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Madagascar 2009: Pas d’état de grâce pour la transition malgache !

Trois mois jour pour jour après son ultimatum au régime Ravalomanana pour réouvrir la station TV Viva, le jeune leader du mouvement de masse malgache Andry Rajoelina recevait dans la soirée du 17 Mars 2009 un transfert de pouvoir controversé des mains des trois généraux désignés par écrit par le Président Ravalomanana à la tête […]

Ecrit par zinfos974 – le mardi 07 avril 2009 à 15H04

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Trois mois jour pour jour après son ultimatum au régime Ravalomanana pour réouvrir la station TV Viva, le jeune leader du mouvement de masse malgache Andry Rajoelina recevait dans la soirée du 17 Mars 2009 un transfert de pouvoir controversé des mains des trois généraux désignés par écrit par le Président Ravalomanana à la tête d’un Directoire Militaire éphémère. Beaucoup de questions restent posées, tant à Madagascar que sur le plan international, sur ce début de transition politique sans Marc Ravalomanana, à l’issue des Assises nationales des 02-03 Avril 2009 censées mener vers une sortie de crise « à la malgache » (ady gasy *)…

TRANSFERT DE POUVOIR OU COUP D’ETAT ?

Première question qui divise les acteurs politiques: quelle validité accorder au transfert de pouvoir opéré le 17 Mars 2009, suite au ralliement décisif des forces armées au mouvement de masse (dès leur entrée en rébellion le Dimanche 08 Mars 2009, les porte-parole des mutins du CAPSAT ont précisé qu’ils agissaient « à l’appel du peuple« , contre les ordres de tuerie du Président Ravalomanana et ses « instructeurs militaires » étrangers, et contre un Directoire Militaire)?

Réponse donnée dès le 21 Mars 2009: en parallèle à l’installation (terme officiellement utilisé plutôt qu’intronisation) d’Andry Rajoelina en tant que président de la H.A.T. (Haute Autorité de la Transition), un premier meeting de contestation « pro-Ravalomanana » se tenait sur la Place de la Démocratie à Ambohijatovo, contre le  » coup d’Etat d’Andry TGV « .

Bravant à son tour les forces de l’ordre (cf. vidéos sur les blogs malgaches), la nouvelle opposition entend manifester  » jusqu’au retour du Président Ravalomanana au pouvoir « , confortant ainsi les critiques des chancelleries (SADC, Union Africaine, USA, Union Européenne, France, Organisation de la Francophonie, Union Inter-Parlementaire, etc) sur le caractère  » illégal « ,  » illégitime « ,  » anti-démocratique « ,  » anti-constitutionnel  » ou  » extra-constitutionnel  » de la transition politique en cours à Madagascar.

 ASSISES NATIONALES PARALLELES

 Réunissant plus de 1.200 participants issus d’horizons divers (y compris bon nombre de personnalités « dissidentes » du TIM) , les Assises nationales d’Ivato organisées les 02-03 Avril 2009 par la H.A.T. ont accouché d’une feuille de route de la Transition vers la 4e République avec notamment :
   – 22 concertations régionales et une Concertation nationale à boucler avant le 26 Juin 2009
   – l’élaboration d’une nouvelle Constitution et des textes électoraux
   – un calendrier électoral pour renouveler les élus de la base au sommet de l’Etat jusqu’au début 2011, avec en point d’orgue les Présidentielles en Septembre 2010.

 Malgré l’affluence des participants, les Assises d’Ivato n’ont pas rapproché les positions des forces de coalition soutenant la transition
   – emmenées par les « TGVistes » sous la bannière orange d’Andry Rajoelina
   – avec d’autres tendances comme l’AREMA de l’Amiral Ratsiraka ou le CRN du professeur Zafy Albert, grand absent des Assises: du côté AREMA, d’après la porte-parole des « exilés de 2002 » et journaliste Rinah Rakotomanga présente aux Assises d’Ivato, l’AREMA soutiendrait la Transition mais critique le choix de collaborateurs d’Andry Rajoelina (incluant la plupart des anciens « Hery Velona Rasalama » tombeurs de Ratsiraka en 1991!)

Fort de son expérience à la tête de la transition en 1991, le Professeur Zafy critique l’absence de Convention consensuelle de la transition actuelle (à la différence de la Convention du 31 Octobre 1991), ainsi que la position de juge et partie d’Andry Rajoelina, à la fois chef de l’exécutif et président de la H.A.T. censée contrôler le gouvernement de transition .

Au vu des réactions du camp « pro-Ravalomanana » (boosté par le ralliement du MFM de Manandafy Rakotonirina, ex-parti de gauche devenu membre influent de l’Internationale Libérale aux côtés du Président Wade), il est clair que la réconciliation nationale n’est pas pour demain. A preuve la tenue d’une « Assise nationale-bis » à l’Hotel Carlton d’Antananarivo le 03 Avril 2009, réunissant un peu moins de 600 participants acquis au leit-motiv du TIM à savoir:
 – le maintien de la Constitution et des institutions parlementaires (Assemblée et Sénat)
 – le retour du Président Ravalomanana et l’organisation d’un référendum pour son maintien ou non au pouvoir assorti d’une nouvelle demande d’intervention d’une « force militaire internationale » (censée mettre fin à la logique d’affrontement entre partisans des deux camps et aux brutalités policières?).

Enfin, à ne pas minimiser: la Lettre des Evêques en date du 24 Mars 2009, demandant expréssement à Andry Rajoelina « de ne pas se présenter aux prochaines élections présidentielles » (rumeur insistante depuis son installation à la tête de la H.A.T.) et s’en tenir aux engagements proclamés par ce dernier sur la Place du 13 Mai de « ne pas s’accrocher au pouvoir, mais de mener à terme la transition démocratique après le départ de Ravalomanana« …

 PRESSIONS DE TOUTES PARTS

Les responsables de la transition doivent ainsi faire face à des pressions de toutes parts:
   – une opposition virulente et un Président élu « non démissionnaire » actuellement absent du pays, sans gouvernement mais soutenu par la communauté internationale emmenée par la SADC,
   – un calendrier de transition impératif pour le gouvernement de Monja Roindrefo,
   – les revendications de la « base », à savoir les KMD régionaux (Comités de Défense de la Démocratie) pour le remplacement sans délai des responsables à tous les niveaux déconcentrés (Régions, Districts, services régionaux) et décentralisés (Communes et échelons de base des Fokontany).

 PLACE DE LA SOCIETE CIVILE ?

Parmi les dernières mesures imposées par le régime Ravalomanana, on se souvient des déclarations de l’avant-dernier Ministre de l’Intérieur qui prônait  » la suppression du statut de candidat indépendant  » aux futures élections, arguant  » l’interdépendance et la complexité du système politique « : il s’agissait alors de pérenniser la majorité parlementaire écrasante du TIM, acquise après la réelection de Marc Ravalomanana avec 54% des suffrages exprimés en Décembre 2006.

Dans le contexte actuel de « vide politico-institutionnel« , rien ne garantit que la nouvelle mouvance au pouvoir résistera à la tentation de créer un nouveau « Parti-Etat » dominant (issu de l’association « Tanora Gasy Vonona » d’Andry TGV?), suivant la « tradition politique » malgache à chaque changement de régime depuis l’Indépendance (PSD, AREMA, UNDD, TIM, …): les comités locaux de « soutien à la Transition » fleurissent déjà aux quatre coins de la Grande Ile pour demander la création d’un nouveau parti présidentiel…

Pour restaurer la place de la société civile et la libre expression de toutes les voix en démocratie locale**, il y aurait donc urgence de reconsidérer la loi discriminatoire sur la participation des citoyens aux élections, à moins que cette disposition ne fasse l’affaire des nouveaux dirigeants de la transition en grande partie issus de la classe politique…

dyGasy-SystemD

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 * ady gasy : Les observateurs et acteurs politiques malgaches s ’accordent à reconnaître l’existence d’une approche spécifiquement malgache dans la résolution des problèmes politiques, dénommée « ady gasy » et pouvant être caractérisée notamment par a) la place donnée au mouvement de masse comme  premier acteur du processus démocratique, et b) la capacité d’élaborer en concertation des schémas de transition constitutionnels (comme en 1996 lors de l’empêchement du Président Zafy Albert par l’Assemblée Nationale) ou extra-constitutionnels (notamment en 1991 avec la Convention du 31 Octobre); du point de vue socio-linguistique, la locution « ady gasy » renvoie plus généralement à « une manière de ressentir, d’agir et de créer malgache, d’assumer nous-mêmes notre développement » (Initiatives et Développement Madagascar, 1991).
 ** démocratie locale: Les internautes peuvent se référer à des expériences menées ailleurs, par exemple dans la commune de Ngor -et non moins destination touristique- au Sénégal, sur la viabilité de la gouvernance par la société civile au niveau local.

 

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