Marie France fait partie de ces nonagénaires qui ne sentent pas encore le poids de l’âge. A 99 ans, elle pétille de malice, toujours positive quelque soit la nouvelle, avec une volonté à toute épreuve pour trouver des solutions.
Marie France est née le 1er septembre 1922 à Sainte Rose où elle a grandi, vécu et rencontré l’amour. A cette époque de misère et de privation, beaucoup de personnes étaient illettrées. Marie France comprend très vite qu’il est important pour une femme de son époque d’apprendre à lire, à écrire ou même à compter. Au fond d’elle-même, elle rêve secrètement d’un destin ou d’une vie différente des siens.
Contrairement à Meryl Streep dans « La route de Madison », elle fit un jour le choix de succomber au charme d’un autre homme pour s’en aller faire sa vie au-delà des mers.
“Ma mamie France a rencontré Benoît Tien Seng en 1944, qui a fui le régime communiste chinois avec son frère aîné, laissant famille et biens en Chine aux mains des communistes, pour venir s’installer à La Réunion. C’était un homme dur, dur à la souffrance, dur à la tâche, mais capable de beaucoup de générosité, n’hésitant pas à aider matériellement et financièrement la communauté réunionnaise installée à Madagascar (il tenait cela de son statut d’exilé). Benoît était charcutier et c’était également un ami d’Ignace Boulevart, le premier mari de Mamie. C’est donc par l’intermédiaire de cette amitié que mes grands-parents se sont connus”, dit Ange en souriant.
De cette passion naîtront huit enfants (Félicie, Michel, Éric, Ghislaine, Jules, Bernard, Philippe et Alexandre) et par la suite une vingtaine de petits-enfants. Huit enfants en plus des trois premiers que possédait Benoit de sa première union et qui furent, bien évidemment, très vite adoptés par Marie (ou mamie) France.
“Cette situation n’a pas engendré de rancune ou de colère de la part d’Ignace, ma première relation. On était divorcé mais toujours en bon terme. Il était au courant des fruits de mon union avec Benoît qui portent tous le nom de Boulevart avec un “T” car y marche pas sur mwin”, explique Marie France en souriant.
Une vie riche d’amour et de voyages
“Mon grand-père lui a apporté de l’amour, beaucoup d’amour, peut-être trop d’amour par un comportement jugé quelques fois un peu trop exclusif ! Quand mamie me racontait leurs jeunes années, elle évoquait des scènes de jalousie puis de réconciliation passionnées. Au-delà de cela, mamie France et papy Benoît ont pu avoir une vie riche, à Madagascar, à La Réunion, à Sète puis à Paris. Nul doute que sans mon grand-père, elle aurait passé toute sa vie sur Sainte-Rose “.
Au fil des années, les enfants ont grandi et fini par quitter le giron familial pour s’en aller vivre leur vie. Des racines et des ailes ! C’était ce que Benoît et Marie France avaient donné à leur progéniture. Malheureusement, la jalousie maladive et les excès de colère de Benoît ont été néfastes pour le couple. Marie France décide de rentrer sur son île chérie en 1992 pour se rapprocher et s’occuper de ses petits-enfants, notamment un qui était nourrisson.
“Lorsque mon grand-père est parti rejoindre les étoiles en 1995, ma grand-mère et lui n’étaient malheureusement plus ensemble. Ses souffrances liées à son passé étaient trop grandes et leur couple n’aura pas résisté malgré la passion, l’amour et l’affection”, témoigne Ange.
Son travail c’est sa famille
“Mamie n’a jamais travaillé de sa vie car son travail c’était de s’occuper de sa famille. Tous les jours de l’année, 24 heures sur 24, sans relâche. Comme un phare jeté à la mer dans la noirceur et la furie des éléments, sa porte est toujours ouverte, accueillant enfants et petits-enfants. Les années ont passé et elle est toujours là dans son canapé, coquette et souriante. Sur son guéridon est posé son calendrier pour noter les anniversaires de sa famille d’un côté et de l’autre sa télécommande ouverte sur notre monde”.
Son secret de longévité surprenant
Marie France est très pieuse. Elle prie tous les jours pour la santé et le bonheur de sa famille. Depuis plusieurs années, elle possède un secret de longévité pour le moins surprenant : un petit verre de whisky ou de rhum ou encore une flûte de champagne, toujours entre 10h et midi. Mais juste un seul car Marie France veut garder la tête sur les épaules. Des petits verres aussi réconfortants que son sourire ou ses encouragements. Sa santé de fer étonne son entourage. Les plaisanteries fusent à la vitesse de la lumière quand elle est en présence de ses proches.
« Mamie France est une femme moderne, libre et engagée. C’est aussi la tolérance, l’ouverture d’esprit et l’amour inconditionnel pour ses enfants et ses petits-enfants. Pour ma part, J’aimerais finir par cette citation de Jean Gastaldi : ‘Les bras d’une grand-mère sont toujours tendus pour les petits et les gros chagrins’. Merci de m’avoir transmis cette force, ce caractère et le respect de nos racines !“, termine Ange avec émotion.