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Mgr Aubry se prononce pour un changement de statut de La Réunion

Les quatre évêques des DOM s'invitent dans le conflit qui touche actuellement les DOM. Ils ont publié vendredi un communiqué qui risque de provoquer quelques remous à la Réunion. Il est dans l'air du temps aux Antilles de réclamer l'autonomie, voire l'indépendance, mais entendre l'évêque de La Réunion affirmer que, "pour permettre un meilleur exercice du pouvoir, un changement de statut peut être un levier efficace", risque de ne pas être compris par tout le monde...

Ecrit par Pierrot Dupuy – le lundi 16 février 2009 à 10H16

La force de l’espérance

1. Evêques des quatre départements français d’outre mer, nous venons de nous retrouver à Paris. Les circonstances ne pouvaient être plus opportunes au vu des mouvements sociaux qui se sont développés depuis quelques mois à la Réunion, puis en Guyane, et maintenant en Guadeloupe et en Martinique. De plus, des débats sur une évolution statutaire sont déjà engagés ou peuvent se faire jour dans nos départements.  
 
2. Conscients de notre responsabilité pastorale, nous portons sur la situation et les débats en cours un regard rempli d’espérance pour inviter à l’engagement. Le Christ lui- même nous y invite : « Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant » (Ap 1, 17-18).  
 
3. Forts de cette espérance, nous voulons dire tout d’abord que nous communions aux difficultés extrêmes dans lesquelles nos peuples se débattent. La crise financière et économique a dans nos régions des répercussions tragiques en raison de situations sociales très difficiles et d’une vie chère désormais insupportable. Là se trouve la raison première des mouvements sociaux actuels. Nous invitons tous les responsables à entendre et à prendre au sérieux le cri qui s’élève.
 
4. Nous croyons que les turbulences actuelles invitent à mieux appliquer le principe de subsidiarité déjà acté au niveau européen[1] : gérer au plus près du terrain tout ce qui peut l’être sans recourir systématiquement aux instances supérieures. Cela conduit à penser de nouveaux rapports entre nos régions respectives, la France métropolitaine et l’Union Européenne. Il s’agit de confier des responsabilités plus grandes à nos élus, afin d’adapter à la situation sociale, culturelle et économique de nos peuples des règlements qui, pris à des milliers de kilomètres, ne peuvent pas être appliqués tels quels. Tout ce qui peut faire croire à un relent de colonialisme ou de néocolonialisme doit être définitivement aboli. La relecture de notre histoire, marquée par l’esclavage, et la conscience des progrès accomplis devraient aussi permettre de guérir les blessures de nos peuples. Il s’agit enfin de prendre en compte l’environnement régional de nos départements dans les Caraïbes, en Amérique du sud et dans l’Océan indien. Nos situations doivent être reconnues en contexte de mondialisation comme une chance qui nous place au premier rang dans les rapports de la France et de l’Union Européenne avec les pays qui nous entourent. Pour permettre un meilleur exercice du pouvoir, un changement de statut peut être un levier efficace. C’est pourquoi nous suivons avec attention le débat déjà engagé aux Antilles – Guyane sur les articles 72, 73 et 74 de la Constitution, au sujet d’une évolution institutionnelle.
                                           
5. Nous savons cependant qu’une évolution institutionnelle ne peut seule tout résoudre. Il lui faut reposer sur des valeurs communes, enracinées dans les traditions et les cultures de nos peuples, mais partiellement occultées aujourd’hui. A vrai dire, il s’est produit une rupture de transmission des valeurs fondamentales sans lesquelles aucune société ne peut tenir. Une identité régionale forte, ouverte sur le monde, est un gage de fierté et de réussite pour l’avenir. Le bonheur n’est pas dans l’amour de l’argent mais dans la solidarité humaine au sein des familles et entre les familles. L’éducation au respect mutuel, au partage des biens, à la justice, au respect de la nature sont essentiels. Pour nous chrétiens, tout cela puise sa source dans l’amour de Dieu offert à chacun et garant réel de l’amour mutuel et du respect de toute personne humaine.  
 
6. Qui que nous soyons, nous sommes invités à prendre notre place dans les débats en cours sur l’avenir de nos régions, par l’information et par l’échange. Que nos frères et sœurs chrétiens puisent dans l’Evangile et dans la doctrine sociale de l’Eglise l’inspiration nécessaire pour que leurs apports aux débats soient empreints de la sagesse de Dieu. Qu’ils sachent qu’ils ont une contribution essentielle à apporter humblement. Elle leur vient du Christ qui révèle à l’être humain la source, le chemin et l’accomplissement de l’amour. Avec lui, « nous nous trouvons face à une parole qui engage à vivre en abandonnant la tentation permanente de bâtir la cité des hommes sans tenir compte de Dieu ou même contre lui. En effet, si cela se vérifiait, ce serait la convivialité humaine elle-même qui essuierait, à plus ou moins brève échéance, une défaite irrémédiable »[2].  
 
Paris, le 12 février 2009
 
Mgr Michel Méranville, Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France
Mgr Gilbert Aubry, Evêque de Saint-Denis de la Réunion
Mgr Emmanuel Lafont, Evêque de Cayenne
Mgr Jean Hamot, Administrateur diocésain de Basse-Terre  
 
[1] Cf. lettre pastorale des évêques des DOM, 1992 : « Bâtir une communauté de destin. Valoriser la
fonction politique » (Doc Catholique 2045)                                        
[2] Jean-Paul II, Ecclesia in Europa, N°5.

 

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