Revenir à la rubrique : Social

Ma vie de gramoune sans l’Arast

Pour Suzelle, 75 ans, et son mari, 86 ans, c’est la catastrophe : aidés depuis plus de six ans par une aide ménagère à domicile de l’Arast, ils se retrouvent seuls depuis la dissolution de l’association en décembre dernier.

Ecrit par Johanne Chung To Sang – le vendredi 19 mars 2010 à 08H41

A écouter Suzelle parler de ses journées, il y a un avant et un après-Arast. A 75 ans, la voix de la dame reste jeune même si la vieillesse commence à peser sur son corps. Deux prothèses à la hanche, une à l’épaule : ses os fragilisés ont déjà nécessité 17 opérations, raconte-t-elle. Son mari, 84 ans, porte aussi une prothèse à la hanche et a été victime d’un accident vasculaire au début de l’année. Autant de problèmes de santé qui empêchent le couple d’effectuer les tâches de la vie quotidienne. «Mi gagne pu pencher, mi gagne pu bouger avec douleur lé dans ma jambe jusque là», gémit-elle en désignant ses chevilles.

La septuagénaire de Petite-Ile ne peut ni balayer, ni repasser ses vêtements. Et ne peut plus compter sur l’aide de son mari, qui ne se déplace qu’avec l’appui de son déambulateur. Depuis une hospitalisation de Suzelle, il y a six ans, le couple bénéficiait d’une aide ménagère à domicile envoyée par l’Arast (Association régionale d’accompagnement social territorialisé). Henry*, deux fois par semaine, effectuait diverses tâches chez eux. Suzelle s’émerveille encore des prouesses de son ex-homme de ménage : « C’était plus qu’une grande aide, li té grand et vif. Avec li, le travail té bien fait, et té quelqu’un de très agréable. Li té fait partie de la famille ».

Depuis le mois de décembre, plus rien. Les employés de l’Arast licenciés par le Conseil général, c’est à elle seule de s’occuper de la maison et de son mari.

« Si personne i nettoye pas, i laisse comme ça »

Henry continue à passer de temps en temps bénévolement. Ceci n’empêche pas le dépit de percer chez cette femme d’agriculteur qui a toujours mené une vie active. « Mes enfants ou mes ti zenfants quand i passe i nettoye un peu, mais si personne i vient pas, ben i laisse comme ça« , laisse échapper l’arrière-grand-mère.

Certes, la solidarité est d’usage dans le quartier, mais sa voisine, qui lui donne parfois un coup de main, a…83 ans. « I fait mal a moin voir ça…« , se désole Suzelle.

Son linge, elle se « débrouille » pour qu’il soit présentable : « Mi mette dans la machine à laver ; quand lé sec, mi assois sur le fauteuil et tout l’après-midi mi plie le linge. Mi lisse un peu avec la main…« . Quant aux repas, elle les cuisine deux fois par semaine, les congèle, et les réchauffe. « Des choses simples, comme la soupe ou sosso, parce que Christian i gagne pas bien manger sinon« .

Le couple a sollicité une nouvelle aide ménagère. Mais la visite du contrôleur du Conseil Général, pour constater l’état des personnes et déterminer le nombre d’heures d’aide, se fait attendre. Depuis plus d’un mois, leur requête est restée lettre morte, laissant les deux gramounes subir seuls les aléas de leurs vieux jours.

Malgré ses soucis, Suzelle tient à rester digne et à se faire belle. « Quand mi sorte mi aime bien mon ti rouge à lèvres et mon ti fond de teint, i veut pas dire mi lé pas malade !« .

Et lorsqu’on évoque leurs presque 60 ans de mariage, c’est Christian, qui répond, d’une voix que sa maladie rend à peine audible : « Nous va fêter, si ma pencor arrive en l’air là-bas ! »

*nom d’emprunt

 

En attendant, le chômage pour Henry

Même si une grande partie des ex-employés de l’Arast a été sollicitée par des structures privées, certains restent sur le carreau.

Henry, au chômage depuis le 26 décembre dernier, perçoit les Assedic. Il réfléchit à un nouveau projet professionnel : il ambitionne de passer son diplôme d’aide médico-psychologique. L’ancien auxiliaire de vie sociale jette un regard désolé sur la situation de Suzelle et Christian. « Ces gens ont besoin d’un système d’aide personnalisé. Ce n’est vraiment pas évident, surtout pour le monsieur, depuis son AVC« .

Henry continue de visiter régulièrement la famille et a noué des liens avec elle. Mais il prévient : « On s’attache plus ou moins, mais il faut faire attention à rester professionnel… »

Article tiré du journal Info-Com Varangue, n°232, Université de la Réunion [http://departements.univ-reunion.fr/infocom/]url:http://

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Les journalistes du Quotidien campent devant le tribunal

Une vingtaine de journalistes du Quotidien de La Réunion se sont installés devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis. Une décision est attendue ce mercredi sur le sort du média placé en liquidation judiciaire depuis le 4 octobre.

Débrayage des préparateurs en pharmacie au CHOR

Une vingtaine de préparateurs en pharmacie hospitalière ont manifesté leur colère ce jeudi et ont pris part au mouvement de grogne nationale. Ils demandent notamment une révision des échelons et l’officialisation du diplôme d’État.

L’avenir du Quotidien de La Réunion entre les mains du tribunal de commerce

Alfred Chane-Pane et Henri Nijdam ont défendu leur projet respectif de reprise du Quotidien, mercredi après-midi à la barre du tribunal de commerce de Saint-Denis. Le premier a fait valoir le fait qu’il détenait une imprimerie ultra-moderne, tandis que le second a rehaussé son compte courant d’associés à 1,5 million d’euros. Le délibéré interviendra le 3 avril.