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Loi Handicap : Quels changements 15 ans après ?

Le 11 février 2005, la loi Handicap était promulguée en France. Une loi qui a bien du mal à être appliquée en métropole comme à La Réunion. Les personnes concernées dans le département dressent un bilan 15 après.

Ecrit par zinfos974 – le lundi 17 février 2020 à 09H40

L’ambiance est détendue au Club Roland Georget Sports Handicaps situé à Champ-Fleuri. Chaque mardi et jeudi en fin d’après-midi, les adhérents de cette association se retrouvent afin de faire du sport et surtout partager un moment entre amis. Mais si la bonne humeur est de mise, l’émotion remonte vite lorsque les usagers évoquent les difficultés qu’ils rencontrent dans leurs vies. Particulièrement la première : accepter son handicap.
 
Arnaud Huguet, le président de l’association, est atteint d’une infirmité motrice cérébrale (IMC) depuis sa naissance. Cette infirmité l’a empêché d’apprendre à lire et à écrire. « Petit, lorsque des amis à mes parents venaient à la maison, j’allais me cacher dans ma chambre », déclare-t-il les larmes aux yeux, « j’avais honte de parler de mon handicap devant les gens ». L’âge et la maturité, mais surtout son épouse, également handicapée, l’aideront à accepter sa différence. « Heureusement qu’on est là l’un pour l’un autre », se réjouit-il.
 
À ses côtés, son ami Jacques. Ce dernier a perdu la vue il y a 5 ans suite à un glaucome. Âgé de 70 ans, il a dû apprendre à vivre avec ce nouveau handicap. « On perd 80% du sens de l’équilibre en perdant la vue », se souvient-il. Il lui a fallu des mois pour accepter son handicap. Mais une fois qu’il a psychologiquement commencé à surmonter cette épreuve, un nouveau coup dur est apparu lorsqu’il est retourné au contact de la société.

 

Loi Handicap : Quels changements 15 ans après ?Premier point noir : les transports
 
Lorsque l’on demande aux porteurs de handicaps quelle la plus grande difficulté à La Réunion, c’est la question des déplacements qui revient en premier. Assurer l’accessibilité des bâtiments et des transports aux personnes porteuses de handicaps était l’une des obligations fortes de cette loi. Force est de constater qu’elle n’est pas encore totalement appliquée.
 
Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant, il confirme que hors du centre-ville de Saint-Denis, il est difficile de pouvoir se déplacer à pied ou en fauteuil roulant. Trottoir trop petit ou absent, feux de signalisation sans signal sonore auxquels il faut ajouter les automobilistes qui se garent sur les places handicapées ou les trottoirs. Sorti du centre-ville du chef-lieu, des actions simples, comme aller acheter son pain, relèvent du parcours du combattant.
 
Concernant les transports en commun, c’est un carton jaune que les personnes concernées donnent aux compagnies. Absence de synthèse vocale qui annonce l’arrêt, site internet pas adapté aux non-voyants, balises de sorties de bus trop courtes, les difficultés sont nombreuses. Autre point noir : les horaires. Passé 18h, plus aucun bus adapté. La Citalis a bien créé le service Cityker depuis 2014, mais celui-ci montre quelques limites. « Le chauffeur nous dépose de notre domicile à notre destination, mais il n’attend pas. On est donc obligé de calculer et réserver pour le trajet retour, en espérant qu’ils ne soient pas débordés à ce moment-là », regrette Jacques. Tous souhaitent qu’un service plus adapté soit mis en place afin de retrouver un peu plus d’autonomie.

 

Loi Handicap : Quels changements 15 ans après ?L’accessibilité encore à revoir
 
Les bâtiments publics avaient 10 ans pour se mettre en conformité. Les établissements recevant du public avaient 2018 comme date butoir. Mais ces échéances ne cessent d’être repoussées. Conclusion, il est toujours impossible pour les personnes porteuses de handicaps de se rendre dans certains établissements. « Quand les bâtiments sont neufs, ça va, mais dès que c’est de l’ancien, il n’y a pas forcément eu les travaux nécessaires », déplore Jean-Philippe Sévagamy.
 
Impossible donc de se rendre au théâtre ou au cinéma pour eux. Selon Jean-Philippe Sévagamy, les boîtiers guides ne fonctionnent pas toujours dans les salles de l’île. De nombreux restaurants ne peuvent également pas les recevoir.
 
Logement : les bailleurs sociaux ne jouent pas forcément le jeu
 
Pour Arnaud Huguet et son épouse en fauteuil roulant, la vie dans leur logement social n’est pas une sinécure. Malgré plusieurs relances, ils ne savent toujours pas si les travaux pour adapter la salle de bain seront réalisés. Sa cousine vit le même problème. « Elle se déplace en fauteuil roulant, mais le lino de son logement est plein de trous, c’est une vraie contrainte quotidienne pour elle », ajoute-t-il.
 
« Pourquoi tu sors de chez toi? »
 
S’il y a un point qui a peu changé, ce sont bien les incivilités. L’impolitesse ne rentre pas dans le cadre de la loi handicap, une éducation pour les valides semble parfois nécessaire. Symbole de ces comportements : les places handicapées. « C’est toujours difficile d’en trouver une de libre, lorsque l’ambulance me dépose chez le médecin, elle doit attendre en double file parce que quelqu’un occupe illégalement les places réservées ».
 
Quand cela ne tourne pas aux agissements totalement inacceptables. Par exemple, le refus des valides de laisser passer les porteurs de handicaps aux caisses qui leur sont dédiées dans les supermarchés. Sans compter sur les comportements agressifs. « On s’entend dire parfois pourquoi tu sors de chez toi ? » se révolte Jacques. « Des fois, il y a en a qui se mettent devant moi pour bien vérifier que je suis aveugle, ils me prennent ma canne », confirme Jean-Philippe Sévagamy. 
 
Mais face à ces comportements , ce dernier reste philosophe. « C’est à nous d’avoir le sourire, si les gens s’aperçoivent qu’on est « mal souffrant » en plus d’être mal voyant, ils ne supporteront pas les handicapés ». Pour Arnaud Huguet, ce sont aux personnes porteuses de handicaps de se mobiliser pour faire bouger les lignes. « Les gens ne se sentent pas concernés, la société ne s’en rend pas compte, mais c’est normal, ils ne peuvent pas se mettre à notre place, moi-même je ne sais pas ce que vit mon ami non-voyant ».
 
La route semble donc encore longue avant que la loi handicap atteigne son objectif principal : la solidarité de l’ensemble de la société à l’égard des personnes handicapées.

 

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