Le trentenaire a pris une bonne vingtaine de kilos. Il porte une barbe longue qui dépasse de son masque blanc. Son tee-shirt assorti lui descend jusqu’aux genoux. Un peu plus tôt, un convoi exceptionnel a quitté la maison d’arrêt de Domenjod. Un véhicule de l’administration pénitentiaire suivi de près par un fourgon de police et escorté par des motards a déboulé toutes sirènes hurlantes dans la rue Juliette Dodu. Il faut dire que le comportement de Ridaï Mari est imprévisible et qu’il s’est en déjà pris aux officiers qui ont croisé son triste chemin.
Mais ce lundi, le mis en cause est calme. Il parcourt régulièrement la salle d’audience de son regard noir et fixe tour à tour ceux qui sont venus assister à son procès.
Une dignité exemplaire
Assise non loin de lui, la mère de Vanina vêtue d’une jupe de cuir noire et d’un haut bleu ciel n’a pas un seul regard pour lui. Sollicitée par le président de la cour, elle s’avance en premier à la barre. D’une dignité exemplaire, elle décrit le caractère de sa cadette toujours plongée dans les livres. Vanina avait évoqué sa rencontre avec Ridaï Mari, dans le centre-ville de Saint-Denis où il vendait des tee-shirt à la sauvette. Elle l’appelait « le Mahorais » et disait « qu’il était gentil », raconte sa mère sans même une inflexion dans la voix. « Elle voulait réussir dans la vie. Et elle aimait que les autres réussissent aussi ».
« Il était gentil »
Empathique, Vanina s’est prise d’amitié, ou peut-être plus, personne ne le saura jamais, pour le trentenaire né à Mayotte en 1988. Après deux rencontres, il l’avait invitée chez lui, dans son petit logement de La Convenance qu’il occupait seul. Ridaï Mari a donné plusieurs versions concernant son mobile. Fier d’avoir une petite amie réunionnaise, il se serait senti trahi puisqu’elle ne voulait pas de lui. Mais vraisemblablement qu’il se faisait des idées sur les désirs de Vanina. En attestent de nombreux SMS échangés où Vanina est accusée de l’avoir trompé alors que la jeune fille ne comprend pas à quoi il fait allusion.
Une étudiante en médecine à qui l’avenir souriait
17 coups de couteau plus tard, dont sept dans le dos, Ridaï Mari a éviscéré la jeune fille et jeté ses organes dans la cuvette des toilettes avant de tout nettoyer et de s’y retrancher pour attendre les gendarmes qu’il avait lui-même prévenus vers minuit : « je viens de tuer ma copine parce qu’elle m’a trahi ».
A l’arrivée du GIGN, l’assassin présumé tenait des propos incohérents. « Il parlait de la Syrie, puis du Bataclan puis psalmodiait en mahorais », détaille le directeur de l’enquête invité à témoigner devant la cour. Ce dernier évoque « le courant alternatif » pour décrire l’accusé lors de sa garde à vue. « Il est capable de s’adapter aux circonstances et aux interlocuteurs », explique le lieutenant. Parfois lucide, souvent farfelu et incohérent, Ridaï Mari sait manipuler son auditoire. Lors d’une logorrhée verbale sans queue ni tête, il a brièvement donné ce lundi la mesure de son personnage.
Ce mardi matin, il aura la parole ainsi que les experts qui se sont succédé pour l’examiner.