
Embarcadère fin XIXe siècle - Coll.Privée Du Mesgnil
Le petit port de Saint-Pierre, livré en 1883, ne peut accueillir des navires à fort tonnage comme le Bruxelles. Les déchargements et les chargements, se font à l’ancienne, grâce aux jetées volantes de bois et de cordages de la marine de la Rivière d’Abord encore en utilisation. Les marchandises sont portées par les hommes et les bêtes épuisés, puis soulevées par des grues et des palans. Enfin, elles sont déposées dans des chaloupes qui les mènent jusqu’au navire en rade. Les rameurs ont l’habitude de lutter contre les courants, ils connaissent les passages entre les récifs pour parvenir sans encombre jusqu’au bateau.

Ainsi, « le Bruxelles » depuis quelques jours au large et attend son chargement complet. En 1848, Saint-Pierre avait obtenu l'autorisation d'exporter directement ses produits. Depuis le matin les chaloupes font l’aller-retour entre la marine et le gros bateau de fer. Au fil de la journée, la mer devient grosse, les lames se font de plus en plus fortes. Le temps est étrange en cette soirée de mai. La houle se renforce et pousse le Bruxelles vers la côte et les récifs coralliens. Dans les chaloupes, les rameurs luttent contre la mer déchainée les fait valser sur la crête des vagues. Les hommes et les canots risquent à chaque instant de s’écraser sur un récif. A terre, on arrête toute manœuvre, trop de vie sont en danger.

Eléments de machine et chaudière du Bruxelles - Mémoires océanes. CGM. cl.VM
Quarante-trois personnes sont à bord du Bruxelles, des marins belges et des journaliers créoles. Il n’est pas question de récupérer les hommes en plein cyclone qui surprend tout le monde en cette période. Les marins du Bruxelles essayent de se maintenir au large mais les vagues de plus en plus puissantes le poussent vers un naufrage inéluctable. Les chaloupes seront perdues. Le capitaine décide de lever l’ancre afin de s’éloigner de la côte mais cette décision est trop tardive. Le vapeur, secoué, ébranlé, grince sous l’assaut des vagues. Après avoir lutté longtemps, il est projeté sur les récifs. Le bruit du déchirement de sa coque retentit dans la ville où les curieux se sont amassés le long de la côte. Il est vingt-deux heures, il fait nuit noire, les pêcheurs de Terre Sainte savent que la situation est désespérée. Au petit matin, la longue coque brune du vapeur apparait entière penchée sur les récifs à moins d’un kilomètre de l’entrée du port. Depuis la côte, chacun scrute un espoir mais n’aperçoit aucun signe de vie sur le navire jusqu’à ce qu’un marin monte sur le gaillard d’avant et fait de larges gestes. Sur la plage, on reprend espoir mais la mer est encore trop agitée. Comment rejoindre le Bruxelles et aussi comment en revenir sans encombre ?

Eléments du Bruxelles - Lagon de St-Pierre
Alors, les pêcheurs de Terre Sainte, " Clain dit Zing, Pothin, Verneuil, un habitué des naufrages et des sauvetages en mer : Moïse Bègue, Monnier, Lechat, Bardinum, Gustave, François" et d’autres encore décident de prendre des embarcations et d’aller récupérer les survivants. A cause de la houle déchainée et du risque de démantèlement du navire, le sauvetage se fera en plusieurs étapes. Les pêcheurs tiennent bon et trente-six hommes sont sauvés. « Parmi les morts, on compte quatre journaliers créoles... » dont un s’est jeté à l’eau pour tenter de rejoindre la plage et un autre qui se tenait sur le bastingage avant lorsque l’avant du bateau s’est détaché pour s’écraser sur les récifs coralliens. Une semaine est nécessaire pour ramener les naufragés à bon port. Le capitaine est le dernier à quitter le navire.
Dans Mémoires Océanes, l'historien Olivier Fontaine, écrit : "Le Bruxelles, jeté le 3 mai 1897 contre le récif de St-Pierre, présente des fragments parfois de grande taille, qui ont été dispersés par les vagues tant dans le lagon qu'à l'extérieur. Ces fragments difficilement identifiables, témoignent de la violence avec laquelle la houle disloque les bâtiments échoués. Une chaudière dépasse du lagon près de la plage. Sur les récifs, on aperçoit les vestiges de la varangue de voûte, de la mèche du safran et de son tourteau".
Dans Mémoires Océanes, l'historien Olivier Fontaine, écrit : "Le Bruxelles, jeté le 3 mai 1897 contre le récif de St-Pierre, présente des fragments parfois de grande taille, qui ont été dispersés par les vagues tant dans le lagon qu'à l'extérieur. Ces fragments difficilement identifiables, témoignent de la violence avec laquelle la houle disloque les bâtiments échoués. Une chaudière dépasse du lagon près de la plage. Sur les récifs, on aperçoit les vestiges de la varangue de voûte, de la mèche du safran et de son tourteau".