Ils étaient nombreux à assister au vote historique de la proposition de résolution reconnaissant la responsabilité de l’Etat dans l’affaire dite des « Enfants de la Creuse ». Ces enfants « arrachés » à leur terre natale entre les années 60 et 80 et emmenés pour la plupart de force vers l’hexagone, dispersés dans 60 départements. En tout, ils sont plus de 1.600 enfants réunionnais. Parmi eux, Marie-Thérèse Gasp, forcée de quitter la Réunion en 1966 pour atterrir dans la Creuse.
« C’est avec une grande joie que j’ai accueilli le vote de la résolution. Cela fait des années que l’on tente de faire marquer cette page de l’histoire et la faire connaitre aux yeux de la population française« , explique Marie-Thérèse Gasp, encore sous le coup de la fatigue émotionnelle après le vote, hier, à l’Assemblée nationale. Une heure et demie de débat et des propos pas toujours faciles à entendre, pour cette Réunionnaise arrachée à son île natale en 1966. Notamment lors du passage du député UMP Didier Quentin au pupitre (voir [ici]url:http://www.zinfos974.com/Enfants-de-la-Creuse-Les-deputes-reconnaissent-la-responsabilite-morale-de-l-Etat_a68375.html ). « Cela a été très dur pour moi. J’en ai pleuré« , poursuit-elle.
Au final, ce fut une explosion de joie pour la vice-présidente de l’association Kabar, en quête de reconnaissance sur ce qu’elle a subi pendant près de 50 ans. « On a réussi à se faire entendre dès l’année dernière. A l’occasion du cinquantenaire de la commémoration des « Enfants de la Creuse », nous avions organisé trois conférences et rencontré le ministre des Outre-mer. Nous avons reçu une écoute attentive. Après nous avons travaillé en partie avec Ericka Bareigts (députée PS de la Réunion à l’origine de la résolution ndlr)« , souligne Marie-Thérèse Gasp.
« Je suis restée un an dans un foyer d’enfance avant d’être adoptée par un couple de la Sarthe »
Son histoire personnelle est particulièrement marquante. « A l’âge de trois ans j’ai été envoyée dans la Creuse. Je faisais partie du grand nombre de pupilles réunionnais en 1966 et 1967 envoyés dans l’hexagone et qui ont servi de test. Je fais partie des enfants de la Creuse (même si ce terme est un peu réducteur à ses yeux puisque les enfants réunionnais ont été dispersés à travers 60 départements ndlr). Je suis restée un an dans un foyer d’enfance avant d’être adoptée par un couple de la Sarthe« , explique Marie-Thérèse Gasp.
« On a testé mon comportement et on a effacé ma créolité« , poursuit-elle. C’est à 18 ans que Marie-Thérèse Gasp cherche à connaître son passé. « Je me sentais plus libre et j’ai voulu retrouver ma famille d’origine. J’ai tenté d’obtenir mon dossier d’adoption en 1984. Mais j’ai dû attendre plusieurs années avant de l’obtenir« , précise la Réunionnaise. Une fois obtenue, à l’intérieur du dossier c’est le choc. « Le dossier administratif est complètement incohérent. Je me demande encore comment cela a été possible de faire ça« , ajoute-t-elle. En clair, Marie-Thérèse Gasp explique que l’administration de l’époque a profité de « l’aubaine et d’un convoi » en partance pour l’hexagone pour l’envoyer dans la Creuse. L’enfant de l’époque, soit disant abandonnée à l’âge de six semaines, était trop vieille pour rester à la pouponnière de la Providence.
Sa mère biologique la contacte en 1991
A cette époque en métropole, son histoire commence à être connue et sa volonté d’entrer en contact avec sa famille biologique dépasse les frontières. Il faudra qu’elle attende 1991 pour que sa mère biologique, réunionnaise, la contacte et c’est seulement en 1999 qu’elle pourra la rencontrer et la prendre dans ses bras. Depuis, Marie-Thérèse Gasp a été plusieurs fois à la Réunion rendre visite à sa famille. Pour autant, elle n’en oublie pas sa famille d’adoption. Preuve du soutien, sa soeur adoptive l’a accompagnée hier à l’Assemblée nationale.
« Je voulais remercier Ericka Bareigts, Huguette Bello, le ministre des Outre-mer (Victorin Lurel ndlr), mais aussi le député de la Creuse, Michel Vergnier. On va pouvoir maintenant travailler plus facilement, un travail de mémoire, et rassembler le maximum de dossiers de pupilles réunionnais. On ne veut plus rester dans le fénoir« , conclut-elle.
Dès le mois de juin prochain, Marie-Thérèse Gasp entend organiser des conférences débats sur cette thématique, celle des enfants réunionnais envoyés de force en métropole entre les années 60 et 80.