J’ai assisté hier à une scène surréaliste : alors que je venais d’arriver à un barrage nouvellement installé sur le front de mer de Saint-Denis, peu avant la Cité des Arts, j’ai vu un « gilet jaune » s’approcher de la voiture qui me précédait. Après un bref échange, le chauffeur a tendu un billet et l’individu s’est alors chargé d’écarter les véhicules pour lui frayer un passage.
Nous voilà revenus au temps de Robin des Bois. Sauf que là, on ne rackette pas les riches pour distribuer aux pauvres. Ce n’est ni plus ni moins que du vol et celui qui donne est autant complice que celui qui demande. Si personne ne donnait, de telles pratiques disparaitraient d’elles-mêmes.
Tout cela pour dire qu’il était temps que le préfet réagisse. J’ai brièvement écouté Freedom hier matin. En une demi-heure, j’ai entendu une mère de famille qui n’avait plus de lait pour nourrir ses enfants en bas âge et qui ne trouvait pas de boutique ouverte, une jeune femme dont le grand père était mourant et qui ne pouvait se rendre à son chevet, une gramoune en manque de médicaments et dont la pharmacie était incapable de la servir, les camions d’approvisionnement étant bloqués aux barrages, et une éleveuse de poulets dont les volailles n’avaient rien mangé depuis deux jours, les camions de l’URCOOPA étant eux aussi bloqués.
Les renforts sont arrivés en nombre de Mayotte et de métropole et ces moyens supplémentaires devraient permettre un début de retour à la normale.
Qu’on ne se méprenne pas. Le mouvement des « gilets jaunes » est légitime. Comme je n’ai cessé de le répéter ici même, on sentait que la colère montait et que ça allait péter. Mais autant on peut être solidaire du ras-le-bol, autant on ne peut cautionner le tour que la manifestation avait pris.
D’accord pour un jour de joyeux bordel. Ok, c’est le prix à payer pour se faire entendre. Mais comment accepter ensuite les soi-disant « barrages filtrants » qui n’avaient de filtrants que le nom. Comment peut-on dire qu’on filtre quand on ne laisse passer qu’une voiture tous les quarts d’heure ? Que les gens sont bloqués 4 à 5h, coincés dans leurs voitures à attendre ? Et ne parlons même pas des barrages bloquants, ni des rackets de plus en plus nombreux et violents…
L’économie est à l’arrêt et ce n’est pas comme ça qu’on va aider la Réunion à s’en sortir. Si ça continue, de nombreuses entreprises qui étaient déjà sur la corde raide vont fermer, des milliers de Réunionnais supplémentaires vont se retrouver au chômage et tout le monde sera perdant.
Le problème du Préfet est que pour trouver une solution, encore faut-il qu’il ait face à lui des représentants et des revendications.
Dimanche matin, il avait accepté de recevoir une délégation de ceux qui barraient le rond-point de Gillot. Au bout d’un moment, on a fini par lui dire que c’était impossible car les manifestants n’avaient pas réussi à se mettre d’accord entre eux pour désigner leurs représentants…
Les élus sont complètement décrédibilisés. Car il faut bien prendre conscience que ce mouvement est aussi, et peut-être avant tout, un phénomène de ras-le-bol, de défiance envers ceux qui sont censés nous représenter.
Du coup, si l’Etat n’a en face de lui ni représentants, ni revendications sérieuses et crédibles, on va avoir du mal à trouver des solutions.
Et pendant ce temps-là, nombre de nos élus sont en train de batifoler à Paris au Congrès des Maires.
Mon péï bato fou…