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Non au mondial au Brésil ! Dans les sous-sols des stades: Le cri de douleur des Brésiliens

Le 3 juin 2014.   Bienvenue dans l’absurdité de notre monde: d’un côté les puissants, qui profitent de l’hyper popularité du football et font tout pour que ce sport reste un hyper-business, et de l’autre le peuple Brésilien qui souffre, mis sur le banc de touche, et crie son désespoir loin, très loin dans les […]

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 05 juin 2014 à 14H55
Le 3 juin 2014.
 
Bienvenue dans l’absurdité de notre monde: d’un côté les puissants, qui profitent de l’hyper popularité du football et font tout pour que ce sport reste un hyper-business, et de l’autre le peuple Brésilien qui souffre, mis sur le banc de touche, et crie son désespoir loin, très loin dans les sous-sols des stades flambants neufs parce que le show must go on… 
 
La Coupe de l’Humain Dehors ! 
 
A quelques jours et heures du coup d’envoi du match inaugural Brésil-Croatie, le pays est tout sauf calme. Depuis 7 ans, des millions de pauvres Brésiliens voient affluer des valises pleines de billets pour construire des stades démesurés, qui ne resserviront sans doute plus, sans qu’aucun ne puisse en profiter pour améliorer son quotidien ! Pourtant, les inégalités sociales et la pauvreté atteignent des sommets jamais atteints.
Pour construire 12 stades, les autorités ont dû exproprier des centaines de milliers de personnes en niant la législation et les droits de l’Homme. « Le juge ne m’a envoyé aucun papier ici pour me dire qu’il allait déloger toute ma famille, j’ai 4 enfants en bas âge, maintenant il faut qu’on trouve un abri dans une maison de famille sinon ils nous jetterons dans un squat » raconte avec émotion et tristesse Seu Mauricio, habitant dans la zone portuaire de Rio. Ce cas n’est malheureusement pas isolé, et selon Amnesty International, plusieurs des 12 villes hôtes du Mondial ont été le théâtre de délogements manu militari sans sommation. La loi brésilienne était pourtant claire sur les règles d’expropriation. Outre la remise d’un préavis raisonnable et le droit à un logement convenable de remplacement, la loi obligeait le nouveau bailleur à reloger les personnes expropriées à moins de 7 km de leur ancienne maison. Pour Sandra Maria da Silva, ex-habitante d’une des nombreuses favelas que compte Rio, le couperet est tombé un matin de juillet 2010. Les fonctionnaires de la ville lui ont donné une journée pour choisir entre être relogée à 65 kilomètres de son travail ou dans un abri temporaire des services sociaux. Face au chantage des puissants, ce sont des quartiers entiers qui ont été rayés de la carte sans concertation avec les habitants. Au total, certaines ONG estiment à 250 000 le nombre d’expropriation. Aujourd’hui, Sandra Maria da Silva se dit qu’elle aurait dû refuser de déménager si loin. Les deux heures de transport pour se rendre à la résidence de sa patronne ont eu récemment raison de son emploi. 
 
Le bilan humain pour accueillir les amoureux du ballon rond est donc déjà très lourd et n’épargne pas les enfants. Par exemple, à Fortaleza, plus de 8000 enfants vivent dans la rue. Jugés indésirables, ils sont les premières victimes du nettoyage social de la ville. Pour les éloigner du centre-ville, les violences policières se multiplient, et cela dans la plus totale indifférence. 
 
Cette Coupe accéléra donc la fracture territoriale brésilienne en abandonnant les plus pauvres très loin des centres économiques et culturels de la ville. A terme, ce seront aussi des millions de Brésiliens qui seront chassés de leur maison, non plus à cause des expropriations, mais à l’inéluctable montée du prix des loyers. Cette gentrification est déjà en marche à proximité des stades et oblige déjà de nombreux Brésiliens à partir comme dans le quartier modeste d’Itaquerão dans la banlieue de São Paulo où le prix des appartements a parfois triplé. Quel paradoxe pour un sport populaire, né dans les milieux modestes de l’Angleterre au milieu du 19e siècle, et pour lequel des milliards d’humains vibrent quand ils jouent ensemble !
 
Une Coupe de la répression policière que remportera l’oligarchie
Dans un pays qui affiche des carences en termes d’équipement de transport, d’éducation ou sanitaire, et face au déni de démocratie, des Brésiliens sont montés au créneau. Des mouvements se sont élevés et des associations de riverains se sont créées. Par exemple, mardi 22 avril, de violentes émeutes ont opposé des jeunes des favelas et des policiers à Copacabana. Un homme serait mort au cours des manifestations. Tout le monde se rappelle qu’il y a un an en juin 2013 un million de manifestants avaient envahi les rues partout au Brésil pour réclamer l’amélioration des services publics et protester contre les sommes colossales dépensées dans la construction des stades pour le Mondial. Aujourd’hui, les Brésiliens restent toujours en colère et ne sont plus majoritairement favorables à la tenue de cette Coupe dans leur pays.
 
A chaque fois, la même réponse : aux cris du peuple, les autorités répondent par la violence. Les policiers blindés sont envoyés pour mater les manifestants. 170 000 militaires et policiers sont actuellement présents dans les 12 villes hôtes. Il ne fait donc pas bon protester dans un pays où les grandes entreprises et les lobbies arrosent littéralement les élus pour continuer à engranger un maximum de profit. Il faut bien dire que la manne d’un Mondial est énorme. Près de 10 milliards d’euros ont été retirés des caisses publiques pour financer cet événement. «Le gouvernement nous casse les oreilles en répétant que les 10 milliards investis pour la Coupe du monde sont un legs pour le Brésil. Un legs? Pour tout le monde ici, le vrai legs du Mondial, c’est d’être maintenant sans abri!», peste le coordonnateur du Mouvement des sans-toits, Zezito Alves da Silva. 
Malheureusement, Alves da Silva peut rager, les enjeux financiers sont trop importants. La FIFA réalise 90% de ses revenus avec la Coupe du monde et dans le milieu d’un sport devenu business, il n’y a aucune place pour l’humain. Le précédent Mondial avait rapporté, par exemple, plus de 3 milliards d’euros à la FIFA. Autant dire que pour le Mondial brésilien, la Fédération et tous les grands partenaires exigeront la même rentabilité. D’ailleurs, Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA, regrettait lors d’une conférence de presse à Zurich le 24 avril l’excès de démocratie au Brésil ! « Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde. Quand on a un homme fort à la tête d’un Etat qui peut décider, comme pourra peut-être le faire Poutine en 2018, c’est plus facile pour nous les organisateurs ». 
 
Face à la puissante FIFA et à l’engouement planétaire pour cette compétition, le peuple brésilien devra se résigner à s’installer sur le banc de touches installé spécialement dans les sous-sols des stades. David contre Goliath : voilà le vrai match ! Il est vrai que la FIFA a souvent effectué un lobbying intensif afin d’imposer le choix des entreprises prestataires. En imposant un cahier des charges uniquement réalisable par une entreprise partenaire historique, la FIFA permet donc de mieux contrôler cette manne financière comme pour les sièges des stades au Brésil ou en donnant le label FIFA et l’exclusivité de la vente d’alcool ou de billets à des entreprises proches de l’organisation. Ce fut notamment le cas de la société Match Hospitality AG, dont l’un des quatre actionnaires est InFront Sports and Media, compagnie détenue par Philippe Blatter, neveu de l’actuel Président de la FIFA !
 
Pour l’environnement, la Coupe est pleine !
 
C’est horrible à dire mais il est évident qu’une fois éteints les feux de la fête, il ne restera des grands stades un vide immense. La gueule de bois des Brésiliens risque donc d’être très forte ! L’exemple le plus évident est le stade de Manaus, l’Arena da Amazônia qui pourra accueillir 40.000 personnes pendant la Coupe. Selon la FIFA, ce stade fera partie d’un « complexe qui offrira de nombreux services comme des restaurants, un parking souterrain et un accès par bus et monorail ». Pourtant, nombreux sont ceux qui ont dénoncé ce projet pharaonique de 205 millions d’euros responsable de larges défrichements. Il est certain qu’après le Mondial le stade ne sera plus utilisé, car la meilleure équipe locale, le Nacional, évolue dans la quatrième division brésilienne. Habituellement, moins de 2000 personnes suivent les matches de cette petite équipe ! Le stade deviendra alors la verrue d’un monde stupide au beau milieu de la forêt amazonienne.
 
Pour l’inauguration du stade de l’Arena des Dunas, qui a coûté 125 millions d’euros, la présidente Dilma Rousseff s’est voulue plus rassurante. « En plus du football, l’Arena das Dunas sera utilisée pour des concerts, des salons commerciaux, des ateliers, des événements majeurs et des expositions », a-t-elle déclaré tentant d’enrayer la polémique. Il n’empêche qu’avec ces activités, une infrastructure sportive de 42.000 places reste largement démesurée, notamment pour son entretien estimé à 376.000 euros par mois par un dirigeant du stade !
 
Il faut dire que les autorités ont misé sur le marketing écolo pour montrer patte blanche. Le stade de Brasilia, par exemple, a été entièrement rénové et a été conçu comme le premier stade 100% écologique au monde. Il produit autant d’énergie qu’il en consomme, utilise des lumières LED pour l’éclairage et sa pelouse est arrosée grâce à un système de stockage et d’utilisation de la pluie. 
Cependant, les ONG écologistes, comme Planète Amazone, critiquent régulièrement ce double discours des autorités brésiliennes. « L’actuelle présidente était ministre de l’Energie du gouvernement de Lula. Elle a développé le plan d’accélération économique du pays, y compris les projets de grands barrages qui posent d’énormes problèmes environnementaux et de droits de l’homme », prévient Gert-Peter Bruch, président de l’association Planète Amazone. Le plus connu de ces projets est sans doute celui de Belo Monte, en Amazonie : un immense barrage qui menace de détruire des équilibres sociaux et environnementaux fragiles juste au milieu du poumon vert de la planète, dans l’Etat du Para. La Coupe du monde a justement été le prétexte pour accélérer le calendrier de travaux de Belo Monte, dont le chantier est désormais ouvert 24 heures sur 24.
 
Pour une Coupe écosocialiste !
 
Au mépris du peuple brésilien, du saccage environnemental et de la corruption, j’appelle alors à boycotter la retransmission de cette mascarade. L’addition est pour moi bien trop indigeste. Comme des millions de Brésiliens, je refuse de cautionner le foot business qui engraisse les puissants. 
 
Par contre, du 12 juin au 13 juillet, je célébrerai bien le football. Sport né des couches populaires, le football résonne toujours dans le cœur de milliards d’humains. Gardons toujours à l’esprit que ce sport est populaire parce qu’il est simple. Pas besoin de grand équipement pour jouer entre nous, pas besoin de comprendre de nombreuses règles, et dans les cas extrêmes, des objets de récup’ font office de ballon rond, comme la cannette en aluminium écrasée. Parce qu’avant d’être un sport, le football est un jeu.
Ce Mondial montre encore une fois un modèle de croissance économique à bout de souffle qui entraine un large gaspillage des ressources alors que nous entrons dans une ère où les énergies fossiles s’épuisent et où nous devons plus que jamais engager une réflexion sur la sobriété énergétique et la transition écologique. Pour une Coupe écosocialiste ! Exigeons un Mondial inclusif qui se construit avec le peuple hôte et dans l’intérêt de son développement. Exigeons un Mondial qui célèbre la simplicité du football sans artifice qui s’appuie sur l’existant. Et enfin, exigeons un Mondial qui prenne en compte notre dette écologique. 
Pour que vivent le sport et le football, l’Humain d’Abord !  
 
François FASQUEL.

 

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