Si La Réunion est pleine d’excellents musiciens, il en est quelques-uns dans le premier cercle, celui des « un peu plus« . Narmine en faisait partie, comme Jules Joron, Loulou Pitou, Georges Fourcade, Luc Donat, Renaud Lacaille et j’en passe. Sans compter ceux que je ne nommerai pas pour la bonne raison qu’ils sont encore là, fort heureusement.
Quand on dit Narmine, on pense « guitare« , normal. Il avait un toucher inimitable, une aisance naturelle, une virtuosité qui a fait école avec plus ou moins de bonheur. On pense à tous ces merveilleux ségas créés tout exprès pour sa guitare, dont « Canotte maloya« , un de mes préférés. Personnellement, je pense à « Ton ti gueule rose« , splendide composition de notre ami Vinh San, sublimée par les mains de Narmine. Peut-être LE séga par excellence.
On pense aussi, bien sûr, « Mamzelle Paula », « Bouscule pas », « Mario mon coco » et je ne sais combien de titres, nostalgiques ou malicieux, composés tout exprès pour son adorable Michou.
Ceux qui ont eu la chance de le côtoyer pensent d’abord au sourire de Narmine, généreux, chaleureux, spontané, communicatif. Car l’homme faisait partie, comme son pote Joron, de ces gens qui vous mettent tout de suite à l’aise.
Personnellement, je pense à la simplicité, à la convivialité, à l’absence totale de prétention de cet homme et je parle en connaissance de cause. Nous nous sommes retrouvés plusieurs fois autour d’une bonne table, car sa convivialité ne se limitait pas aux estrades. C’était un bon vivant, aimant la vie, aimant les autres, aimant le partage. On se sent petit auprès de gens comme lui, surtout comme une fois où ils étaient trois génies autour de la table, Narmine, Harry Pitou (son cousin germain) et Max Dormeuil, trois des plus grosses pointures de la six-cordes tropicale (et française, pourquoi pas !)
Moi qui ne suis qu’un médiocre guitariste amateur, ils ont accepté que je joue avec eux (Shadows, Jumping Jewels, Marchand d’miel…) et ont eu l’extrême gentillesse de ne pas se gausser de mes (nombreux) canards. Narmine a même poussé la gentillesse jusqu’à m’expliquer comment les éviter. Les canards, j’veux dire.
C’était ça, Narmine. Content de jouer et toujours disposé à partager, à enseigner. L’égoïsme était étranger à sa personne et c’est pourquoi tous les orchestres se le sont arraché. Jouer avec lui était gage indéniable de progrès.
Il avait commencé très tôt dans l’orchestre Jeannot Fontaine… sur des percussions. Où il excellait également, on le sait moins. Il avait 12 ans. Puis il était passé à la guitare où il a vite donné sa pleine mesure. Ses premières classes, il les a faites avec son tonton Pitou (il était le fils de Denise, sœur de Loulou), mais aussi dans les orchestres Legros et Taquet. Plus tard, il monte sur scène avec les Play-Boys du grand Julot Arlanda en compagnie de ses frères Sully et Elie, trois guitares, trois Ducap, une première familiale !
Si Narmine a toujours été un musicien d’orchestre, il a aussi joué pour son propre compte, notamment dans des enregistrements instrumentaux, en compagnie de son pote Max Dormeuil, sur de petits 54-tours qui nous fichaient le tournis tant leur virtuosité était invraisemblable. Mais une virtuosité harmonieuse, loin de la démonstration de rapidité que certains confondent trop vite avec savoir-faire.
Alors, on va vider à sa mémoire quelques « Rhums-kina« , une autre de ses merveilleuses compositions.
Comme le dit mon neveu Stéphane, « ils doivent faire un sacré bœuf là-haut ! » Tu imagines, délirant sur « Tite fleur aimée » ou « Nuages« , le violon de Luc, les accordéons de Jules Joron, André Philippe et Didier Jeannette, la voix d’Adélaïde, la trompette de Renaud Lacaille, la guitare de Narmine, la clarinette de Tarby, le grand Julot à la baguette… La dream team.
Salut ami. Comme l’a dit notre vieille copine Bernadette, « na artrouver in d’ces jours ! »
Jules Bénard