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Mayotte, un baril de poudre qui ne demande qu’à exploser…

J’ai passé moins de 48 heures à Mayotte et ça faisait longtemps que je n’y étais pas allé. Autant dire que j’y arrivais avec des yeux neufs et les sens en éveil, prêt à écouter et regarder, sans aucune idée préconçue. J’avoue que je n’ai pas été déçu du voyage… Heureusement que je n’y arrivais […]

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 31 mai 2013 à 18H07

J’ai passé moins de 48 heures à Mayotte et ça faisait longtemps que je n’y étais pas allé. Autant dire que j’y arrivais avec des yeux neufs et les sens en éveil, prêt à écouter et regarder, sans aucune idée préconçue. J’avoue que je n’ai pas été déçu du voyage…

Heureusement que je n’y arrivais pas en terrain totalement inconnu, ayant sur place, quelques vieux amis à même de me mettre rapidement au courant des moeurs et coutumes de l’île aux Parfums.

Première surprise pour les journalistes qui m’accompagnaient et pour moi : le climat de peur qui règne à Mayotte. Il n’est pas rare de voir des maisons, voire même des bureaux en centre-ville, enguirlandés de rouleaux de fil de fer barbelé, du même modèle que ceux que l’on trouve autour des casernes de militaires… Bonjour l’ambiance. La délinquance bat, nous dit-on, tous les records de France…

Deuxième signe : notre accompagnateur, en allant au centre-ville de Mamoudzou le soir au restaurant, a pris bien garde de se garer à un endroit très précis, en pleine lumière, sur une portion de rue faisant pas plus de 200m de long. A l’écouter, en dehors de ce secteur bien déterminé, on a de grandes chances de retrouver sa voiture cassée et pillée en revenant du restaurant. Inutile de vous dire que les places sont aussi rares dans ce secteur qu’un letchis à la Réunion au mois de juin…

Dans le même registre, une personne rencontrée sur place, qui habite à Mayotte depuis 7 ans, nous a avoué avoir fait une demande de retour à la Réunion depuis deux ans, après les fameux événements de 2011, demande qui vient d’être enfin acceptée par son patron, à son grand soulagement et à celui de sa femme.

Parlons-en de ces fameux événements de 2011. Ils sont encore manifestement dans tous les esprits. De nombreuses personnes rencontrées nous en ont parlé avec encore des trémolos dans la voix. A les écouter, ils ont vraiment craint pour leur vie à l’époque, les émeutiers, essentiellement des clandestins, avaient barré toutes les routes et s’en prenaient particulièrement aux voitures et aux maisons de mzoungou, les zoreilles de Mayotte. Avec nous dit-on une attention particulière portée aux familles de gendarmes…

Autre découverte : les Réunionnais ne sont pas aimés à Mayotte. Selon les Mahorais, ils arriveraient avec un esprit colonialiste, avec un air hautain qui déplairait particulièrement aux originaires du coin. Un cadre haut placé m’a même raconté s’être procuré des mails où des Mahorais avaient écrit qu’il fallait se débarrasser de lui pour se venger du sort que les Réunionnais réservaient à leurs frères mahorais à la Réunion…

Dans le même registre, les enseignants mzoungous seraient également dans la ligne de mire. On leur reprocherait leur côté radin, cherchant à mettre le maximum de côté avant de rentrer au pays… Pour info, il n’existe pas à Mayotte de dispositif de sur-rémunération. Toutefois, les fonctionnaires d’État bénéficient d’une indemnité d’éloignement représentant 23 mois de traitement net pour 24 mois de séjour. Dans la pratique, ils doublent quasiment leurs salaires. Un traitement encore plus intéressant que les 53% dont ils bénéficient à la Réunion. Et malgré cela, l’an prochain, ce sont 1.000 postes de professeurs qui seront budgétés mais non pourvus, tellement les candidats ont peur (voir les explications plus haut…).

Autre prise de conscience pour moi : le nombre d’immigrés clandestins. Ils représentent environ 50% de la population, ce qui signifie qu’une personne sur deux que vous croisez dans la rue est un clandestin. Ils habitent dans des zones de non-droit, dans la peur de se faire arrêter et expulser vers les Comores et on nous a également raconté des histoires sordides d’exploitation par les mzoungous ou les Mahorais. Ce sont eux qui effectuent les travaux les plus durs, notamment dans le bâtiment. Et on nous a cité plusieurs cas où, alors que le chantier était presque terminé, le propriétaire les a dénoncés à la police pour ne pas avoir à les payer…

Et on nous dit que plusieurs kwassas-kwassas -enfin ceux qui n’ont pas coulé en mer- continuent à arriver tous les jours sur l’île. Il en coûterait 300 euros pour effectuer la traversée, les prix ayant été multipliés par 6 en quelques années. Selon nos interlocuteurs, plus de 50 clandestins supplémentaires arriveraient tous les jours, alors que les reconduites à la frontière sont bien moins importantes… A Mayotte, le travail de préfet ressemble par beaucoup de points au remplissage du tonneau des Danaïdes qui se vidait à mesure qu’on le remplissait…

Pendant ce temps, l’argent coule à flot

Parallèlement à cette situation explosive -tout le monde prédit de nouvelles émeutes à plus ou moins court terme- la vie continue. Surtout la vie économique d’ailleurs. La transformation de Mayotte en département français a eu pour première conséquence de permettre le déversement de tombereaux d’argent public sur l’île pour financer une multitude de projets, histoire de mettre l’île au niveau des autres départements français.

Et cet argent n’est pas perdu pour tout le monde. Certaines grosses entreprises françaises, souvent les mêmes que celles que l’on trouve à la Réunion mais avec un nom « mahorisé », se goinfrent allègrement et veillent sur leur pré carré comme sur la prunelle de leurs yeux.

Pas question que d’autres viennent se partager le gâteau. Ce sont eux les maîtres du royaume et ils sont prêts à utiliser tous les coups fourrés pour gagner encore plus d’argent et écarter les gêneurs. En n’hésitant pas au passage à manier la corruption. Car c’est bien connu, il n’y a que des corrompus, rôle ici joué souvent par les élus mahorais accusés de tous les maux, et jamais de corrupteurs. Les patrons qui embauchent des membres de la famille d’élus ou qui glissent discrètement sous la table des malettes remplies de billets ne sont que des victimes, bien évidemment.

Pendant les 48 heures que j’ai passées à Mayotte, il m’est venu aux oreilles un nombre incalculable d’histoires de corruption ou de détournements de fonds. Un seul exemple : le directeur de la DEAL, une administration d’Etat, et sa prédecesseur (qui est maintenant basée à la Réunion, mais n’y voyez aucune chasse aux primes, on vous taxerait de mauvais esprit…) viennent d’être mis en examen pour concussion et complicité de concussion. Cette affaire aurait éclaté en métropole, elle aurait fait la Une de la presse nationale. Là, rien ou presque rien. Que voulez-vous? Ca se passe à Mayotte, sous les tropiques. C’est presque normal…

Une autre affaire : un grand patron local, et pas n’importe lequel, est en train d’essayer de fomenter un coup d’Etat au sein de la Chambre de commerce, ce qui semble être une grande spécialité locale. Ca tient du secret d’Etat et peu de gens le savent, mais ce grand patron entend faire payer au président de la Chambre de commerce actuel son engagement en faveur du projet de compagnie aérienne Ewa, porté par Air Austral, au motif que son fils a lui aussi un projet concurrent, en association avec Inter Iles, une compagnie comorienne concurrente dont un avion s’est abimé en mer en novembre 2012… Le dernier décompte donne 4 élus avec l’actuel président et 3 pour les putchistes. Autant dire que chaque voix vaut actuellement très, très cher…

 

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