal n’est pas une simple oeuvre de pure fiction. Il s’agit d’un roman historique avec toutes les difficultés et les pièges du genre. Dans le roman historique, les règles sont simples mais combien difficiles et tortueuses, j’en sais quelque chose. L’authenticité historique ne doit jamais être distordue (laissons ça aux dialecticiens débiles) ; l’auteur enroule les faits nés de son imagination autour de l’Histoire réelle et le lecteur ne doit jamais confondre les deux. Victor Hugo n’a rien fait d’autre dans les « Misérables », dans « Notre-Dame-de-Paris » ou encore dans « Quatre-vingt-treize ». Dumas a écrit ainsi toute la saga des « Mousquetaires ». Vax n’a pas agi autrement dans « Les mutins de la liberté » ou « Grand-Port ».
Je ne vais pas vous raconter la trame de ce roman, ce serait vous jouer un mauvais tour. Je dirai juste que M. Lacanal maîtrise parfaitement les lois du genre. Le tout dans un style enjoué, propre à la fois au roman de cape et d’épée et aux aventures sur fond de marine à voile.
Utilisant souvent, pour notre plus grand plaisir, des mots trop oubliés, Yvan Lacanal a la courtoisie de nous en donner la signification. De même, quand il fait parler ses guerriers en malgache, il nous en donne aussi la traduction sans jamais alourdir son style.
On est surpris par l’abondance des références : je suppose qu’il a passé plus de temps à se documenter qu’à écrire ? Le résultat est là. Impressionnant et toujours léger, presque primesautier, le ton évite toute lourdeur, ce qui fait de cette oeuvre un vrai plaisir esthétique.
Une certaine paillardise, telle qu’on la retrouve dans les romans de spadassins du XVIIIè siècle, vient joyeusement nous dérider : « parce que le cul des chèvres, parfois, ça ne suffit plus ! » dit Thaureau « Marovoule » qui a existé.
Tous les faits historiques abordés ont réellement eu lieu, tout comme la plupart des personnages côtoyant Payen et ayant véritablement animé notre histoire commune. Il y en a juste un dont l’identité prête à controverse : le copain blanc de Payet était-il Causan ou Billard ? Si les historiens ratiocinent depuis 300 ans à ce propos, rien n’interdit alors de penser que Yvan Lacanal a raison.
Pour le reste, je ne peux que vous souhaiter joyeuse lecture en (re)découvrant notre Histoire bourbonnaise qui se lit d’une traite avec un plaisir sans mélange.
Savanna, ou Les aventures de Louis Payen
Par Yvan Lacanal
Editions Orphie, 15 euros
En librairie