On raconte que dans la première moitié du XIXe siècle, ce jeune esclave africain s’était échappé de l’habitation et était parti « marron ». Il était la propriété de Charles Desbassayns, un des fils de Mme Desbassayns de Saint-Gilles les Hauts. Son habitation et le moulin à sucre se trouvaient à la Rivière des Pluies au pied de la Grande Montée.
A chaque fois qu’un esclave s’échappait, plusieurs personnes se lançaient à sa poursuite. Le maître envoyait son commandeur et quelques pisteurs affranchis pour le ramener à l’habitation. Lorsque les recherches se prolongeaient, il engageait des chasseurs de Marrons professionnels. Ces terres de la Rivière des Pluies, sont situées dans une vallée encaissée aux pentes parfois douces et parfois abruptes.
Les champs de cannes à sucre couvraient les pentes de la montagne et les quelques arbres rencontrés servaient de bornage aux propriétés. Les maisons de maîtres, toutes blanches auxquelles on accédait par de longues allées de cocotiers, s’entouraient elles aussi de végétations luxuriantes formées par des vergers et d’autres arbres à essences rares.
Ainsi, pour se cacher, Mario avait peu d’alternatives. Il se réfugia sur une petite falaise d’où il pouvait dominer la vallée et apercevoir ses poursuivants. Alors qu’il se cachait, allongé sous un bougainvillier, il trouva un morceau de bois d’ébène qui avait la forme de la Vierge Marie. Il la tailla un peu plus pour en préciser les formes et pour qu’elle tienne debout. Il la posa entre les racines du bougainvillier et se mit à la prier lui demandant de le protéger de ses poursuivants. Il ne voulait plus retourner à l’habitation, il ne pouvait plus supporter les affres de l’esclavage et aspirait à la liberté. De plus, s’il était repris, la sanction allait être lourde. Les coups de chabouc allaient pleuvoir sur son corps maigrichon, comme cela se faisait à chaque fois qu’un esclave marron était ramené à l’habitation.
Il resta bien longtemps à cet endroit se nourrissant de baies et de racines. Avec le temps, il se crut hors de la portée des chasseurs de marrons et relâcha sa vigilance. Mal lui en prit, c’était ignorer l’obstination des chasseurs qui espéraient toucher une forte prime, d’autant qu’il était devenu un homme fort. La prime était plus importante pour les prises d’esclaves mâles que pour les femmes et les enfants.
Un jour, alors qu’il faisait un petit feu pour griller quelques épis de maïs, la fumée signala sa position en haut de la petite falaise. Un des pisteurs s’approcha de sa cachette, le vit et le reconnu. Il alla informer le maître de sa découverte. Lorsque les chasseurs et la meute de chiens se présentèrent au pied de la petite falaise, ils grimpèrent à sa rencontre en courant. Mario, endormi à l’ombre du bougainvillier, fut pris au dépourvu. Réveillé en sursaut par les aboiements, il n’eut pas le temps de s’enfuir
Il jeta un regard sur la statuette et lui demanda de le protéger.
C’est alors qu’un évènement imprévu survint. Le bougainvillier se mit à pousser à une vitesse vertigineuse dévalant la falaise, barrant complètement le passage aux chiens et aux hommes. Les lianes épineuses s’enroulaient sur elles mêmes, formant un abri de fortune autour de Mario. Chaque branche coupée formait trois rameaux et poussait encore plus touffue. Ne pouvant l’atteindre physiquement, les chasseurs se mirent à tirer sur lui au fusil. Et là, ils furent encore surpris. Les balles ricochaient sur les feuilles sans pouvoir atteindre leur cible.
Les chasseurs ne comprenaient pas ce qui se passait jusqu’à ce qu’ils distinguent la petite Vierge en bois d’ébène au pied du bougainvillier. Mario avait été protégé par la Vierge Noire. Alors, les hommes abasourdis allèrent raconter à qui voulait l’entendre ce qu’ils avaient vu. Tout le monde crut au miracle et vint demander grâce à la petite Vierge Noire.
Depuis la petite statue a été remplacée par une plus grande et de nombreux croyants viennent encore se prosterner devant elle.