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Notes de lecture – Passionnant, marrant, très-très dérangeant: « Un monstre est là, derrière la porte »

Paru dans la série « Continents noirs » chez Gallimard, ce roman aux apparences d’autobiographie, mais très romancée, est de la variété enviable des inclassables. Je dis enviable parce que je n’aime guère les classements chers aux élitistes critiques parisiens. L’auteur narre par le menu la prime enfance, l’adolescence et enfin le jeune âge mûr […]

Ecrit par zinfos974 – le samedi 13 novembre 2021 à 08H49

Paru dans la série « Continents noirs » chez Gallimard, ce roman aux apparences d’autobiographie, mais très romancée, est de la variété enviable des inclassables. Je dis enviable parce que je n’aime guère les classements chers aux élitistes critiques parisiens.

L’auteur narre par le menu la prime enfance, l’adolescence et enfin le jeune âge mûr d’une gamine qui a eu pour seul malheur de naître dans une famille de sacrés connards et je pèse mes mots. Les « monstres » du titre, ce sont ses géniteurs contre lesquels elle déploiera mille ruses de survie dont seul un enfant a la science.

On est parfois tenté d’effectuer un rapprochement avec la Vipère de Bazin mais non, décidément, l’univers de Bélem est très éloigné de celui de Folcoche.

Le seul point commun serait ce plaidoyer vibrant, farouche, féroce, impitoyable, contre la famille écrasante, castratrice, au sein de laquelle aucun épanouissement personnel n’est possible ; sauf à se rebeller totalement. Ce que va faire notre héroïne.

Les cris, engueulades, remarques humiliantes, totochements et autres passages à tabac familiaux n’empêchent jamais la gamine de se frayer un chemin bien à elle dans ce labyrinthe de non-amour et de franche détestation.
Ce roman est donc désespérant, au premier abord. Mais au premier seulement ; car la narratrice tempère la dureté des scènes par un humour décapant, jouissif, efficace à cent pour cent, aussi féroce que ses constatations désabusées. Et aussi par des comparaisons audacieuses ; je vous laisse le plaisir de les découvrir, il y en a à chaque page.

Il va de soi que cet ouvrage de haute volée n’a rien de commun avec un prospectus dithyrambique de l’IRT, même si j’approuve les combats de l’IRT. C’est La Réunion sous tous ses plus mauvais jours, y compris lorsque madame Bélem évoque notre histoire, l’esclavage, le racisme ; lequel racisme, elle le dit clairement, n’a pas disparu aujourd’hui.

Enfants non-désirés, arrivés là parce que le Planning familial n’existait pas, enfants non-aimés, juste bons à balayer la case et nettoyer la cour avant d’aller à l’école s’il reste encore assez de temps pour apprendre… et faire des mômes etc. Un rocher de Sysiphe façon Tropique du Capricorne. 

On finit par se demander si cette cascade de catastrophes juvéniles s’arrêtera un jour et on désespère ; mais chaque paragraphe est là pour apporter un intérêt supplémentaire, comme dans une bonne pièce policière, ce qui fait qu’on ne peut arrêter sa lecture. Perso, j’ai englouti ce livre en une journée. Boulimique un jour, goinfre toujours.

Ce roman dense, touffu, bourré de naufrages infantiles et parentaux, et de cocasseries, plein d’humour mais aussi de provocations (on aime), de moucatages (on kiffe aussi), dénote une très fine connaissance de l’âme et de l’histoire créoles, comme de nos us et coutumes les moins enviables.

On sent qu’il y a eu une documentation hors du commun chez cette romancière à la culture enviable.

La hantise de la solitude et celle de n’intéresser personne, cause des pires errances, sont là aussi. Mais le talent de madame Bélem est de ne nous laisser jamais aller au pessimisme outrancier et destructeur.

A lire en toute urgence pour balayer les idées toutes faites sur une quelconque douceur au pays imaginaire d’un « vivre ensemble » aussi caricatural que non-paradisiaque.

« Un monstre est là, derrière la porte »
De Gaëlle Bélem
Océan noirs chez Gallimard
En librairie

 

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