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Ma nuit dans un Chaudron en flammes…

Je suis arrivé vers 19 heures à la mairie annexe du Chaudron, où j’ai récupéré Karine Maillot qui venait d’assister à la manifestation des habitants du quartier qui souhaitaient que cessent les violences. Comme je l’avais fait la veille, nous nous sommes dirigés vers les tours jumelles du Chaudron, lieu de rassemblement des familles venant […]

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 23 février 2012 à 14H50

Je suis arrivé vers 19 heures à la mairie annexe du Chaudron, où j’ai récupéré Karine Maillot qui venait d’assister à la manifestation des habitants du quartier qui souhaitaient que cessent les violences.

Comme je l’avais fait la veille, nous nous sommes dirigés vers les tours jumelles du Chaudron, lieu de rassemblement des familles venant profiter du « spectacle« . Le site offre une relative sécurité car il permet de prendre des photos discrètement grâce à l’iPhone, tout comme le font nombre de personnes autour de nous, souhaitant garder un « souvenir » de ces événements. Nous sommes noyés au milieu d’une foule où il n’est pas rare de voir des enfants en bas âge venant profiter du spectacle avec leurs parents.

L’occasion aussi pour nous de réaliser que deux « mondes » se cotoient à quelques mètres de distance seulement. Si les badauds viennent voir le spectacle, ils n’en sont pas moins critiques sur l’attitude des jeunes. On entend souvent : « Moin lé d’accord pou lutte contre la vie chère, mais là, band la i sava trop loin« , ou encore « Lé pas possible, ça pas de monde Chaudron, ça« …

Vers 20 heures, ils sont déjà plusieurs dizaines massés au rond-point du CASE du Chaudron. On sent une tension très lourde, mais rien de véritablement grave ne s’est encore déroulé. Des petits groupes de quelques jeunes essaient bien, ça et là, de détruire les feux tricolores ou bien mettent quelques poubelles au milieu des carrefours mais les choses semblent plus lentes à démarrer que la veille au soir. Au point qu’on en vient presqu’à espérer qu’avec les quelques gouttes de pluie qui tombent et le match annoncé OM / Inter de Milan, les choses pourraient peut être en rester là. Autre élément allant dans le sens d’un apaisement : les forces de l’ordre sont absentes du terrain, sans doute dans l’espoir de ne pas offrir aux jeunes prétexte à se défouler. Et pour aussi qu’on ne puisse les accuser de provocation.

Espoir vite déçu. Vers 20h30, les choses s’accélèrent. Sur un signal venu de nulle part, des dizaines de jeunes se mettent soudainement à courir en direction du parking de Score, avec l’intention évidente de piller la grande surface. Renseignements pris plus tard, ils ne sont pas parvenus à ouvrir les grilles et se sont rabattus sur le CCAS proche qu’ils ont mis à sac.

Peu de temps après, un double convoi de véhicules de police et de gendarmerie s’approche. Les gendarmes continuent en direction du marché forain, histoire de venir se positionner à proximité du parking de Score, avec pour mission de défendre la grande surface.

Quatre fourgons de police s’arrêtent pour leur part devant le CASE. Des policiers en tenue « ninja » en descendent, protégés derrière leurs boucliers. Très vite, des dizaines de jeunes voyous, la plupart avec le visage dissimulé, se faufilent entre les bâtiments du CASE pour venir les canarder à bout portant à coups de gros galets. On entend le bruit sourd des impacts sur les carosseries des véhicules. Tout cela à une vingtaine de mètres de nous.

Contrairement à la veille, il n’y a plus de frontières entre la foule et les manifestants. Tout le monde se mélange, au rythme des flux et des reflux des casseurs suite aux lancers de grenades lacrymogènes et à effet de souffle. Et c’est là que je croise un premier manifestant, le visage dissimulé, avec un énorme galet à la main. Juste derrière, un de ses dalons le suit, à couvert des arbres, avec un révolver à la main qu’il tente maladroitement de dissimuler. Je fais signe à Karine qui voit elle aussi l’arme. Les deux jeunes dévalent le talus et rejoignent leurs copains en contrebas. Ça craint…

Un peu plus tard, vers 21h30, les casseurs se retrouvent dans la rue qui descend de la Région vers le Chaudron, au niveau du CASE. Une demi-dizaine pousse une voiture en travers de la route, la retournent sur le toit et y mettent le feu. Les flammes éclairent la scène irréelle et lêchent les parois du CASE. Encore quelques instants de répit car, dans pas très longtemps, c’est le CASE lui même qui sera la proie d’un incendie.

Non loin de là, un autre journaliste qui prenait lui aussi des photos avec son iPhone se fait « entourer« . Les jeunes essayent de lui voler son téléphone. Il réussit finalement à le conserver après négociations. Mais le message est clair : ça va être de plus en plus difficile de faire des photos.

Devant ce risque accru, je demande à Karine de rentrer chez elle et vais avaler un sandwich dans un des rares bars du coin encore ouvert avant de revenir.

C’est sur le chemin du retour, en voulant revenir vers le CASE que je tombe sur une équipe d’une douzaine de policiers dans des voitures banalisées, dont le rôle est d’effectuer des interpellations en flagrant délit. Je tombe sur eux un peu au dessus du CASE, et décide de les suivre quand ils changent de lieu. Nous faisons une première halte devant le Crédit agricole de Sainte-Clotilde. Soudain, un message tombe par la radio : il y a des jeunes armés de battes de baseball qui s’en prennent aux automobilistes à proximité de Hyundaï, à Grand Canal.

Tout le monde saute dans les voitures et je les suis. En fait, il y avait eu une erreur dans le message puisque, à chemin Grand Canal, ce n’est pas Hyundaï mais la CMM. Ca n’empêche pas les policiers d’arriver en trombe au rond-point, au moment où les occupants d’un premier véhicule, peut être de la Bac, sont en train d’effectuer une première opération. Tout le monde descend en courant et cinq jeunes sont au total interpellés, dont un jeune zoreil dont la présence détonne. Le dernier est retrouvé dissimulé tapi parmi les hautes herbes au fond de la ravine et a préféré tranquillement se rendre, plutôt que d’avoir à affronter les crocs des chiens tenus en laisse par des policiers maitre-chiens.

Les cinq jeunes sont allongés à même l’herbe et j’en profite pour réaliser quelques photos avec l’iPhone.

L’occasion de vous préciser comment nous avons travaillé pendant ces deux jours. Présent sur le terrain, je prends des photos avec l’iPhone. En quelques secondes, la photo est envoyée par internet à Mélanie qui attend en veille. A peine la photo envoyée, je l’appelle pour lui raconter ce qui s’est passé. Elle rédige l’article et quelques minutes plus tard, l’article est en ligne avec une photo ou une vidéo. Ce soir, le dispositif sera encore renforcé, de façon à être encore plus réactifs et à encore mieux vous informer.

Mais revenons en à nos moutons. Les véhicules banalisés regagnent le commissariat du Chaudron, pour y déposer leurs prisonniers. Je les suis et me gare devant le bâtiment. Je suis rejoint par Pierre Marchal, un excellent photographe de presse avec qui nous collaborons à l’occasion. Nous planquons devant le commissariat, dans l’attente d’une nouvelle virée.

Soudain, le portail s’ouvre et un long convoi de véhicules de la gendarmerie s’ébranle, avec un seul fourgon de police en queue de peloton. Nous décidons de les suivre. Nous empruntons le boulevard Sud en direction de l’Ouest. Soudain, alors que les véhicules de gendarmerie continuent vers le Port où des pilleurs étaient en train de s’en prendre à la concession Peugeot, le fougon de police tourne à droite dans l’intention manifeste de revenir vers le Chaudron. Nous décidons de lui emboiter le pas. Tant pis pour le Port, on ne peut être partout.

Le fourgon emprunte de petites rues pour finalement arriver sur le parking de Score où stationnent déjà de nombreux autres véhicules de la police et de la gendarmerie. Nous nous garons non loin de là et dès notre sortie de la voiture, nous pénétrons dans un univers de guerre civile. Les gendarmes présents sur l’avenue Leconte de Lisle, sur l’arrière de Score, subissent des jets continus de galets, souvent lancés à une vingtaine ou une trentaine de mètres. Les jeunes arrivent quasiment au contact en se dissimulant dans les parkings des résidences SHLMR situées à proximité. Et les gendarmes répliquent à coup de 50, 100 ou 200. Comprenez par là des grenades lacrymogènes qui portent à 50, 100 ou 200 mètres. De temps à autres, ils alternent avec des grenades à effet de souffle, les seules dont ont vraiment peur les manifestants.

Pendant toute la nuit, ce petit jeu du chat et de la souris va perdurer avec des avancées des forces de l’ordre, puis des retours sur leurs positions fortes, sous la pression des galets des manifestants. A plusieurs reprises, les manifestants réussissent des percées spectaculaires, dues essentiellement au fait que les gendarmes doivent économiser leurs munitions. Ils ont réclamé du ravitaillement, mais celui-ci tarde à arriver. En entendant cela, je ne peux m’empêcher de penser que s’ils devaient réellement se trouver à court, il ne nous resterait plus qu’à prendre nos jambes à notre cou, à sauter dans nos véhicules et à déguerpir, en abandonnant le Score à son triste sort. Heureusement, il n’en a rien été et les différents types de grenades sont arrivés à temps.

Vers 23h15, à l’occasion d’une de ces avancées, les casseurs arrivent à repousser les gendarmes et à pénétrer dans l’arrière de la cour de Score. Ils ont juste le temps de mettre le feu dans un groupe électrogène et des palettes de bois avant d’être à nouveau délogés par une nouvelle rafale de grenades lacrymogènes. Rien de bien grave en soi, sauf qu’une cuve remplie de 3.000 litres de gasoil se trouve à quelques mètres. Le danger d’explosion est important, et on le sent dans la voix du capitaine de gendarmerie quand il demande l’intervention urgente des pompiers.

En compagnie de Pierre Marchal, nous nous approchons malgré tout à quelques mètres de l’incendie, histoire d’immortaliser l’événement et de vous en faire profiter. Clic-clac, pellicule, envoi par courrier, adresse électronique, envoi et l’image est partie en direction de Mélanie. Je sais que dans quelques minutes, elle sera en ligne.

Les gendarmes nous rappellent à l’ordre et nous nous reculons sagement de quelques dizaines de mètres.

Les pompiers arrivent enfin. Ils mettent un peu de temps à parvenir à faire sauter les cadenas avec leurs coupe-boulons. S’ils rencontrent autant de difficultés avec leur matériel professionnel, on comprend mieux les difficultés des casseurs à pénétrer dans le blockaus que constitue le Score du Chaudron. Une fois à l’intérieur, ils parviennent rapidement à maîtriser l’incendie.

En nous approchant du camion-citerne, je vois plusieurs impacts de gros galets sur le pare-brise et sur les côtés du véhicule, preuves de la bêtise des casseurs qui n’hésitent pas à s’en prendre même aux pompiers qui risquent pourtant leurs vies pour venir aux secours de leurs familles…

Vers 2h30 du matin, après plusieurs dizaines d’autres clichés, nous estimons que nous ne ferons rien de mieux que ce que nous avons déjà fait et décidons qu’il est l’heure pour nous de rentrer à nos domiciles respectifs. Ce qui ne signifie pas pour autant que notre travail est terminé.

Et c’est là, arrivé à la voiture, que je découvre le pneu arrière droit crevé… Nous décidons d’essayer de changer la roue mais cette tache nécessite au moins un niveau Bac+15 sur un Toyota Landcruiser… Après plusieurs essais, dans la pénombre, à essayer de déchiffrer les caractères minuscules du livre de bord avec une lampe de poche entre les dents, nous décidons d’abandonner le véhicule sur place, dans un endroit un peu discret. En espérant le retrouver intact au réveil…

 

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