On ne pourra pas reprocher à notre littérature réunionnaise de donner dans le monotone. Livres d’histoire, de géographie, de tourisme, de recettes de cuisine (plus ou moins authentiques parfois) ; poésie, roman, théâtre, biographies, essais, politique, sociologie, on trouve de tout et, bien souvent, nos auteurs font preuve d’un indéniable talent.
Christophe Chabirand, lui, a choisi le polar et force est de reconnaître qu’il est bon, le bougre. Au jeu « du chat et de la souris », il est sur le pied de guerre dès potron-minet (si j’ose dire !) pour nous mitonner de ces petites intrigues « que l’on suit comme son ombre », dirait Talon.
Bonhomme sait ménager ses effets, sans jamais nous entraîner dans d’impossibles dédales comme c’est trop souvent le cas chez d’autres auteurs. Ses histoires sont solides, bien ficelées et l’on attend les toutes dernières pages pour avoir la clé de l’énigme avant de s’écrier « bonsanmécébiensur » et c’est ça que l’on aime.
Cet auteur sait aussi nous faire partager ses passions au fil des chapitres, et d’abord La Réunion où il a posé ses valises voici quelques décennies. Chabirand aime manifestement l’île et sait nous en faire partager les beautés et les mystères. Lorsqu’il décrit un recoin paumé, vous pouvez aller vérifier, c’est du cent pour cent authentique.
Deuxième passion, la musique. Il y a dans chaque chapitre quelque chose qui s’y rapporte. La seconde nouvelle de cet ouvrage tourne même entièrement autour d’un groupe de musicos pour le moins bizarroïdes dont deux des membres périssent dans un accident qui ressemble trait pour trait à un crime longuement prémédité.
Troisième passion, la moto. L’inspecteur Cazambo ne se déplace qu’en deux-roues, notamment une Guzzi datant de Mathusalem mais soignée aux petits oignons. Ce qui m’a personnellement touché, ayant moi-même été propriétaire d’une Guzzi V7 750 cc, un monstre de puissance, une bébête, une merveille. Avec laquelle on pouvait rouler en 4è à 40 km/h et, sans prévenir, poignée dans l’coin, filer à 160 sans à-coups… quand y’avait pas de cognes en embuscade.
Ce livre n’est pas un roman : il y a là deux nouvelles et c’est à saluer, la nouvelle étant un genre difficile à maîtriser, l’auteur se trouvant dans l’obligation de dire en quelques dizaines de pages ce qu’un roman dirait en deux cents pages. La performance n’est pas mince et Chabirand y excelle.
Petite notation : l’ami Christophe, qui maîtrise le bon français, devrait se rappeler qu’il existe des correcteurs. Pour la ponctuation, notamment. Pour le reste, sa pratique de la phrase est sans défaut et son habileté criminelle sans détours.
A lire quand on aime le polar. Moi j’ai aimé.
J.B.
Le chat et la souris, de Christophe Chabirand
Editions Orphie.
En librairie, 11 euros