La suite est un gâchis historique de plus.
Boris Eltsine est à créditer d’une action d’éclat en empêchant le coup d’État fomenté par les nostalgiques de l’URSS. Pour le reste, il a été en-dessous de tout, trop occupé à se péter la gueule pour s’intéresser à sa Fédération. Il a notamment laissé les mafias ouzbèques, ossètes, azerbaïdjanaises, tchétchènes et consorts faire main basse sur tous les quartiers des grandes villes en rançonnant les industries et sociétés de service ; et en pratiquant le commerce de toutes les fournitures illégales possibles.
Les guerres de clans se sont multipliées au point de pousser les services de lutte contre le crime organisé à inciter les principaux clans mafieux à s’entretuer : ça fait moins de boulot.
Mais ça ne va pas loin, non plus.
Au milieu de cette guerre fratricide, deux jeunes s’aiment, deux tourtereaux pas trop purs, je vous rassure, qui appartiennent à deux familles mafieuses opposées à mort. La ressemblance avec Shakespeare s’arrête là.
Chez le grand dramaturge anglais, les sentiments sont sans tâche. Ici, ils s’aiment, se détestent, se re-aiment, s’injurient et vont ensemble au bout de leur destin.
Après la disparition d’Eltsine (qui a choisi le sinistre successeur qu’on lui connaît), les mafias se sont emparées des sociétés et industries qu’elles étaient censées protéger ; ça rapporte plus et ça faisait les affaires de Poutine : « Je vous laisse mafioser sans problème mais vous crachez au bassinet ! »
D’où l’immense fortune de Vladimir 1er et sa main-mise totale sur un pays qui plonge dans un nouveau brouillard après avoir subi 75 ans de dictature bolchevique. On comprend mieux alors comment on en est arrivé là car ce roman-polar plus noir qu’un goulag est terriblement bien documenté, merci à son auteur.
On comprend aussi, en sous-main, que les fléaux ayant détruit l’Humanité jusqu’ici sont les religions, le communisme, les appétits gargantuesques, le racisme (il en est question dans ce roman), l’ultra-libéralisme qui est aussi là, en missouk.
Ce roman se lit d’une traite tant il est prenant, passionnant de bout en bout. A recommander chaudement. Mais que les âmes trop sensibles s’abstiennent car c’est de l’horrible de très haut niveau.
La peste sur vos deux familles (Robert Littell)
Flammarion éditeur
En librairie, 24 euros.