L'octroi de mer est en danger, et avec lui tout un pan de l'économie réunionnaise. La menace est suffisamment grave pour que les opérateurs économiques de l'ensemble des DOM montent au créneau en envoyant une lettre au Président de la République, pour lui demander de peser de tout son poids dans les discussions en cours avec l'Union européenne.
Le 15 juin dernier, à l'occasion d'une rencontre avec George Pau Langevin, la ministre française des Outremers, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a clairement annoncé que l'Union europenne n'avait pas l'intention de valider l'octroi de mer, dont le dispositif actuel s'échève le 30 juin prochain.
Et les solutions de remplacement qu'elle préconise risquent de faire perdre 2,5 milliards d'euros d'aides aux DOM. De quoi ruiner définitivement des économies déjà moribondes...
D'où le courrier envoyé au Président de la République que nous publions intégralement ci-dessous :
Monsieur le Président,
Les acteurs socioprofessionnels des départements et régions d'Outre-mer tiennent à vous exprimer leur immense inquiétude sur l'évolution de la négociation entre les autorités françaises et la Commission européenne, s'agissant des aides d'Etat applicables pour la période 2014-2020.
En moins d'un an, et malgré nos alertes répétées, soit directement, soit par l'intermédiaire de nos organisations, ces négociations ont en effet abouti :
ll s'agit donc d'une situation sans précédent dans l'histoire récente de nos Outre-mer et dont nous ne sentons pas que Paris ait réellement pris toute la mesure.
Pourtant, le jeu de la Commission est clair : faire rentrer les Outre-mer dans le rang des aides à finalité régionale, en foulant aux pieds leurs spécificités pourtant reconnues par l'article 34-9 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).
Cette offensive, pourtant clairement perceptible depuis l'installation de la nouvelle Commission et sur laquelle nous avons alerté le gouvernement à tant de reprises, a connu un point d'orgue lors de l'entretien entre la Commissaire VESTAGER et le gouvernement français, le 15 juin dernier.
Au cours de cette rencontre, la Commissaire a tout simplement annoncé à madame la Ministre des Outre-Mer que les services de la Commission ne valideraient finalement pas l'Octroi de mer.
En conséquence, elle a recommandé aux autorités françaises de placer l'Octroi de mer sous RGEC, instrument permettant à la France de se dispenser de notification à Bruxelles sous réserve que l'intensité cumulée des aides concernées ne dépasse pas certains seuils.
Ces seuils étant particulièrement bas puisqu'ils n'ont jamais été négociés pour servir de "limite haute" aux aides d'Etat Outre-mer, la proposition de la Commissaire revient de facto à restreindre, dans des proportions considérables, le niveau actuel des aides d’Etat au fonctionnement dans les DOM.
Le gouvernement est donc à la veille de tomber dans un piège tendu par la Commission.
L'intention de la Commission vis-à-vis des DOM est claire, et perceptible sur d'autres dossiers notamment en matière agricole : obtenir une réduction massive du niveau des aides au fonctionnement octroyées à ces Régions françaises, qu'on juge à Bruxelles anormalement élevé, selon des critères qui sont à des années-lumière de la réalité que nous vivons sur nos territoires.
Certes, la Commissaire VESTAGER propose d'assortir ce placement sous RGEC d'une "lettre de confort" de sa part.
Mais comment le gouvernement peut-il envisager d'accepter cette proposition alors que cette lettre n'a aucune forme d'existence juridique en droit de l'Union européenne, et qu'il est aisé d'en démontrer le caractère illégal.
La manœuvre est donc claire : à moins de 15 jours de l'expiration du régime actuel de l'Octroi de mer, la Commission met la France sous pression pour la contraindre à accepter une solution de plafonnement des aides. La "lettre de confort" servira à venir à bout des éventuelles réticences françaises en relevant, de manière illégale, les plafonds du RGEC.
Puis, dans quelques temps, la "lettre de confort" sera déclarée illégale, soit par les tribunaux en cas de recours, soit par le service juridique de la Commission lui-même. Et la France devra donc plafonner ses aides au niveau actuel des seuils du RGEC, tout en remboursant, au mieux, le trop perçu dans l'intervalle.
En fait, la Commission impose à la France une solution illégale dont le risque est assumé exclusivement par les entreprises, la seule porte de sortie laissée à la France pour régulariser ses régimes étant de réduire l'amplitude des aides afin qu'elles deviennent compatibles avec le RGEC.
Malgré ce contexte pourtant d'une clarté absolue, et en dépit de cette menace d'illégalité portant sur 2,5 milliards d'euros par an (soit plus de 15 milliards d'euros pour la période budgétaire 2014-2020), les autorités françaises semblent ne pas écarter d'emblée le fait d'accepter la proposition de la Commissaire.
C'est peu dire que nous ne comprenons pas cette hésitation.
Accepter le raisonnement de la Commissaire nous conduirait en effet à un double risque :
Monsieur le Président, depuis 25 ans, à chaque renouvellement de la Commission européenne, celle-ci tente de mener à bien une offensive contre nos régimes d'aide, et de réduire encore un peu plus la portée de l'article 349 du TFUE.
A chaque fois, c'est toujours le soutien des plus hautes autorités de l'Etat qui a rendu possible un retour à la raison.
Au fond, que demandons-nous ?
D'abord, que les lignes directrices soient assouplies s'agissant des RUP, notamment pour ce qui concerne le niveau de justification des aides et du champ d'application des aides à l'investissement. Cet assouplissement, ainsi que la Commission l'a déjà fait lors de la période antérieure de programmation, est possible et résulte d'une simple procédure au sein du Collège des Commissaires.
Faute d'un tel assouplissement, la Commission pourrait s'inspirer de la bienveillance montrée lors de l'instruction du régime d'aide en faveur du rhum (décembre 2014), sous l'égide des actuelles lignes directrices.
Ensuite, que la Commission accepte que tous les régimes d'aide au fonctionnement et à l'investissement lui soient notifiés d'urgence, et approuvés en même temps que l'Octroi de mer, selon la même logique que celle décrite au paragraphe précédent.
Enfin, que la définition des investissements initiaux soit revue s'agissant des RUP, afin que les dossiers actuellement bloqués puissent à nouveau être instruits, et ainsi bénéficier à l'économie de nos territoires.
Sur ces bases, il sera alors temps d'engager une révision du RGEC en assouplissant, s'agissant des RUP, certaines dispositions afin de les rendre plus opérationnelles.
Nous souhaitons simplement pouvoir continuer à entreprendre sur nos territoires, à créer des emplois, à développer la production locale dans des conditions de concurrence équitables.
Nous voulons être respectés par la Commission européenne, et que celle-ci comprenne que son attitude désinvolte à l'endroit des Outre-mer rencontrera toujours l'opposition résolue de la France.
Dans ces conditions, sans votre soutien direct auprès du Président JUNCKER, nous n’arriverons pas à faire entendre raison à la Commission.
C'est pourquoi nous en appelons solennellement à votre haute autorité, et sollicitons une audience avec vous avant le 30 juin prochain, date de l'expiration du régime actuel de l'Octroi de mer.
Les sommes en jeu (2,5 milliards d'euros par an) et la proximité d'échéances vitales pour nos économies nous semblent en effet mériter un entretien direct avec vous.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre plus haute considération."
Liste des premiers signataires :
Ernest Prévot, président des MPI Guyane
Frank Desalme, président des MPI Guadeloupe
Hervé Toussay, président des MPI Martinique
Jérôme Isautier, président de l'ADIR et du CIRT-DOM
Pierre Marie-Joseph, président des MPI Martinique
Manuel Baudouin, président CCI Martinique
Ibrahim Patel, président de la CCI Réunion
Stéphane Lambert, président MEDEF Guyane
Yann de Prince, président MEDEF Réunion
Eric de Lucy, président de l'UGPBAN
Philippe Labro, président du syndicat du Sucre à La Réunion
Francis Lignières, président de LPG
Patrick Lorcet, président d'ASSOCANNE
Céline Quesnel, présidente de l'APIFIVEG
Gabrielle Nicolas, président d'INTERVIG
Jocelyn Médaille, président du CRPMEM Guyane
René-Louis Frantz, président de l'AMIV
Nicolas Marraud des Grottes, président de Banamart
Ruidice Ravier, présidente de l'IMAFLHOR
Jean-Claude Benoît, président du CODERUM
Pascal Thiaw Kine, président de l'ARIPA
Philippe Arnaud, président de l'ARTIC
Jean-René Enilorac, président du CRPMEM Réunion
Marina Féat, secrétaire générale de l'ARIBEV-ARIV
Le 15 juin dernier, à l'occasion d'une rencontre avec George Pau Langevin, la ministre française des Outremers, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a clairement annoncé que l'Union europenne n'avait pas l'intention de valider l'octroi de mer, dont le dispositif actuel s'échève le 30 juin prochain.
Et les solutions de remplacement qu'elle préconise risquent de faire perdre 2,5 milliards d'euros d'aides aux DOM. De quoi ruiner définitivement des économies déjà moribondes...
D'où le courrier envoyé au Président de la République que nous publions intégralement ci-dessous :
Monsieur le Président,
Les acteurs socioprofessionnels des départements et régions d'Outre-mer tiennent à vous exprimer leur immense inquiétude sur l'évolution de la négociation entre les autorités françaises et la Commission européenne, s'agissant des aides d'Etat applicables pour la période 2014-2020.
En moins d'un an, et malgré nos alertes répétées, soit directement, soit par l'intermédiaire de nos organisations, ces négociations ont en effet abouti :
- d'une part à bloquer 60 à 70% des opérations ayant recours à l'aide fiscale à l'investissement Outre-Mer, du fait de la nouvelle limitation du dispositif aux "investissements initiaux" dont la définition retenue par Bruxelles ne correspond ni à la réalité, ni aux besoins, de nos économies ultramarines ;
- d'autre part à placer dans l'illégalité l'ensemble de nos aides d'Etat au fonctionnement, y compris l'Octroi de mer, sauf à ce que la France accepte d'en plafonner le montant à des niveaux deux ou trois fois moindres qu'aujourd'hui, ce qui est bien évidemment inacceptable.
ll s'agit donc d'une situation sans précédent dans l'histoire récente de nos Outre-mer et dont nous ne sentons pas que Paris ait réellement pris toute la mesure.
Pourtant, le jeu de la Commission est clair : faire rentrer les Outre-mer dans le rang des aides à finalité régionale, en foulant aux pieds leurs spécificités pourtant reconnues par l'article 34-9 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).
Cette offensive, pourtant clairement perceptible depuis l'installation de la nouvelle Commission et sur laquelle nous avons alerté le gouvernement à tant de reprises, a connu un point d'orgue lors de l'entretien entre la Commissaire VESTAGER et le gouvernement français, le 15 juin dernier.
Au cours de cette rencontre, la Commissaire a tout simplement annoncé à madame la Ministre des Outre-Mer que les services de la Commission ne valideraient finalement pas l'Octroi de mer.
En conséquence, elle a recommandé aux autorités françaises de placer l'Octroi de mer sous RGEC, instrument permettant à la France de se dispenser de notification à Bruxelles sous réserve que l'intensité cumulée des aides concernées ne dépasse pas certains seuils.
Ces seuils étant particulièrement bas puisqu'ils n'ont jamais été négociés pour servir de "limite haute" aux aides d'Etat Outre-mer, la proposition de la Commissaire revient de facto à restreindre, dans des proportions considérables, le niveau actuel des aides d’Etat au fonctionnement dans les DOM.
Le gouvernement est donc à la veille de tomber dans un piège tendu par la Commission.
L'intention de la Commission vis-à-vis des DOM est claire, et perceptible sur d'autres dossiers notamment en matière agricole : obtenir une réduction massive du niveau des aides au fonctionnement octroyées à ces Régions françaises, qu'on juge à Bruxelles anormalement élevé, selon des critères qui sont à des années-lumière de la réalité que nous vivons sur nos territoires.
Certes, la Commissaire VESTAGER propose d'assortir ce placement sous RGEC d'une "lettre de confort" de sa part.
Mais comment le gouvernement peut-il envisager d'accepter cette proposition alors que cette lettre n'a aucune forme d'existence juridique en droit de l'Union européenne, et qu'il est aisé d'en démontrer le caractère illégal.
La manœuvre est donc claire : à moins de 15 jours de l'expiration du régime actuel de l'Octroi de mer, la Commission met la France sous pression pour la contraindre à accepter une solution de plafonnement des aides. La "lettre de confort" servira à venir à bout des éventuelles réticences françaises en relevant, de manière illégale, les plafonds du RGEC.
Puis, dans quelques temps, la "lettre de confort" sera déclarée illégale, soit par les tribunaux en cas de recours, soit par le service juridique de la Commission lui-même. Et la France devra donc plafonner ses aides au niveau actuel des seuils du RGEC, tout en remboursant, au mieux, le trop perçu dans l'intervalle.
En fait, la Commission impose à la France une solution illégale dont le risque est assumé exclusivement par les entreprises, la seule porte de sortie laissée à la France pour régulariser ses régimes étant de réduire l'amplitude des aides afin qu'elles deviennent compatibles avec le RGEC.
Malgré ce contexte pourtant d'une clarté absolue, et en dépit de cette menace d'illégalité portant sur 2,5 milliards d'euros par an (soit plus de 15 milliards d'euros pour la période budgétaire 2014-2020), les autorités françaises semblent ne pas écarter d'emblée le fait d'accepter la proposition de la Commissaire.
C'est peu dire que nous ne comprenons pas cette hésitation.
Accepter le raisonnement de la Commissaire nous conduirait en effet à un double risque :
- faire face à une obligation de restitutions substantielles des aides perçues en cas de recours judiciaire ;
- être confrontés à une remise en cause radicale de la politique de soutien à l'économie des DOM construite depuis 1989, qui permettait jusqu'ici de demander à Bruxelles d'autoriser une aide d'Etat sans qu'il y ait d'autre limite financière que celle du niveau des surcoûts objectifs supportés par les DOM et reconnus à l'article 34-9 du TFUE.
Monsieur le Président, depuis 25 ans, à chaque renouvellement de la Commission européenne, celle-ci tente de mener à bien une offensive contre nos régimes d'aide, et de réduire encore un peu plus la portée de l'article 349 du TFUE.
A chaque fois, c'est toujours le soutien des plus hautes autorités de l'Etat qui a rendu possible un retour à la raison.
Au fond, que demandons-nous ?
D'abord, que les lignes directrices soient assouplies s'agissant des RUP, notamment pour ce qui concerne le niveau de justification des aides et du champ d'application des aides à l'investissement. Cet assouplissement, ainsi que la Commission l'a déjà fait lors de la période antérieure de programmation, est possible et résulte d'une simple procédure au sein du Collège des Commissaires.
Faute d'un tel assouplissement, la Commission pourrait s'inspirer de la bienveillance montrée lors de l'instruction du régime d'aide en faveur du rhum (décembre 2014), sous l'égide des actuelles lignes directrices.
Ensuite, que la Commission accepte que tous les régimes d'aide au fonctionnement et à l'investissement lui soient notifiés d'urgence, et approuvés en même temps que l'Octroi de mer, selon la même logique que celle décrite au paragraphe précédent.
Enfin, que la définition des investissements initiaux soit revue s'agissant des RUP, afin que les dossiers actuellement bloqués puissent à nouveau être instruits, et ainsi bénéficier à l'économie de nos territoires.
Sur ces bases, il sera alors temps d'engager une révision du RGEC en assouplissant, s'agissant des RUP, certaines dispositions afin de les rendre plus opérationnelles.
Nous souhaitons simplement pouvoir continuer à entreprendre sur nos territoires, à créer des emplois, à développer la production locale dans des conditions de concurrence équitables.
Nous voulons être respectés par la Commission européenne, et que celle-ci comprenne que son attitude désinvolte à l'endroit des Outre-mer rencontrera toujours l'opposition résolue de la France.
Dans ces conditions, sans votre soutien direct auprès du Président JUNCKER, nous n’arriverons pas à faire entendre raison à la Commission.
C'est pourquoi nous en appelons solennellement à votre haute autorité, et sollicitons une audience avec vous avant le 30 juin prochain, date de l'expiration du régime actuel de l'Octroi de mer.
Les sommes en jeu (2,5 milliards d'euros par an) et la proximité d'échéances vitales pour nos économies nous semblent en effet mériter un entretien direct avec vous.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre plus haute considération."
Liste des premiers signataires :
Ernest Prévot, président des MPI Guyane
Frank Desalme, président des MPI Guadeloupe
Hervé Toussay, président des MPI Martinique
Jérôme Isautier, président de l'ADIR et du CIRT-DOM
Pierre Marie-Joseph, président des MPI Martinique
Manuel Baudouin, président CCI Martinique
Ibrahim Patel, président de la CCI Réunion
Stéphane Lambert, président MEDEF Guyane
Yann de Prince, président MEDEF Réunion
Eric de Lucy, président de l'UGPBAN
Philippe Labro, président du syndicat du Sucre à La Réunion
Francis Lignières, président de LPG
Patrick Lorcet, président d'ASSOCANNE
Céline Quesnel, présidente de l'APIFIVEG
Gabrielle Nicolas, président d'INTERVIG
Jocelyn Médaille, président du CRPMEM Guyane
René-Louis Frantz, président de l'AMIV
Nicolas Marraud des Grottes, président de Banamart
Ruidice Ravier, présidente de l'IMAFLHOR
Jean-Claude Benoît, président du CODERUM
Pascal Thiaw Kine, président de l'ARIPA
Philippe Arnaud, président de l'ARTIC
Jean-René Enilorac, président du CRPMEM Réunion
Marina Féat, secrétaire générale de l'ARIBEV-ARIV