Revenir à la rubrique : Courrier des lecteurs

Maloya/séga ; racines/patrimoine : tention pangar lo zembrocal !

Dans l’univers musical local, il y a plusieurs points régulièrement passés sous silence. Par peur de choquer ? de paraître décalé ? pseudo-convenances ? Séga et maloya, patrimoine et racines, interdiction et non-diffusion, on confond tout, on mélange tout. Ma mère, Justy, me racontait que lorsqu’elle avait 10 ans (en 1935), elle passait ses vacances […]

Ecrit par Jules Bénard – le dimanche 04 octobre 2015 à 15H25

Dans l’univers musical local, il y a plusieurs points régulièrement passés sous silence. Par peur de choquer ? de paraître décalé ? pseudo-convenances ?

Séga et maloya, patrimoine et racines, interdiction et non-diffusion, on confond tout, on mélange tout.

Ma mère, Justy, me racontait que lorsqu’elle avait 10 ans (en 1935), elle passait ses vacances d’août chez son tonton Antonin Morel, contremaître à Bassin-Martin. Les employés d’usine organisaient régulièrement leur maloya sur l’argamasse et y conviaient « les gros Blancs », la famille des patrons. Ces derniers, non seulement acceptaient avec plaisir mais fournissaient une partie des vivres et boissons.

Pour la mise en œuvre pure et simple, Alvéis Riani, de Tanambo, m’a raconté que le maloya d’alors était bien plus épuré que les massalés d’aujourd’hui : « La musique té qui fé su couvercle bidon l’essence. Navé point d’kayamb là. Navé point roulèr. Té qui tape su toute sat’ té qui fé d’désorde. I mangeait rien que la viande bœuf, i buvait rien que lo rhum. C’était ça maloya ! »

Tout évolue et heureusement. Mais l’admettre, c’est dire que si la mise en œuvre a bien changé, la perception aussi : le maloya était banni des ondes mais n’a jamais été interdit dans la campagne ! Il faut en finir avec les légendes urbaines.

Il en va de même avec la confusion de vocabulaire : les racines ne sont pas le patrimoine.

Le maloya fait partie de mon patrimoine créole à part entière. Il est dans l’histoire de La Réunion, histoire commune à tous. Mais il ne fait pas partie de mes racines de Yab La Rivir. Mes racines musicales, c’est le séga.

Séga et maloya ne sont pas issus du même moule. Le séga vient apparemment du salégy malgache ; le maloya est plus africain. Musicalement, il me semble impossible de confondre les deux.

Quelle importance, me direz-vous ? Simple : j’ai horreur des amalgames. Je ne renie donc pas le maloya et apprécie qu’il soit inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco. Mais lorsque j’étais môme, et ce jusqu’à mon adolescence, j’ai baigné comme tous les Yabs et autres métis dans le séga. Les chansons, colportées par les contrôleurs de cars, étaient celles de Loulou Pitou, Arlanda, Donat, Vinh San… Quand on parlait de « séga maloya », il s’agissait d’un séga lent. « Maloya » de Vinh San en est l’exemple le plus caractéristique.

Je connaissais néanmoins le maloya, le pur. Papa était gérant de « La Balance Cocos » à Saint-Louis. Les jeudis, il m’emmenait casse in’ blague chez Gramoune Baba, juste à côté. On connaissait donc ; on ne méprisait pas ; on aimait. Mais on savait déjà que les deux genres ne se mélangeaient pas.

Je suis fier du maloya, je l’aime, il fait partie de mon patrimoine ; pas de mes racines. Comme le séga n’est pas dans les racines de Gramoune Sélo mais il est dans son patrimoine, notre patrimoine commun.

Jules Bénard

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique