
Depuis quinze jours, si Michel Vergoz, le nouveau sénateur socialiste de la Réunion, mesure comme il dit, "le poids des responsabilités qui sont désormais les siennes", il n'en boude pas pour autant son bonheur.
Faire son entrée au Sénat alors que, pour la première fois de son Histoire, il bascule à Gauche, chose considérée comme inimaginable, et participer à l'élection du premier président socialiste élu au plateau de cette assemblée a quelquechose incontestablement d'historique. J' y étais et j'y ai contribué pourra-t-il dire, à ce "10 mai sénatorial", et avec lui son collègue et ami député du sud, Patrick Lebreton, qui pour rien au monde n'aurait raté cet événement.
Mais, comme l'Histoire est farceuse, on ne le dira jamais assez, faire sa rentrée dans un Sénat où la présidence de l'Assemblée a pour doyen d'âge un certain Paul Vergés n'a pus dû manquer d'être relevé par notre nouveau sénateur socialiste. Car voilà au moins un sénateur pour qui la réthorique de Paul Vergés n'est certainement pas une surprise. Mieux sans doute, il pourrait même la traduire et l'illustrer. Car s'il y a bien un élu réunionnais qui, depuis une vingtaine d'années, cristallise la rancoeur, un euphémisme, de Paul Vergès et de ses fidèles, c'est bien Michel Vergoz.
Il n'y avait qu'à lire il y a quelques jours encore le traitement typiquement stalinien que lui consacrait quotidiennement Témoignages, dont l'obssession était de tout faire pour empêcher l'élection de Michel Vergoz. Un comportement qui n'avait rien d'inédit, qu'on se rapelle les deux dernières municipales de Sainte-Rose et le concours apporté à son adversaire Bruno Pajany par les communistes.
Il est vrai que les raisons de détestation de Michel Vergoz par Paul Vergés et ses proches sont fort nombreuses. Question symbolique d'abord, et sans doute la plus importante pour le premier cercle de Paul Vergés, Michel Vergoz ne s'est jamais prosterné à la moindre déclaration de Paul Vergés. Pire il n'a jamais cru en l'infaillibilité des déclarations du leader du PCR comme élu, comme socialiste et tout simplement comme citoyen.
Homme de dossier, Michel Vergoz est resté le citoyen formé à la démarche scientifique, acquise sur les bancs du lycée et de la faculté. Une fois le dossier décortiqué, son analyse construite, sa fougue et son talent oratoire vont faire le reste. Difficile alors si le sens de l'intérêt général se conjugue avec sa conviction de lui faire changer d'orientation, fût-ce au nom des intérêts immédiats de son parti.
Son combat contre la bi-départementalisation, que les communistes locaux avaient "vendu" au gouvernement Jospin, est exemplaire de la conduite du citoyen et du militant politique Vergoz. Sa conduite à la présidence de la commission agriclole du Conseil Général est tout autant significative, même si elle n'a jamais été connue médiatiquement.
Autant d'éléments et de comportements qui ont fini, au cours des années, par faire de Michel Vergoz l'homme à abattre du clan Vergés. Ni zélote, ni souple. Chez les Vergés, cela se paie cash !
Du coté de sa famille politique, la conduite de Michel Vergoz est également diversement appréciée et fait de l'ombre à tous ceux qui, pour des raisons multiples et variées, sont d'abord preneurs de petits arrangements pour leurs intérets du moments. Qu'on se souvienne, simple exemple, des dernières régionales. Mais dans la conjoncture actuelle, ne pas jouer l'unité des socialistes pour la liste des sénatoriales, aurait été pour les adeptes du billard à plusieurs bandes, mortelles.
C'est donc peu dire que de nombreux dirigeants communistes auraient au soir des sénatoriales célébré la défaite de Michel Vergoz et qu'au sein de sa propre famille politique quelques uns également auraient eu du mal à se montrer affligés.
On peut alors comprendre que Michel Vergoz, élu contre le clan Vergés, et malgré certains socialistes, apprécie son étât de grâce!
