
Un petit pont sépare les belligérants de Combani et Miréréni. Armés jusqu'aux dents, tous sont persuadés de protéger leur village contre l'ennemi voisin..
Les violences à La Réunion font écho aux bagarres intervillageoises qui sont presque le quotidien à Mayotte. Des rivalités souvent ethniques, mais aux contours bien flous, qui se règlent à coups de pierre ou de machette, sans issue visible.
"Vous partez, vous les journalistes, vous êtes des balances". Armé de deux machettes, couvert d'une tenue de protection blanche intégrale et d'une cagoule, le jeune homme qui bloque ce lundi l'entrée du village de Combani ne veut pas nous voir là. Alors que nous nous éloignons, une pluie de pierres s'abat sur le pont qui sépare Combani et Miréréni, et le jeune aux deux machettes tombe au sol avant de se relever et de repartir à l'affrontement.
Plus cordial, un autre jeune, blessé dans ces violences, nous escorte vers l'intérieur du village où les gendarmes mobiles attendent des renforts. Lui-même ne s'explique pas ces violences auxquelles il participe. "Vous faîtes votre travail de journaliste, je fais le mien", sourit-il. "Tout ça, ça remonte à longtemps, il y a eu une affaire de jalousie, quelqu'un a pris le chien d'un autre, et tout est parti de là", assure-t-il.
Quelques dizaines de mètres derrière nous, les échanges de pierres reprennent de plus belle. Aux vieilles querelles s'ajoutent les conflits ethniques hérités de l'indépendance des Comores, et attisés par les questions migratoires. "C'est des Anjouanais", indique notre jeune blessé en pointant vers Miréréni.
Peu après, c'est à Kahani que deux bandes rivales ont perturbé la circulation. Ces deux points "chauds" ont mobilisé pas moins de 67 gendarmes en même temps. Des gendarmes rompus à l'exercice. Kahani, gros hub scolaire où se croisent des lycéens de toute l'île, est un hotspot des violences intervillageoises, et Combani, est un lieu de passage clé entre l'est et l'ouest de l'île où les jeunes de Combani et de Miréréni se font la guerre.
Des affrontements similaires ont fréquemment lieu au nord à Koungou, ou plus à l'est à Hajangoua, ou encore au sud de Mamoudzou, à Doujani. La gendarmerie n'en voit pas l'issue. "Ce sont des villages qui ne se supportent pas depuis des décennies", analyse le colonel Capelle, commandant de la gendarmerie de Mayotte. "Il y a des antagonismes, on a des villages qui ont du mal à se supporter, comme Iloni et Hajangua, Koungou et Majicavo, c'est assez récurrent. On fait coexister des populations qui ne s'entendent pas". Y a-t-il une lumière au bout du tunnel ? Le militaire ne l'exclut pas, mais comment ? Seule certitude : "la seule réponse sécuritaire ne suffira pas", martèle-t-il.
Pendant ce temps, ses hommes subissent le harcèlement des belligérants, soutenus par une partie de la population. En fin d'après-midi lundi, les gendarmes sillonnaient les routes pour assurer une précaire reprise de la circulation, sans perdre espoir de procéder avant la soirée à quelques interpellations.
Yohann Deleu
"Vous partez, vous les journalistes, vous êtes des balances". Armé de deux machettes, couvert d'une tenue de protection blanche intégrale et d'une cagoule, le jeune homme qui bloque ce lundi l'entrée du village de Combani ne veut pas nous voir là. Alors que nous nous éloignons, une pluie de pierres s'abat sur le pont qui sépare Combani et Miréréni, et le jeune aux deux machettes tombe au sol avant de se relever et de repartir à l'affrontement.
Plus cordial, un autre jeune, blessé dans ces violences, nous escorte vers l'intérieur du village où les gendarmes mobiles attendent des renforts. Lui-même ne s'explique pas ces violences auxquelles il participe. "Vous faîtes votre travail de journaliste, je fais le mien", sourit-il. "Tout ça, ça remonte à longtemps, il y a eu une affaire de jalousie, quelqu'un a pris le chien d'un autre, et tout est parti de là", assure-t-il.
Quelques dizaines de mètres derrière nous, les échanges de pierres reprennent de plus belle. Aux vieilles querelles s'ajoutent les conflits ethniques hérités de l'indépendance des Comores, et attisés par les questions migratoires. "C'est des Anjouanais", indique notre jeune blessé en pointant vers Miréréni.
Peu après, c'est à Kahani que deux bandes rivales ont perturbé la circulation. Ces deux points "chauds" ont mobilisé pas moins de 67 gendarmes en même temps. Des gendarmes rompus à l'exercice. Kahani, gros hub scolaire où se croisent des lycéens de toute l'île, est un hotspot des violences intervillageoises, et Combani, est un lieu de passage clé entre l'est et l'ouest de l'île où les jeunes de Combani et de Miréréni se font la guerre.
Des affrontements similaires ont fréquemment lieu au nord à Koungou, ou plus à l'est à Hajangoua, ou encore au sud de Mamoudzou, à Doujani. La gendarmerie n'en voit pas l'issue. "Ce sont des villages qui ne se supportent pas depuis des décennies", analyse le colonel Capelle, commandant de la gendarmerie de Mayotte. "Il y a des antagonismes, on a des villages qui ont du mal à se supporter, comme Iloni et Hajangua, Koungou et Majicavo, c'est assez récurrent. On fait coexister des populations qui ne s'entendent pas". Y a-t-il une lumière au bout du tunnel ? Le militaire ne l'exclut pas, mais comment ? Seule certitude : "la seule réponse sécuritaire ne suffira pas", martèle-t-il.
Pendant ce temps, ses hommes subissent le harcèlement des belligérants, soutenus par une partie de la population. En fin d'après-midi lundi, les gendarmes sillonnaient les routes pour assurer une précaire reprise de la circulation, sans perdre espoir de procéder avant la soirée à quelques interpellations.
Yohann Deleu