Le genre dit historique, qu’il soit policier ou autre, répond à des règles très précises qui ne peuvent être outrepassées : aucune erreur d’authenticité et pas de confusion possible entre l’Histoire et l’intrigue.
« La muse rouge » se situe juste après la Première guerre mondiale, dans un Paris miteux, minable, graveleux, apparemment pourri jusqu’à la moelle. Entre bordels de luxe, maisons « d’abattage » crasseuses jusqu’à la nausée, banlieues où vit (mal) et meurt (vite) un petit peuple sujet aux épidémies, à la recherche d’un crouton quotidien, on voit apparaître la grande faune des riches, plus préoccupée d’enrichissement que de social. Les nombreux personnages « historiques » décrits ici sont dans les dictionnaires, vous pouvez vérifier. Entre bagnes pour enfants (pauvres !) et Colonies sujettes à tous les appétits, un flic intègre et ses collègues tentent de savoir pourquoi un haut diplomate de la Chine nationaliste a été si atrocement lardé de coups de surin alors qu’il rendait à Eros un hommage vibrant, dans un bordel plus huppé que le Georges V.
Aussi bien en ce qui concerne les personnages que les endroits où ils évoluent, on est saisi par le sens aigu du détail : à chaque page, chaque scène, on « est » sur place avec les différents protagonistes. Dès les premières lignes, la romancière nous met sous une tension quasi-insoutenable. Avec des personnages très bien campés (même les intervenants quasi-anecdotiques ne sont pas négligés), des rebondissements calés dans le feu d’une actualité souvent dans nos livres d’Histoire, l’intérêt ne retombe pas une seule fois.
On est ravi, au fil des chapitres, que l’oeuvre soit si épaisse (plus de 200 pages !)
Mme de Haas a potassé son dictionnaire d’argot à fond la caisse et a l’élégance de nous expliquer cet « argot d’époque » dont presque tous les termes sont oubliés depuis longtemps. Mais ce langage, souvent tordant, colle parfaitement à son époque lui aussi.
Au travers d’une description sociale sans concession, nos enquêteurs vont de surprise en déconvenue, pour notre plus grand ravissement. L’auteur suscite en nous une foule de sentiments, surtout de l’indignation : comment, c’était ÇA, les années folles ?
Si certaines scènes sont proprement insoutenables, cela participe de l’intrigue si savamment nouée, avec des rebondissements en cascade(s). Jusqu’au fin mot de l’histoire qui ne peut que nous laisser pantois. On se fait son opinion au fil des chapitres, on en change à chaque instant parce que n’était pas du tout ce qu’on croyait ; et la clé de l’énigme nous prend encore à revers. Car à moins d’être Miss Marple, Poirot ou Sherlock, on ne peut vraiment pas deviner ce qui nous attend.
P.S. : le prix du Quai des Orfèvres est accordé, sur manuscrits anonymes, par un jury de professionnels de la police.
« La muse rouge »
Par Véronique de Haas
Editions Fayard
« La muse rouge » se situe juste après la Première guerre mondiale, dans un Paris miteux, minable, graveleux, apparemment pourri jusqu’à la moelle. Entre bordels de luxe, maisons « d’abattage » crasseuses jusqu’à la nausée, banlieues où vit (mal) et meurt (vite) un petit peuple sujet aux épidémies, à la recherche d’un crouton quotidien, on voit apparaître la grande faune des riches, plus préoccupée d’enrichissement que de social. Les nombreux personnages « historiques » décrits ici sont dans les dictionnaires, vous pouvez vérifier. Entre bagnes pour enfants (pauvres !) et Colonies sujettes à tous les appétits, un flic intègre et ses collègues tentent de savoir pourquoi un haut diplomate de la Chine nationaliste a été si atrocement lardé de coups de surin alors qu’il rendait à Eros un hommage vibrant, dans un bordel plus huppé que le Georges V.
Aussi bien en ce qui concerne les personnages que les endroits où ils évoluent, on est saisi par le sens aigu du détail : à chaque page, chaque scène, on « est » sur place avec les différents protagonistes. Dès les premières lignes, la romancière nous met sous une tension quasi-insoutenable. Avec des personnages très bien campés (même les intervenants quasi-anecdotiques ne sont pas négligés), des rebondissements calés dans le feu d’une actualité souvent dans nos livres d’Histoire, l’intérêt ne retombe pas une seule fois.
On est ravi, au fil des chapitres, que l’oeuvre soit si épaisse (plus de 200 pages !)
Mme de Haas a potassé son dictionnaire d’argot à fond la caisse et a l’élégance de nous expliquer cet « argot d’époque » dont presque tous les termes sont oubliés depuis longtemps. Mais ce langage, souvent tordant, colle parfaitement à son époque lui aussi.
Au travers d’une description sociale sans concession, nos enquêteurs vont de surprise en déconvenue, pour notre plus grand ravissement. L’auteur suscite en nous une foule de sentiments, surtout de l’indignation : comment, c’était ÇA, les années folles ?
Si certaines scènes sont proprement insoutenables, cela participe de l’intrigue si savamment nouée, avec des rebondissements en cascade(s). Jusqu’au fin mot de l’histoire qui ne peut que nous laisser pantois. On se fait son opinion au fil des chapitres, on en change à chaque instant parce que n’était pas du tout ce qu’on croyait ; et la clé de l’énigme nous prend encore à revers. Car à moins d’être Miss Marple, Poirot ou Sherlock, on ne peut vraiment pas deviner ce qui nous attend.
P.S. : le prix du Quai des Orfèvres est accordé, sur manuscrits anonymes, par un jury de professionnels de la police.
« La muse rouge »
Par Véronique de Haas
Editions Fayard